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Le développement de la politique de "soins intégrés pour une meilleure santé" de Maggie De Block (www.integreo.be) pose de nombreuses questions au FAGW (Forum des associations de MG wallons). Le FAGW note, entre autres, le fait que les durées des projets (4 ans) sont trop courtes pour engranger des économies en terme de prévention. "La prise en charge précoce d'un syndrome métabolique par exemple, en prévention de sa morbi-mortalité n'aura pas eu le temps d'impacter le coût de la prise en charge des complications cardiovasculaires. De plus dispose-t-on, dans le cadre de ces projets, des outils pour mesurer leurs impacts financiers ? Tiendra-t-on compte par exemple de la diminution des incapacités des travail ?"ConceptualisationLes réserves émanent du Namurois-Dinantais. Quatre cercles de MG participaient à l'expérience-pilote : le cercle Malonne Floreffe (Cemaf), le Rassemblement des MG de Namur (RGN), le cercle des MG d'Andenne et l'UOAD (lire ci-dessous). " Nous participons à d'importantes réunions depuis plusieurs mois au sein d'un consortium rassemblant les hôpitaux, les prestataires, les aidant-proches, etc., explique le Dr Simone Ulrix (Cemaf). Nous n'en sommes qu'à la phase de conceptualisation. Une réunion y a été consacrée fin janvier. Mais beaucoup de choses restant obscures, le délai de mise en test a été reporté fin juin. La seule lecture du projet nécessite énormément de temps. Les risques principaux concernent les conflits d'intérêt (entre prestataires et bénévoles, entre médecins entre eux et entre médecins et autres prestataires) et le gel du coût total des maladies chroniques qui est à mon avis le but final de l'opération."La femme médecin craint qu'en conséquence, les services aux patients soient amoindris. " Or nous sommes souvent confrontés à des patients en cumul de fragilités (psycho-somatiques, psychique et sociale) qui constituent le groupe-cible sur Namur. J'ai démissionné. On m'a demandé de motiver les raisons de ma démission et je l'ai explicité en questions (lire ci-dessous). Je n'ai jamais reçu ni accusé de réception ni réponses. "38 questions sans réponseLe Dr Simone Ulrix a en effet posé pas moins de 38 questions par rapport au projet-pilote!Les autorités demandent notamment de travailler selon la méthode managériale " SMART " (Spécifique et simple, Mesurable , Ambitieux et Accepté, Réaliste, Délimité dans le temps). Mais elle ne permet pas de mesurer la satisfaction du patient, la qualité des soins, le niveau de qualité de vie. Ce qui rend difficile l'évaluation des projets-pilotes.Au plan légal, l'arrêté royal qui exécute l'article 56 de la loi AMI n'a pas encore été publié. Il est difficile, dès lors, de savoir si le projet-pilote, en phase de conceptualisation, répondra au cadre juridique. Les cercles craignent d'être sanctionnés s'ils mettent fin au projet-pilote une fois l'AR publié.La convention de collaboration entre partenaires pose questions également et notamment la rétribution de chacun. Qu'entend-on par "partenaires" ? Les MG individuellement ou leur cercle ? Si le cercle signe la convention, tous ses membres sont-ils tenus par la convention ?En matière de rétribution, ce n'est pas clair non plus, estime Simone Ulrix. " Si la convention définit une rétribution forfaitaire des prestations correspondant à certains codes de nomenclature, les prestataires peuvent-ils décider individuellement de ne pas y adhérer ? "Mode de gestionLe droit de regard des partenaires sur le mode de gestion du projet-pilote amène également des incertitudes. Par exemple, les partenaires peuvent-ils rompre la convention signée avec le projet-pilote avant l'échéance des quatre ans prévus pour le projet ?Un point important concerne le consentement des patients. Le point 6.5 du projet indique en effet que " le consentement du patient ne doit pas formellement intervenir lors de l'inclusion du patient dans le projet. Bien qu'inclus dans le projet, le patient reste libre de profiter ou non des opportunités ". Mais le patient a-t-il a contrario le droit de refuser d'être inclus dans le projet ? Tous les patients appartenant au groupe-cible sont-ils inclus de facto dans le projet ? Des questions quant au financement se posent également. Peut-on comparer les patients séjournant en MR/MRS, en maison médicale, ambulatoires dès lors que la définition du patient chronique est fondée sur les dépenses de santé de ces patients, à savoir 300 euros par trimestre durant huit trimestres ? Comment calculer le budget garanti au projet-pilote ? On ignore si les médecins peuvent ou non être rémunérés à l'acte à la demande du patient. Si on multiplie le coût moyen par patient par le nombre de patients, encore faut-il calculer précisément le nombre de patients en cours de projet.La garantie budgétaire prévoit que les gains d'efficience et les moyens libérés qui en découlent restent à disposition du projet. Le Cemaf craint à cet égard un conflit d'intérêt entre le projet et le patient.Paiement groupéDe même, le système du bundled payment (paiement groupé) interpelle. Comment le concilier avec le libre choix du patient ? Si le projet entre dans un système de paiement groupé, il reçoit un montant fixe par patient pour couvrir un ensemble de prestations offertes aux patients. Si le patient s'adresse à un prestataire qui est hors du projet, ce prestataire facturera ses prestations au projet et non plus à la mutuelle du patient, indique l'épure de la ministre.D'où la question (n°25) : Si la convention n'est pas ratifiée par tous les prestataires concernés, comment empêcher ici aussi un conflit d'intérêt entre prestataire adhérant et prestataire n'adhérant pas au projet ?En outre, seul le paiement groupé permet d'échapper à la régularisation a posteriori. Du " budget garanti " est retiré le montant des prestations facturées par ailleurs. Un solde est alors calculé après régularisation. Mais dans quel délai le projet connaîtra-t-il le solde ?, s'interroge le Dr Ulrix. Qui craint que si on utilise le paiement à l'acte par médecin, on risque de devoir rembourser les dépassements. Or le projet étant tenu à une enveloppe budgétaire, les questions suivantes se posent : " Si le projet est déficitaire, comment garantir que la récupération d'un équilibre budgétaire ne se fera pas aux dépends du patient? Si le projet est mis en faillite, qui en portera la responsabilité ? Les administrateurs du projet-pilote ? Les partenaires ? " Financement hospitalierAllant même plus loin, le Dr Ulrix s'interroge sur le compatibilité du projet avec la réforme du financement hospitalier porté par Maggie De Block. Le texte de base figurant sur www.integreo.be mentionne en effet que le projet financement hospitalier et le projet soins intégrés " doivent être offerts de manière intégrée au patient chronique concerné par les deux projets "...Enfin, les projets-pilotes deviennent de facto des " mini-Inami " qui gèrent tout. Ils prévoient ainsi un montant global pour l'ensemble des médicaments du projet. Ce qui amène la question de savoir comment faire des économies sur le médicament sans imposer la substitution étant donné que le coût des prestations pharmaceutiques est fixe.Bref, beaucoup d'interrogations mais aussi sans doute des malentendus par manque d'explication règnent à propos de l'initiative de la ministre.