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Le Prix de la Santé, d'une valeur de 250 000 euros, est le prix scientifique international le plus important décerné en Belgique. Il vise à promouvoir non seulement la recherche fondamentale, mais aussi ses applications au profit de la santé humaine. De son côté, le crédit représente une bourse de 150 000 euros par an pendant 3 ans, pouvant être prolongé pour 2 années supplémentaires, et est octroyé à un jeune chef de groupe dans une université ou un hôpital universitaire belge. Les deux récompensent alternativement 5 domaines de recherche, selon un roulement systématique - cette année, c'était au tour du cancer -, et ont été attribués par le même jury international composé de sept chercheurs réputés dans le domaine du cancer. De l'onco-immunologie...Le Pr Kroemer dirige les plates-formes de recherche métabolomique et cytobiologique de l'Institut Gustave Roussy (Villejuif, France) et occupe le poste de directeur adjoint à l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM). "Pour qu'un cancer puisse se développer, il faut que le système d'immunosurveillance soit littéralement défaillant. En effet, un cancer est infiltré par des cellules immunitaires, dont des lymphocytes T cytotoxiques et des cellules immunosuppressives, qui tentent de bloquer l'effet positif des lymphocytes T. C'est ce qui a conduit au postulat selon lequel un traitement efficace, qui reste efficace longtemps après l'arrêt du traitement, doit de facto être une immunothérapie. Or, cela n'est possible que si les cellules tumorales stressées et mourantes deviennent immunogènes et stimulent la réponse immunitaire, activant de ce fait l'hôte à se défendre contre les cellules cancéreuses." Une induction sous-optimale de cette "mort cellulaire immunogène" peut conduire à un échec du traitement. ... à l'onco-immuno-microbiologieLe Pr Zitvogel est directrice scientifique du laboratoire Immunologie des tumeurs et immunothérapie contre le cancer à l'Institut Gustave Roussy, et également attachée à l'INSERM. Avec le Pr Kroemer, elle est parvenue au constat que l'immunothérapie mobilise le système immunitaire intestinal à éliminer les cellules cancéreuses. "Nous avons réalisé une analyse rétrospective de l'impact de l'antibiothérapie chez des patients mis sous anti-PD-1 ou anti-PD-L1. Et il s'est avéré que la survie sans progression et la survie globale diminuent significativement lorsque le patient a pris des antibiotiques pendant l'immunothérapie (2 mois avant et/ou 1 mois après la première administration). Si nous transplantons des fèces issues de patients qui réagissent bien aux anti-PD-1 ou anti-PD-L1 sur des animaux présentant le même cancer et un intestin stérile, nous constatons aussi une bonne réponse chez ces animaux. Et l'inverse est également vrai : la greffe fécale d'un patient chez qui le traitement est un échec ne fonctionne pas davantage chez l'animal. Le microbiome joue donc un rôle important dans le résultat clinique." En déterminant la séquence génomique des bactéries fécales, l'équipe de recherche a pu relever un excès relatif d'Akkermansia muciniphila chez les répondeurs aux PD-1/PD-L1 en comparaison des non-répondeurs.* "Deux études actuellement en cours aux États-Unis tentent de restaurer la réponse immunitaire via une greffe fécale chez des patients souffrant d'un mélanome métastatique en situation d'échec thérapeutique." Dans les 10 années qui viennent, l'arsenal thérapeutique contre le cancer inclura sans aucun doute le microbiome et les pré/probiotiques adéquats.Oncologie de précisionLe Pr Pieter Van Vlierberghe, bio-ingénieur de formation, a été sélectionné par le jury pour son projet de recherche sur le rôle du facteur de transcription cMYB dans l'induction de la leucémie aiguë lymphoblastique de type T (LAL-T). Avec son équipe du laboratoire de recherche médicale attaché au Centre de génétique humaine de l'Université de Gand, il décortique le rôle du facteur de transcription oncogène cMYB dans l'apparition et la survie de différents types de cellules leucémiques. Ils ont à cet effet créé un modèle murin sur la base de souris génétiquement modifiées, dans lequel l'activité de ce facteur de transcription peut être induite sélectivement et la croissance tumorale, visualisée par bioluminescence. L'objectif final est de pouvoir tester une thérapie ciblée devant permettre d'éviter les effets indésirables de la chimiothérapie. À ce jour, 90 % des enfants atteints de LAL-T survivent grâce à une chimiothérapie intensive qui, malheureusement, altère grandement leur qualité de vie. * Routy B et al. Gut microbiome influences efficacy of PD-1-based immunotherapy against epithelial tumors. Science 2017. DOI: 10.1126/science.aan3706