Nous sommes une dizaine autour de la table, presque tous des notables : un CEO, un médecin, un juriste... et un homme cloué à sa chaise roulante, paralysé du cou aux orteils à la suite d'un accident. Il souffre de douleurs nerveuses insupportables et a tout essayé. " Et le cannabis ? ", lance sans complexes un autre convive. " J'ai fait le test, mon fils est allé m'en chercher aux Pays-Bas... mais non, ça ne marche pas ", répond l'intéressé.

L'utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques n'est plus taboue depuis longtemps, confirme Igna Huyghe, pharmacienne et formatrice à l'usage de ce produit. " Au terme de mes études à l'université de Gand, j'ai déménagé en Italie. Je me suis toujours beaucoup intéressée à la phytothérapie... et en fin de compte, le cannabis médicinal n'est rien d'autre. En Italie, il est entièrement légalisé depuis 2013 et les auto rités ont créé elles-mêmes des champs qu'elles contrôlent et exploitent. "

" Le cannabis thérapeutique n'est pas un produit miracle ", souligne-t-elle. " C'est une option que l'on explore après avoir tenté en vain tous les traitements ordinaires, parfois avec des résultats spectaculaires - dans l'épilepsie ou les douleurs fantômes, par exemple. Le grand problème à l'heure actuelle, c'est que les patients vont souvent s'approvisionner sur le marché noir, alors même qu'essayer de juguler ses symptômes à l'aide de cannabis destiné à un usage récréatif est la pire des choses à faire. La consommation du cannabis récréatif n'est en effet pas contrôlée et, quand les proportions ne sont pas correctes (trop de THC et trop peu de CBD), il y a des risques pour l'utilisateur. "

Aujourd'hui installée en France, Igna Huyghe sillonne la Belgique pour informer médecins et pharmaciens. " La demande de séances d'information augmente parce qu'un nombre croissant de professionnels sont confrontés à la demande de cannabis médicinal. Il leur arrive parfois d'en prescrire en désespoir de cause sans être familiarisés avec son utilisation, alors même que de nombreux patients prennent déjà tout un cocktail de médicaments avec lesquels il risque d'interagir. Il est donc indispensable de le prescrire en connaissance de cause. Les personnes qui disposent d'une prescription belge peuvent parfaitement commander leur cannabis médicinal aux Pays-Bas auprès des pharmacies Transvaal, qui se chargeront de livrer le produit dans une officine frontalière. Les patients belges peuvent ainsi se procurer pour la modique somme de 50 euros une boîte correspondant à un mois de traitement ; s'ils devaient acheter un produit comme le Sativex®à leurs frais en Belgique (toujours sur prescription), ils en auraient pour près de 500 euros par mois. Si les Belges sont nombreux à procéder de la sorte ? Medcan, une organisation de défense des utilisateurs de cannabis médicinal, a déjà aidé 800 personnes dans cette démarche. Un chiffre qui en dit long... "

Dans la pharmacopée ?

" Cadrer efficacement le cannabis thérapeutique n'est possible qu'à condition d'aborder son utilisation de façon rationnelle ", souligne Igna Huyghe. " Qu'est-ce que c'est ? Quels en sont les effets ? Dans quelles indications a-t-il démontré son utilité ? Au Canada, les producteurs vendent en ligne directe aux patients, de telle sorte que l'accompagnement pharmaceutique a complètement disparu. Aux États-Unis, le cannabis est légal dans certains États mais pas dans d'autres. Il est légalisé en Italie ainsi qu'aux Pays-Bas, où la ministre Borst a changé son fusil d'épaule lorsque son époux atteint d'un cancer a fait l'expérience de l'efficacité du cannabis pour soulager ses douleurs. "

Dans le passé, le cannabis figurait même dans la pharmacopée ; il en a été retiré lorsque les Nations-Unies l'ont classé parmi les stupéfiants puissants. Il a toutefois été réintroduit dans la pharmacopée allemande en 2017. Il est aussi légalisé un peu partout en Europe comme " traitement de la dernière chance ", lorsque toutes les autres options thérapeutiques ont été épuisées. Israël est l'un des pays les plus actifs dans le domaine du cannabis médicinal. La firme pharmaceutique israélienne TEVA a même contribué au développement du Syqe, un inhalateur spécial pour cartouches de cannabis (voir photo), et le pays dispose aussi de ses propres producteurs. La Belgique et la France restent par contre plus réticentes... pour l'instant du moins.

Le cabinet De Block met en effet la dernière main à un Arrêté Royal censé créer un cadre légal pour la culture licite du cannabis dans notre pays, sous la stricte surveillance de l'Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS). Une manière, en première instance, de répondre aux aspirations de la firme limbourgeoise Rendocan, qui souhaite développer et produire de nouvelles variétés de cannabis à usage thérapeutique. Joris Vanvinckenroye et Steven Peters, les fondateurs de l'entreprise, travaillent de concert avec l'université d'Hasselt. Leur start-up dispose actuellement d'une base de données génétique unique de souches de cannabis dont les graines ont été acquises auprès de différentes universités. À Hasselt, un laboratoire de recherche de 500 m2 devrait être finalisé sous peu et Rendocan espère pouvoir commencer cette année encore le développement de la plus grande plantation de cannabis médicinal au monde. Un site de 15 ha a été mis à la disposition de l'entreprise à Kinrooi, à la frontière néerlandaise.

Medicinale cannabis in de gezondheidssector, Pieter Geens et Igna Huyghe, Medcan Consulting

Qu'est-ce que le cannabis médical ?

La cannabis médicinal se compose des éminences florales séchées de la plante femelle du chanvre cultivé ( Cannabis sativa L.). Il contient plusieurs composantes actives, comme le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD) ; le THC est la mieux connue, mais nombre d'autres substances contenues dans la plante (CBD, terpènes) contribuent également à son efficacité.

L'action et les effets secondaires du cannabis dépendent de sa composition. Le cannabis vendu par l'intermédiaire des pharmacies répond aux exigences de qualité les plus strictes et est exclusivement destiné à être utilisé comme médicament ; c'est pour cela qu'on parle de cannabis médicinal.

Variétés

Il existe diverses variétés de cannabis qui se distinguent par leur composition, par leur puissance et donc par leur action. Cinq d'entre elles (Bedrocan, Bedrobinol, Bediol, Bedrolite et Bedica) sont disponibles en pharmacie aux Pays-Bas ; la puissance et la composition sont fixées pour chacune et les prescripteurs familiarisés avec l'usage du cannabis thérapeutique savent exactement quelle variété et quelle dose sera la plus efficace contre un symptôme donné.

Nous sommes une dizaine autour de la table, presque tous des notables : un CEO, un médecin, un juriste... et un homme cloué à sa chaise roulante, paralysé du cou aux orteils à la suite d'un accident. Il souffre de douleurs nerveuses insupportables et a tout essayé. " Et le cannabis ? ", lance sans complexes un autre convive. " J'ai fait le test, mon fils est allé m'en chercher aux Pays-Bas... mais non, ça ne marche pas ", répond l'intéressé.L'utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques n'est plus taboue depuis longtemps, confirme Igna Huyghe, pharmacienne et formatrice à l'usage de ce produit. " Au terme de mes études à l'université de Gand, j'ai déménagé en Italie. Je me suis toujours beaucoup intéressée à la phytothérapie... et en fin de compte, le cannabis médicinal n'est rien d'autre. En Italie, il est entièrement légalisé depuis 2013 et les auto rités ont créé elles-mêmes des champs qu'elles contrôlent et exploitent. "" Le cannabis thérapeutique n'est pas un produit miracle ", souligne-t-elle. " C'est une option que l'on explore après avoir tenté en vain tous les traitements ordinaires, parfois avec des résultats spectaculaires - dans l'épilepsie ou les douleurs fantômes, par exemple. Le grand problème à l'heure actuelle, c'est que les patients vont souvent s'approvisionner sur le marché noir, alors même qu'essayer de juguler ses symptômes à l'aide de cannabis destiné à un usage récréatif est la pire des choses à faire. La consommation du cannabis récréatif n'est en effet pas contrôlée et, quand les proportions ne sont pas correctes (trop de THC et trop peu de CBD), il y a des risques pour l'utilisateur. "Aujourd'hui installée en France, Igna Huyghe sillonne la Belgique pour informer médecins et pharmaciens. " La demande de séances d'information augmente parce qu'un nombre croissant de professionnels sont confrontés à la demande de cannabis médicinal. Il leur arrive parfois d'en prescrire en désespoir de cause sans être familiarisés avec son utilisation, alors même que de nombreux patients prennent déjà tout un cocktail de médicaments avec lesquels il risque d'interagir. Il est donc indispensable de le prescrire en connaissance de cause. Les personnes qui disposent d'une prescription belge peuvent parfaitement commander leur cannabis médicinal aux Pays-Bas auprès des pharmacies Transvaal, qui se chargeront de livrer le produit dans une officine frontalière. Les patients belges peuvent ainsi se procurer pour la modique somme de 50 euros une boîte correspondant à un mois de traitement ; s'ils devaient acheter un produit comme le Sativex®à leurs frais en Belgique (toujours sur prescription), ils en auraient pour près de 500 euros par mois. Si les Belges sont nombreux à procéder de la sorte ? Medcan, une organisation de défense des utilisateurs de cannabis médicinal, a déjà aidé 800 personnes dans cette démarche. Un chiffre qui en dit long... "" Cadrer efficacement le cannabis thérapeutique n'est possible qu'à condition d'aborder son utilisation de façon rationnelle ", souligne Igna Huyghe. " Qu'est-ce que c'est ? Quels en sont les effets ? Dans quelles indications a-t-il démontré son utilité ? Au Canada, les producteurs vendent en ligne directe aux patients, de telle sorte que l'accompagnement pharmaceutique a complètement disparu. Aux États-Unis, le cannabis est légal dans certains États mais pas dans d'autres. Il est légalisé en Italie ainsi qu'aux Pays-Bas, où la ministre Borst a changé son fusil d'épaule lorsque son époux atteint d'un cancer a fait l'expérience de l'efficacité du cannabis pour soulager ses douleurs. "Dans le passé, le cannabis figurait même dans la pharmacopée ; il en a été retiré lorsque les Nations-Unies l'ont classé parmi les stupéfiants puissants. Il a toutefois été réintroduit dans la pharmacopée allemande en 2017. Il est aussi légalisé un peu partout en Europe comme " traitement de la dernière chance ", lorsque toutes les autres options thérapeutiques ont été épuisées. Israël est l'un des pays les plus actifs dans le domaine du cannabis médicinal. La firme pharmaceutique israélienne TEVA a même contribué au développement du Syqe, un inhalateur spécial pour cartouches de cannabis (voir photo), et le pays dispose aussi de ses propres producteurs. La Belgique et la France restent par contre plus réticentes... pour l'instant du moins.Le cabinet De Block met en effet la dernière main à un Arrêté Royal censé créer un cadre légal pour la culture licite du cannabis dans notre pays, sous la stricte surveillance de l'Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS). Une manière, en première instance, de répondre aux aspirations de la firme limbourgeoise Rendocan, qui souhaite développer et produire de nouvelles variétés de cannabis à usage thérapeutique. Joris Vanvinckenroye et Steven Peters, les fondateurs de l'entreprise, travaillent de concert avec l'université d'Hasselt. Leur start-up dispose actuellement d'une base de données génétique unique de souches de cannabis dont les graines ont été acquises auprès de différentes universités. À Hasselt, un laboratoire de recherche de 500 m2 devrait être finalisé sous peu et Rendocan espère pouvoir commencer cette année encore le développement de la plus grande plantation de cannabis médicinal au monde. Un site de 15 ha a été mis à la disposition de l'entreprise à Kinrooi, à la frontière néerlandaise.