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Traditionnellement définis comme "des substances qui diminuent ou empêchent l'oxydation d'autres substances", les antioxydants sont sensés "nettoyer" l'organisme des fameux radicaux libres issus de l'oxygène que nous respirons et dont la concentration peut augmenter de façon nocive sous l'influence de différents facteurs comme le tabagisme, l'exposition aux UV, aux rayonnements ionisants, aux nanoparticules, une consommation trop importante d'alcool, la prise de certains médicaments (pilule contraceptive p ex), la pratique excessive d'un sport, une alimentation trop riche en lipides......Face à cette production accrue de radicaux libres qu'on appellera plus justement "Espèces oxygénées activées (EOA)" , les défenses antioxydantes de l'organisme peuvent être dépassées et laisser le champ libre à l'expression de diverses maladies.En effet, dans les années 1980-90, des recherches sérieuses ont démontrés que les EOA sont impliqués via l 'oxydation des lipides, des protéines et de l'ADN dans le développement de maladies telles que l'athérosclérose, les cancers, la polyarthrite rhumatoïde, le déclin cognitif....Faut-il piéger les espèces oxygénées activées ?Il était donc logique d'administrer des substances réputées pour leur faculté de neutraliser les EOA telles les vitamines C et E, le coenzyme Q10, le sélénium, les caroténoïdes....De grandes études d'intervention ont donc été menées avec des compléments antioxydants à doses élevées (essentiellement les vitamines C et E, le bêta carotène et le sélénium) mais malheureusement, les résultats ont été décevants voire délétères. Suivant une méta analyse réalisée en 2004 reprenant toutes les études d'intervention (Bjelakovic et al.), l'effet des compléments de vitamines C et E et de b-carotène ou de sélénium augmente la mortalité ( +5 % pour le b-carotène, +3 % pour la vitamine E, +2 % pour la vitamine C, effet protecteur non significatif pour le Sélénium...)En ce qui concerne la célèbre étude SUVIMAX menée en France avec des doses nutritionnelles de ces antioxydants, les conclusions sont mitigées et le professeur Herczberg (auteur de l'étude) écrira : "aucun effet de la complémentation n'a été retrouvé dans les maladies cardio-vasculaires. En revanche un apport adéquat réduit l'incidence des cancers, mais cette réduction ne concerne que les hommes qui ont des apports alimentaires faibles en antioxydants. En revanche, chez les femmes dont le statut initial en antioxydants est meilleur,l'effet de l'intervention n'est pas décelable, voire s'accompagne d'un effet défavorable pour le cancer de la peau."Il conclura également que les actions réelles des antioxydants peuvent être modulées par la dose utilisée, le statut de base en antioxydant et l'état de santé. De fortes doses d'antioxydants peuvent être délétères chez les sujets à haut risque ou ayant un cancer infra clinique.De manière générale, les méga doses en antioxydants sont clairement à proscrire. Chez les fumeurs, des compléments ou une alimentation trop riche en b-carotène augmentent la mortalité par cancer.Les différents types d'antioxydants et leurs modes d'action.Actuellement, la biologie moléculaire permet de mieux comprendre l'action des antioxydants.Il existe plusieurs façons de lutter contre les EOA. Soit en les piégeant directement, ce que font les vitamines C et E et le B-carotène, soit en activant un système enzymatique de défense antioxydante . En effet, dans certains cas comme par exemple lors d'un exercice physique modéré, il peut exister une production d'EOA légèrement augmentée. L'organisme réagit alors en activant ces systèmes enzymatiques de défense antioxydante, ce qui lui permet par la suite de mieux résister à une quantité importante d'EOA. Une exposition préalable à de faibles doses permet donc de bien supporter des doses importantes : c'est le phénomène d'hormésie.Les polyphénols alimentaires ont cette capacité paradoxale à produire des EOA par auto-oxydation qui vont activer le système de défense antioxydante. Ainsi, une alimentation proche du régime crétois riche en antioxydants (notamment de nature phénolique) est donc un excellent atout pour rester en bonne santé. Les stratégies thérapeutiques du futur s'orientent donc vers la découverte de substances ayant des propriétés hormétiques.Mais si l' exercice physique modéré est reconnu pour son effet bénéfique, ce n'est pas le cas pour un exercice intensif. Par exemple, chez un footballeur qui reprend l'entraînement après une période de vacances, la charge de travail sera modérée et provoquera une production modérée d'EOA qui augmenteront naturellement les défenses antioxydantes. Des compléments en antioxydants piégeurs des EOA à cette période ne seront pas utiles, au contraire, ils risquent de mettre à mal le phénomène d'adaptation enzymatique.Par contre, en période de compétition où les EOA seront produites en grande quantités, des antioxydants exogènes peuvent être donnés pour aider l'organisme dont le potentiel antioxydant est insuffisant.Quels conseils donner ?Il est donc important pour les professionnels de la santé de mieux maîtriser l'utilisation des antioxydants. La règle d'or est de ne pas prendre de compléments antioxydants si le statut de l'individu est correct. En outre, il est important d'insister sur l'alimentation et la consommation de fruits et légumes.Depuis quelques années en effet, les chercheurs ont orienté leur travail sur les bienfaits des polyphénols, ces substances contenues dans les fruits, les légumes, le thé vert, l'huile d'olive, le vin rouge et le chocolat noir. En effet, ces molécules qui possèdent des capacités hormétiques ont des effets cardioprotecteurs et sont également intéressantes dans la prévention du déclin cognitif.Il convient également de mieux informer le public sur la nécessité de varier les fruits et les légumes et de mettre des couleurs différentes dans l'assiette. En effet, il existe une certaine relation entre la couleur des fruits et légumes et le type d'antioxydants qu'ils contiennent.Et enfin, la règle "0-5-30" est le message à faire passer. En effet, pour optimaliser nos défenses antioxydantes, l'alimentation doit être associée à un mode de vie sain et à la pratique d'un exercice physique modéré : zéro cigarette, cinq portions de fruits et légumes et 30 minutes d'exercice modéré chaque jour ! D'après le livre du Docteur Joël Pincemail : "stress oxydant et antioxydants. Revue critique des processus d'action des antioxydants" ed Pietteur,coll nutridoc, mars 2014.