...

"Les règles qui stipulent une seule distance physique spécifique (1 ou 2 m) entre les individus pour réduire la transmission du SRAS-CoV-2 sont basées sur une notion obsolète et dichotomique de la taille des gouttelettes respiratoires. Ceci néglige la physique des émissions respiratoires, où des gouttelettes de toutes tailles sont piégées et déplacées dans un nuage de gaz humide et chaud expiré qui les maintient concentrées tout en les transportant sur des mètres en quelques secondes", estiment Nicholas R. Jones et ses collègues de l'université d'Oxford (GB) et du MIT (USA) dans le BMJ. Ils y retracent l'histoire des études à l'origine de cette règle de distance établie pour des maladies infectieuses au XIXe siècle. Pour les auteurs de cette étude, la distinction faite entre grosses gouttelettes qui tombent au sol et aérosols de fines particuliers en suspension est artificielle: quelle que soit leur taille, la distance que ces particules peuvent atteindre dépend fortement d'autres facteurs. "Une fois que le nuage a suffisamment ralenti, la ventilation, les flux d'air et le type d'activité prennent de l'importance. La charge virale de l'émetteur, la durée de l'exposition et la sensibilité d'un individu à l'infection doivent également être prises en compte". Les plus petites gouttelettes en suspension chargées de SRAS-CoV-2 peuvent par exemple se propager jusqu'à 8 m de distance lorsqu'elles sont concentrées dans l'air expiré par des individus infectés, et ceci, même sans ventilation ni flux d'air.Toux et chantRaisons pour lesquelles, ces auteurs estiment qu'il faut adapter les mesures à la situation, selon la ventilation du lieu ou selon le fait qu'on parle plus ou moins fort, par exemple. A la place des règles de distance physique fixes et uniques, ils proposent donc des recommandations graduées reflétant mieux les multiples facteurs à combiner pour déterminer le risque encouru. Il faut donc considérer la ventilation, la densité d'occupation des lieux, le temps d'exposition, le port ou non du masque, le niveau sonore auquel parlent les personnes (plus il est élevé, plus elles expulsent loin des gouttelettes salivaires)Pour eux, cette méthode offre une meilleure protection dans les contextes à risque élevé, mais également une plus grande liberté dans les contextes à faible risque, permettant potentiellement un retour à la normale dans certains aspects de la vie sociale et économique. Codes couleurPour illustrer leur propos, ils ont établi un graphique reprenant toutes les situations et les risques auxquels on s'expose: par exemple, si l'endroit est bien ventilé et que la densité de population est élevée, le risque est faible si les gens portent un masque, sont silencieux ou parlent sans crier, et qu'ils ne restent pas longtemps. Par contre, dans ces mêmes conditions, le risque augmente si les personnes crient ou chantent (même avec un masque et même sur une courte période). Ce graphique montre encore qu'une mauvaise ventilation dans un endroit clos est un facteur de risque majeur, que l'on porte un masque ou non.Parole d'EBMLes auteurs basent leurs recommandations sur un avis du Centre d'EBM (CEBM) de l'université d'Oxford qui attire l'attention sur la complexité de la transmission des particules virales et sur le fait que le risque de transmission du coronavirus diminue à mesure que la distance physique entre les personnes augmente. "Dans certains contextes, même 2 m peuvent être trop proches, insiste le CEBM. Les mesures pour atténuer la transmission dépendent de plusieurs facteurs liés à la fois à l'individu et l'environnement, y compris la charge virale, la durée de l'exposition, le nombre d'individus, les environnements intérieurs et extérieurs, le niveau de ventilation et le port ou non d'un masque facial"."La distance sociale doit être adaptée et utilisée parallèlement à d'autres stratégies pour réduire la transmission, telles que l'hygiène de l'air, la maximisation et l'adaptation de la ventilation aux espaces intérieurs, le lavage efficace des mains, le nettoyage régulier des surfaces, les protections faciales et l'isolement rapide des personnes touchées", conclut l'avis du CEBM.