La France démarre le dépistage massif et gratuit de sa population. L'APB a demandé à Alain Delgutte du Conseil National de l'Ordre des pharmaciens français de présenter l'expérience en matière de testing Covid-19 en officine.
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Comment les pharmaciens français sont-ils arrivés à participer à cette stratégie de dépistage? "Une des clés est la réussite de la vaccination en pharmacie". C'est ce qu'a souligné Alain Delgutte, référent à l'exercice professionnel au sein du Conseil National de l'Ordre des pharmaciens en France, en répondant aux questions d'Alain Chaspierre (APB) dans une vidéo disponible sur YouTube. Et c'est vrai qu'après l'autorisation donnée aux pharmaciens française de vacciner les patients contre la grippe saisonnière (la campagne 2020-21 est la deuxième élargie à l'ensemble du territoire, voir notre prochaine édition), leur participation au dépistage du Covid-19 renforce leur rôle d'acteurs de soins de première ligne. Et chez nous? On sait ce qu'il en est pour la vaccination, quant au dépistage du coronavirus, depuis avril, le secteur des pharmaciens propose son aide aux autorités du pays... sans beaucoup de résultats pour l'instant. Une bonne raison de voir comment ça se passe chez ceux qui ont osé franchir le pas. Alain Chaspierre a donc demandé à son collègue français dans quelles conditions ce dépistage est organisé. Premier point: il découle de la volonté de l'Etat d'ouvrir le testing à d'autres catégories comme les médecins généralistes, infirmiers et pharmaciens volontaires, pour désengorger les laboratoires de biologie médicale. "L'Etat est allé très vite, nous travaillons de confiance avec lui et il a intégré que nous étions capables de faire ces tests", assure Alain Delgutte en rappelant que les pharmaciens avaient également proposer leur aide en amont. Comme pour la vaccination contre la grippe, certains pharmaciens sont pour, d'autres non. "Pour la vaccination, la première année, environ 40% étaient prêts à participer, la seconde année, ils étaient 80%. On est un peu sur les mêmes chiffres ici. Il y a la peur de faire les prélèvements nasopharyngés, il faut se former et disposer d'une pièce séparée...". Les tests antigéniques rapides avec prélèvement nasopharyngé en pharmacie ne s'adressent pas à tout le monde: ils sont destinés aux asymptomatiques, qui ne sont pas dans un cluster, ni cas contact (pour ces derniers, c'est automatiquement un test PCR) et aux personnes symptomatiques de moins de 65 ans, pas à risque, et si les symptômes datent de moins de 4 jours. Chaque pharmacien choisit les tests dans une liste validée par les autorités de santé (HAS). Il fournit aussi les médecins et les infirmiers. Allez-y! Foncez! Pour pouvoir réaliser ces tests, il faut suivre une formation qui peut se faire en ligne, il faut disposer d'un local séparé, aéré et désinfecté, d'un équipement de protection individuelle, d'un circuit d'élimination des déchets, assurer la qualité (démarche qualité) et la matériovigilance. Le test peut être fait par un pharmacien, un préparateur, un étudiant en pharmacie. Il faut vérifier l'éligibilité du patient, recueillir son consentement, le prévenir qu'il ne s'agit que d'un test rapide d'orientation diagnostique, qui devra sûrement être confirmé, qu'il n'est pas fiable à 100%. Il faut encoder les données, et si le résultat est positif, c'est l'assurance maladie qui contacte le patient afin de donner les consignes pour casser la chaîne de transmission (isolement...). La rémunération du pharmacien s'élève à 34,49€ (acte prélèvement 26€ HTA (kit protection 1,90-2€ compris) + 8,49€ pour l'achat du test), intégralement remboursés par l'assurance maladie. Pour l'instant la France est en phase de démarrage, les grandes villes ont déjà commencé et l'initiative est accueillie favorablement par la population (résultat dans la demi-heure, accessibilité...). La liste des pharmacies qui pratiquent ces tests devrait être accessible prochainement. Pour finir, Alain Chaspierre a demandé à son collègue français quel message il pouvait donner aux pharmaciens belges? "Nous avons des atouts (proximité, compétences scientifiques...), on peut être fiers de ce qu'on fait et d'être pharmaciens. Il faut proposer aux autorités de santé des solutions parce qu'il existe une volonté de faciliter l'accès aux soins aux patients. C'est ce qu'on a fait pour la vaccination antigrippe: proposer notre aide en complément des autres professionnels de santé. S'il faut passer par une phase d'expérimentation, il faut le faire et de façon qualitative. On a aussi eu l'appui du grand public", commente Alain Delgutte en concluant: "Soyez fiers d'être pharmaciens, soyez qualitatifs dans tous vos actes et proposez des solutions aux autorités de santé. On est dans un monde qui bouge, on se doit d'évoluer. Allez-y! Foncez!"