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La mesure en temps réel de la perte du goût et de l'odorat dans la population, pendant la crise sanitaire, peut-elle constituer un indicateur précoce de la surcharge hospitalière? Pour répondre à cette question, Denis Pierron (CNRS) et ses collègues ont mis en lien les réponses de plus de 5000 personnes à une étude en ligne sur les perturbations de l'odorat et du goût avec les indicateurs gouvernementaux de la propagation de la maladie et avec les mesures gouvernementales prises dans la période du confinement du printemps 2020.Résultats? Les chercheurs ont mis en évidence des liens spatiaux et temporels: plus une région française enregistrait de déclarations de modifications de l'odorat ou du goût à la mi-mars, plus le nombre de personnes hospitalisées, en réanimation, ou décédées dans cette région était élevé plusieurs semaines plus tard. De plus, ils ont observé un pic dans les pertes d'odorat et du goût autour du 21 mars, soit environ 10 jours avant le pic d'admissions de patients Covid-19 en réanimation."Ce pic précoce de perte d'odorat était aussi détectable, de manière indépendante, par l'observation de l'activité des Français sur Internet (évolution du nombre de recherches concernant les pertes d'odorat et de goût). Ces changements chimio-sensoriels semblent donc être un indicateur précoce de la surcharge des hôpitaux français. Ils permettraient d'anticiper l'engorgement des hôpitaux de manière plus efficace que d'autres indicateurs utilisés par le gouvernement tels que le nombre de consultations d'urgence pour le Covid-19", indiquent-ils.Par ailleurs, cette équipe a aussi observé une diminution significative dans l'apparition de nouveaux symptômes de modifications de l'odorat et du goût 5 jours après la mise en place du confinement. "Ce qui plaide, estime-t-elle, en faveur d'un effet rapide du confinement sur la pandémie. Les comparaisons entre pays démontrent que ceux qui ont adopté les mesures de confinement les plus strictes ont connu des diminutions plus rapides du nombre de signalisation de nouveaux symptômes de modification du goût et de l'odorat après le confinement que ceux qui ont adopté des mesures moins strictes".Pour les auteurs, "ces données suggèrent que les décideurs en santé publique pourraient suivre les changements de perte d'odorat et du goût au niveau populationnel afin de les utiliser, en combinaison avec d'autres indices, comme indicateur de la propagation du Covid-19 et de son effet sur le stress hospitalier. Un tel suivi à l'aide d'un questionnaire en ligne serait peu coûteux, facile à mettre en oeuvre et constituerait une aide précieuse à la mise en place des stratégies régionales de prise en charge des patients Covid-19 dans les services hospitaliers". Ces chercheurs ont déjà mis en place un site Internet où la population française peut déclarer ses pertes d'odorat et de goût pendant cette crise sanitaire.Cette étude a été publiée dans la revue Nature Communications ce 14 octobre (2020;11:5152).