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Êtes-vous diabétique sans le savoir ? Pour en avoir le coeur net, rendez-vous chez le pharmacien. Telle est l'invitation lancée par les officines de l'entité de Neufchâteau. Ce projet pilote de dépistage du diabète est l'une des actions développées dans le cadre de Chronilux, l'un des 12 projets de soins intégrés initiés par l'Inami en 2017." Le projet Chronilux vise à améliorer la prise en charge globale des patients atteints de maladies chroniques en province du Luxembourg, et plus spécifiquement les patients diabétiques avec ou sans complications cardio-vasculaires, précise Philippe Bruliau, le responsable de cette campagne. Le but est que le patient soit un peu plus acteur de sa santé et que les prestataires de soins collaborent mieux dans l'intérêt du patient. Toute une série d'actions ont été mises en oeuvre, je suis responsable de l'action dépistage du diabète en pharmacie ".Dans un premier temps, la phase test va durer trois mois, du 1er février au 30 avril, à Neufchâteau, le but étant d'étendre ce dépistage à l'ensemble de la province. " Idéalement, le lancement de cette première phase devait se faire avec le concours de tous les pharmaciens et médecins généralistes de la commune. Comme mes deux confrères sur Neufchâteau étaient enthousiastes, nous avons pu le faire ensemble, ce qui facilite aussi la communication vers le public. La campagne dure 3 mois pour laisser le temps aux gens intéressés de venir faire le test et pour ne pas avoir un engorgement ingérable dans la pharmacie pendant une courte période ", note-t-il.Toutes les personnes âgées de plus de 18 ans habitant en province de Luxembourg (exception faite des patients déjà diagnostiqués du diabète et des femmes enceintes). " Tout le monde est donc le bienvenu, explique-t-il, mais on peut le proposer aussi à nos patients dont nous savons qu'ils présentent un profil de risque élevé ".Afin de mettre en place ce projet, un groupe pilote rassemblant des pharmaciens, des médecins généralistes et des diabétologues, ainsi que des infirmiers spécialisés en diabétologie, a été constitué. " Nous avons mis au point un processus : on se base sur la Findrisc (Finnish Diabetes Risk Score) qui permet de déterminer un profil de risque et, en fonction de ces résultats-là, on invite le patient à faire un autotest d'hémoglobine glyquée. C'est le système de dépistage le plus fiable, privilégié par les diabétologues ".A la lecture des résultats, le pharmacien renvoie ou non le patient vers le médecin généraliste. " Il est prévu de recontacter les personnes référées un mois après par téléphone. Le but est que le patient soit acteur de sa santé, il n'est pas prévu que notre avis finisse au bac, avertit Philippe Bruliau. Nous le rappellerons donc pour lui demander s'il a bien été chez son médecin généraliste et quel suivi il a donné. On continuera à faire cette démarche jusque fin mai. Ensuite, vers le 15 juin, avec les médecins généralistes et les pharmaciens de Neufchâteau, nous aurons une réunion de débriefing pour savoir ce qui a bien fonctionné et ce qu'il faut améliorer. À partir du 15 septembre, sans doute, jusqu'au 15 décembre, on lancera la seconde phase de test, si pas dans toute la province au moins dans une très grande zone, en fonction des budgets qu'on aura obtenus ".Pour faire connaître cette action, les organisateurs ont réalisé une campagne de communication via un toutes-boîtes, des affiches placées dans les cabinets médicaux, les salles d'attente des mutuelles, à l'administration communale et au CPAS, ainsi que dans les pharmacies. Enfin, l'information a été relayée par la presse." Les patients réservent un accueil très positif à notre projet, se réjouit Philippe Bruliau. Pas mal de gens viennent spontanément pour réaliser ce test. Comme c'est un projet pilote, on ne savait pas vraiment comment il allait être perçu et, finalement, c'est plus enthousiasmant que ce que l'on pensait au départ. Nous sommes positivement surpris par l'accueil, on a vraiment l'impression de répondre à une attente. De plus, pas mal de patients viennent d'autres communes pour faire le test chez nous parce qu'ils en ont entendu parler dans la presse ".Cette campagne s'appuie sur l'expérience TakingCare, menée en province du Limbourg en 2015, qui a montré d'excellents résultats sur le plan du dépistage du diabète et des états prédiabétiques. " Or, les études montrent que si ces derniers perdent 10% de masse corporelle et qu'ils font un peu d'exercice quotidien, la moitié ne devient pas diabétique. On voit l'impact santé publique et même économie de la santé que ce type d'initiative peut avoir, fait observer Alain Chaspierre, président de l'APB. Cela a un potentiel énorme à la fois en termes de coûts et d'efficience "." Grace aux fonds débloqués en 2019 pour ce projet, apprend Philippe Bruliau, nous allons acheter les tests et octroyer une rémunération au pharmacien de 25€ par test réalisé (le dépistage se fait dans l'espace de confidentialité et dure 15 à 20 minutes). Une rémunération dans l'état d'esprit de ce que l'on reçoit pour le pharmacien de référence ou les BUM ".Ensuite, en fonction du financement reçu et du nombre de dépistages réalisés dans ces 3 officines, les responsables du projet vont calculer le nombre de pharmacies qu'ils pourront intégrer dans la seconde phase, soit l'entièreté, soit une partie des 85 pharmacies de la province. Si toutes ne peuvent pas y participer cette année, l'action se poursuivra en 2020." Professionnellement, cette campagne m'intéresse dans l'optique de l'évolution des missions du pharmacien vers les services et le rôle de prestataire de soins de première ligne ", conclut-il. Le projet Chronilux est en effet un bel exemple de concertation médicopharmaceutique et des tendances futures où la pharmacie peut se profiler comme un centre d'orientation des patients.