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Devenu LE produit "bien-être" par excellence, le CBD se trouve à tous les coins de rues et... dans les pharmacies. Un article du Magazine de l'Inserm (n°56) fait le point sur la question et notamment sur les dernières recherches en la matière. "Pour l'instant, la science reste prudente. Les essais cliniques manquent pour confirmer d'éventuels effets thérapeutiques du CBD sur l'anxiété, le sommeil ou autre, ou ne concernent que de trop petites cohortes de patients pour être représentatifs", résume l'article. "Le CBD n'est pas un produit brevetable en tant que tel, donc peu d'essais cliniques sont financés", précise encore Tangui Barré, du laboratoire Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l'information médicale (Sesstim) à Marseille. Plusieurs recherches explorent néanmoins des propriétés thérapeutiques potentielles du CBD, par exemple contre les addictions à l'alcool ou au cannabis. "Chez la souris, une méta-analyse réalisée en 2019 par des équipes françaises de l'Inserm semble indiquer que l'usage du CBD induit une diminution de la consommation d'alcool et une très légère réduction des lésions au foie. Reste à voir si ces effets sont transposables chez l'humain", indique l'Institut national de la santé et de la recherche médicale. Dès lors, l'étude Caramel va être lancée à Lyon, il s'agit du premier essai clinique sur le traitement de l'alcoolodépendance par CBD. Dans l'addiction au cannabis, le CBD seul peut-il être pris en substitution ? "Contrairement au THC, le CBD ne provoque en effet pas de dépendance. Une étude menée par Tangui Barré sur 1500 personnes a montré que 11% d'entre elles utilisaient le CBD pour diminuer leur consommation de cannabis, avec succès dans un peu plus de la moitié des cas", précise l'Inserm. "Le CBD pourrait permettre de réduire l'usage de cannabis. Mais impossible de substituer brutalement et complètement en cas de dépendance, car le CBD ne se fixe pas sur les mêmes récepteurs que le THC dans le système endocannabinoïde, détaille Bruno Revol (centre d'addictovigilance de Grenoble). Il se fixe par contre sur le récepteur sérotoninergique 5‑HT1A, donc nous pouvons en attendre un effet anxiolytique, qui pourrait atténuer les symptômes de manque. Il n'est pas dénué d'intérêt". Anticonvulsivant?Chez nous, en 2019, le CBIP a fait le point sur l'usage médical du cannabis et des cannabinoïdes, confirmé en 2022 en ce qui concerne le Sativex® (phytocannabinoïdes dans un ratio THC/CBD d'environ 50%/50%), seul médicament enregistré disponible en Belgique depuis 2012 sous certaines conditions. L'Epidiolex® qui ne contient que du cannabidiol naturel (CBD), a récemment été autorisé en Union européenne (mais non en Belgique) pour le traitement de certaines formes d'épilepsie. "Bien que le mécanisme d'action précis du CBD comme anticonvulsivant ne soit pas connu, il semble réduire l'hyperexcitabilité des neurones, constate l'Inserm de son côté. Cette unique indication thérapeutique du cannabidiol n'empêche pas le marché de se développer largement. Comme le rappelle Nicolas Authier, pharmacologue et auteur du 'Petit livre du CBD' : "La France est le premier producteur de chanvre en Europe, et le marché des extraits de chanvre, hors fleurs, y représente 700 millions d'euros. En matière de santé publique, le problème majeur n'est pas que ces fleurs désormais autorisées contiennent du CBD, mais qu'elles sont fumées, souvent en association avec du tabac."Plus de 10% des Français ont déjà essayé un produit contenant du CBD et 5% en consomment au moins une fois par semaine. "Si le CBD ne provoque effectivement pas de dépendance, la substance n'en reste pas moins psychotrope car elle interagit avec des récepteurs du système nerveux central", met en garde l'Inserm en ajoutant que le flou qui enoure cette substance met en danger les consommateurs. "Le CBD ne fait pas l'objet d'un contrôle qualité ni d'un étiquetage réglementaires, indique Tangui Barré. Or, les produits peuvent varier grandement selon la plante, la culture, le séchage, l'extraction... Certains peuvent contenir des métaux lourds ou des résidus de produits phytosanitaires. Quant au seuil légal de moins de 0,3% de THC, il peut suffire à altérer la conduite automobile. Sans compter les effets indésirables qui peuvent apparaître, comme la somnolence, la fatigue, des diarrhées, une perte d'appétit..."Enfin, l'Institut français pointe les risques d'interactions médicamenteuses du CBD, même à faible dose, avec des molécules comme les hormones thyroïdiennes, des antiépileptiques, des antidépresseurs, des anticoagulants et des anti-inflammatoires.