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L'aire de répartition géographique du virus de l'encéphalite à tiques (TBEV) et son incidence humaine sont en augmentation dans toute l'Europe, ce qui expose un certain nombre de régions et de pays non endémiques à un risque d'épidémie. Au printemps 2020, un foyer d'encéphalite à tiques (TBE) s'est déclaré dans l'Ain, dans l'est de la France, où le virus n'avait jamais été détecté auparavant: 43 personnes ont souffert de méningites, de méningo-encéphalites ou de symptômes grippaux. Tous les patients sauf un avaient consommé du fromage de chèvre cru traditionnel non pasteurisé provenant d'un producteur local. Jusque-là, la présence du virus de l'encéphalite à tiques était surtout connue en Alsace, en Lorraine, en Savoie et en Haute-Savoie.C'est la première fois que des cas de contaminations humaines par le TBEV via l'alimentation ont été observés en France. Plusieurs laboratoires de l'Anses se sont mobilisés afin d'en comprendre les circonstances, d'améliorer la détection du virus dans les produits au lait cru et de prévenir ainsi les risques de contamination similaires. Ces chercheurs français ont donc mené une enquête dans la ferme suspecte en utilisant une approche intégrative de type One Health passant par la détection du virus dans le fromage et les produits laitiers, des tests sérologiques sur tous les animaux de la ferme suspecte et des fermes environnantes, une analyse du paysage et de la localisation des zones boisées, la capture de tiques et de petits mammifères pour la détection du virus et l'estimation du risque enzootique, et l'isolement du virus et le séquençage du génome. Cette approche a permis de confirmer l'origine alimentaire de l'épidémie de TBE et d'assister en temps réel à la séroconversion des individus récemment exposés et à l'excrétion du virus dans le lait de chèvre. En outre, ils ont identifié une zone boisée où et autour de laquelle il y avait un risque d'exposition au TBEV."Un quart des chèvres présentaient des anticorps contre le TBEV, ce qui indique qu'elles avaient été exposées au virus et que celui-ci était assez fortement présent dans la zone. Le virus a été détecté dans le lait de trois d'entre elles. Sachant que le TBEV peut être excrété dans le lait jusqu'à 23 jours après l'infection, les chèvres avaient été contaminées récemment. Des tiques porteuses du virus ont été trouvées dans le sous-bois présent dans la pâture des chèvres, elles sont probablement à l'origine de leur infection", précisent les chercheurs.Cette équipe a fourni le premier isolat du virus TBEV, responsable de la première transmission de l'encéphalopathie à tique par voie alimentaire en France, obtenu la séquence complète de son génome et constaté qu'il appartient au sous-type européen du virus. Ce premier cas d'infection par voie alimentaire en France a souligné l'importance de disposer de méthodes efficaces pour la détection du virus de l'encéphalite à tiques dans les produits laitiers. Le TBEV est désormais une maladie humaine à déclaration obligatoire en France, ce qui devrait faciliter la surveillance de son incidence et de sa distribution dans ce pays. "L'encéphalite à tiques ne cause pas de symptômes chez les animaux. Chez les humains, seuls 10 à 30% des cas provoquent une méningite ou une encéphalite. Le reste du temps, les symptômes sont de type pseudo-grippal et passent donc inaperçus.", explique Gaëlle Gonzalez, première auteure de l'article publié dans Frontiers in microbiology."Depuis les premiers cas du printemps 2020, quelques autres cas de contamination par voie alimentaire ont été signalés en France. Par ailleurs, on sait que la pasteurisation du lait élimine le virus et que celui-ci ne survit pas dans les fromages ayant un temps d'affinage de plusieurs mois. Une thèse a débuté en 2021 pour déterminer l'incidence des étapes de fabrication du fromage au lait cru sur le virus: diminuent-elles la quantité de virus par rapport à celle présente dans le lait ? Celle-ci est-elle homogène dans tout le fromage ? Ces connaissances supplémentaires devraient permettre de mettre en place des mesures de surveillance et de prévention adaptées", concluent les auteurs.