Le succès du projet pilote de sevrage aux benzodiazépines se confirme et dépasse les espérances initiales. Après la confirmation de sa prolongation jusque fin 2024, les pharmaciens ont demandé à disposer d'un budget récurent pour ce nouveau service en pharmacie.
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En 2022, environ un Belge sur 5 a pris au moins une benzodiazépine ou substance apparentée. La Belgique occupe la troisième place des plus grands consommateurs mondiaux de benzodiazépines et z-drugs. Autre constat: chaque année, un senior sur trois chute chez lui (70% dans les MR et MRS). "On dénombre aussi 16.000 fractures de hanche, ce qui représente un coût annuel pour l'Inami de 310.000.000€ (environ 20.000€/fracture). La prise de bzd par les personnes âgées est un facteur de risque significatif", a rappelé Valentin Mutemberezi (Inami) à l'occasion du symposium Di-Prescribe, organisé à Bruxelles par l'UCLouvain le 12 septembre dernier. "Dans les stratégies pour réduire cette consommation, la campagne menée par la plateforme BelPEP s'est traduite par une diminution de la DDD (Dose Journalière Définie) d'environ 3% chaque année depuis 2014."Depuis février 2023, un nouvel outil est proposé aux médecins et pharmaciens, le sevrage aux benzodiazépines. L'objectif de ce projet pilote était d'accompagner 1000 patients sur une période de un an, en ambulatoire et pour un usage chronique (≥ 3 mois) d'une seule benzodiazépine ou d'un médicament apparenté en une seule prise par jour, à une dose ne dépassant pas 3 fois la DDD. Chaque programme devant se réaliser en 50 à 360 jours, en 5-7-10 étapes. Quels sont les derniers résultats ? "88% des pharmaciens participants et plus de 90% des MG se sont déclarés satisfaits de la communication établie avec les autres professionnels de santé. En 61 semaines d'activité, plus de 6500 patients ont commencé ce programme (versus 1000 prévus dans le projet initial). Après 76 semaines, c'est-à-dire fin août, on en comptait environ 9000. Depuis avril 2024, le nombre de patients commençant ce sevrage s'est stabilisé à un peu plus de 100/semaine", a-t-il expliquéPlus de la moitié suit un programme en 10 étapes de 30 jours/étape. La majorité (69%) ont plus de 60 ans et ce sont surtout des femmes (71%). Le principal médicament concerné est le Zolpidem, suivi par le lormetazepam, l'alprazolam, le lorazepam et le diazepam. 70% de ces programmes de sevrage se passent en Flandre, 27% en Wallonie et seulement 3% à Bruxelles. "Le taux de réussite, définie comme 'l'absence totale de délivrance de benzo pendant au moins 6 mois après la fin du programme' est de 42,4%. On observe aussi que les programmes courts ont plus de succès : 65% des patients engagés dans un programme en 5 ou 7 étapes l'ont terminé, contre 55% des programmes en 10 étapes.""Le projet pilote a montré que l'axe médecin-pharmacien-patient permet de promouvoir la réduction de la consommation de benzodiazépines et de produits apparentés. Le succès a dépassé les attentes : > 6000 patients inclus dans les programmes de sevrage après 1 an contre 1000 patients initialement prévus", a-t-il résumé.Pour Valentin Mutemberezi, les clés du succès sont la collaboration/communication entre le médecin généraliste et le pharmacien, la motivation intrinsèque du patient et le remboursement. "Au-delà de la période pilote, le projet répond à un besoin de santé mentale avec une stabilisation du nombre de nouveaux patients autour de 100 par semaine, même après 19 mois d'existence", conclut-il. Quid en 2025?Rappelons que le Conseil des ministres a approuvé, le 6 septembre dernier, le cinquième avenant à la Convention du 1er janvier 2022 entre les pharmaciens et les organismes assureurs, visant à prolonger le premier avenant relatif au "sevrage aux benzodiazépines". Il fixe le cadre du remboursement des prestations réalisées par le pharmacien pour l'accompagnement, la préparation et la délivrance de préparations magistrales pour un programme de sevrage aux benzodiazépines et produits apparentés. Cette prolongation, entrée en vigueur le 1er septembre, prendra fin le 31 décembre 2024. "Les pharmaciens ont demandé à disposer d'un budget récurrent pour ce projet. Une décision sera peut-être prise en octobre prochain...", souligne encore Valentin Mutemberezi.