Dans quelle mesure les jeunes prennent-ils des médicaments sur ordonnance pour un usage non médical? Où se fournissent-ils? Où s'informent-ils?... YOUTH-PUMED est la première recherche menée en Belgique sur cette pratique.
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L'étude YOUTH-PUMED (voir notre édition de juin), menée par l'Université de Gand, l'Université Saint-Louis-Bruxelles et la Haute école VIVES, grâce à un financement BELSPO, a analysé l'utilisation non médicale des médicaments prescrits (NMUPD, Nonmedical Use of Prescription Drugs) chez les jeunes adultes. "Ces dernières années, on observe une tendance mondiale croissante des NMUPD comme les sédatifs, analgésiques et stimulants. Les chiffres de prévalence ne sont pas trop élevés mais on avait surtout besoin de données sur cette consommation chez les 18-29 ans en Belgique", précise Frédérique Bawin (UGent). On entend par 'usage non médical' la prise de médicament dans un autre but que celui pour lequel il a été prescrit, et/ou en plus grande quantité, plus souvent ou sur une plus longue période, et/ou par des méthodes d'administration autres que celles prescrites et/ou sans prescription. Sont visés les médicaments psychoactifs prescrits à savoir les stimulants (méthylphénidate...), les analgésiques (tramadol, fentanyl...) et les sédatifs, tranquillisants ou somnifères.Cette étude s'est basée sur une enquête en ligne (574 réponses), des interviews (64) et une analyse des forums de discussion (27). Les répondants étaient majoritairement néerlandophones (66%), des femmes (61%) et des étudiants (67%), d'âge moyen de 23 ans. Automédication, performances, récréatifPremière observation: les modes d'utilisation, les motivations et les profils d'utilisateurs sont très hétérogènes et l'initiation se fait tôt (16-18 ans). Les stimulants sont pris pour étudier, se concentrer, avoir de l'énergie et pour un usage récréationnel. 42,3% ont une expérience de la consommation récréative, principalement l'expérimentation de drogues stimulantes. Ce groupe a déclaré consommer plus fréquemment des drogues illicites que les jeunes adultes n'ayant aucune expérience de la consommation de drogues à des fins récréatives.Les sédatifs et tranquilisants sont surtout pris pour dormir, lutter contre l'anxiété, la dépression, la tristesse. Il s'agit souvent d'un usage occasionnel ou sporadique, par voie orale (sniffé en usage récréationnel), à doses variables (plus élevées si récréationnel), avec une consommation concomitante de substance pour diminuer ou augmenter les effets psychoactifs. L'armoire à pharmacieIls se fournissent auprès de la famille (43,4%), d'un ami (37,3%), sur prescription pour un problème médical (32,8%), en puisant secrètement dans les médicaments prescrits à la famille ou à un ami (17,2%), grâce à une prescription d'un médecin peu regardant (15,2%). Ou en les achetant à un ami/famille (9,8%), sur internet (9,6%), à un dealer (8,5%), en pharmacie avec une prescription falsifiée ou fausse (0,9%), volés (3,1%). "Les résultats suggèrent que la fréquence d'utilisation est liée à l'accessibilité et à la disponibilité, et peut donc être décrite comme une utilisation opportuniste (par exemple, la durée d'utilisation de médicaments stimulants tels que la Rilatine à des fins d'étude dépendait du nombre de pilules que les amis des participants pouvaient leur donner)". Les médicaments prescrits sont perçus comme étant plus sûrs que les drogues illégales. Néanmoins, les jeunes adultes sont également conscients des risques pour la santé associés à l'utilisation de médicaments et ils décrivent différentes stratégies de réduction des risques: choix informé sur le mode d'emploi, l'approvisionnement et le contexte d'utilisation. L'acceptabilité morale de l'usage fonctionnel est supérieur à celui de l'usage récréationnel. Ils s'informent principalement en ligne par "Google" et recherchent à la fois des connaissances médicales objectives et des expériences subjectives, plus personnelles. Ils apprécient les sources d'information accessibles, fiables et impartiales sur les effets indésirables des médicaments, les risques pour la santé, y compris la dépendance, et la posologie. Certains soulignent les dangers de la "médicalisation" et de la "pharmaceutisation" de la société.Comment réduire l'usage non médical?En conclusion, Kevin Emplit et Christine Guillain (USaint-Louis) font quelques recommandations: "Il faut mieux informer la population sur les risques des médicaments psychoactifs en dehors des directives médicales et étudier les effets de la publicité pour les médicaments en vente libre sur la normalisation de leur utilisation. Il faut encourager le rôle de modèle des éducateurs, sensibiliser les étudiants afin de changer leurs perceptions (erronées) sur les stimulants sur ordonnance. A la maison, il faut améliorer le stockage et l'élimination en toute sécurité des médicaments non utilisés, sensibiliser les parents aux NMUPD et à leurs risques", Ils recommandent encore de sensibiliser les professionnels de santé sur l'utilisation non médicale des médicaments prescrits et d'accroître la présence et l'engagement des professionnels sur les plateformes en ligne, là où les jeunes cherchent des infos et l'expérience des pairs.