Pour le Dr Laurent Alexandre, urologue, homme d'affaire, essayiste et influenceur[1], le défi des médecins dans un avenir relativement proche n'est même plus de savoir s'ils vont être remplacés par l'intelligence artificielle, mais d'au moins sauver leur complémentarité avec elle.
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Le Dr Laurent Alexandre aborde l'impact grandissant de l'intelligence artificielle (IA) dans tous les domaines, notamment en médecine. Il fait le lien entre les avancées en chimie et en physique qui ont récemment reçu des prix Nobel, et les progrès dans l'IA. Le géant Google a regroupé toutes ses filiales d'IA, comme DeepMind, sous une seule entité dirigée par Demis Hassabis, un spécialiste en neurosciences et en IA. Pour le Dr Alexandre, nous vivons un moment charnière: l'IA commence à dépasser les médecins, notamment dans la précision des diagnostics, et cette mutation, qu'il qualifie de violente, va bouleverser le système de santé. Le coeur de l'intervention repose sur l'idée que l'IA surpassera inévitablement les médecins dans de nombreux domaines. Le Dr Alexandre explique que cette transition a déjà commencé dans certains secteurs, comme la radiologie ou la dermatologie, où des IA spécialisées diagnostiquent mieux que des experts humains. Il prédit qu'en 2030, l'IA aura terminé de dépasser les médecins dans presque tous les domaines. Cependant, il précise que cela ne signifie pas la disparition du médecin, mais plutôt la transformation de son rôle. Contrairement aux IA spécialisées dans une seule discipline de jadis, les nouvelles IA, comme celles basées sur GPT-4, sont capables d'analyser des dossiers médicaux entiers, écrits en texte libre, sans avoir besoin de les convertir en classifications codées comme la CIM (Classification internationale des maladies). Cela marque un tournant: l'IA devient holistique et n'est plus cantonnée à une spécialité unique, elle peut comprendre et traiter des informations dans des contextes complexes. Le Dr Alexandre déconstruit également l'idée reçue selon laquelle les médecins et l'IA doivent travailler en complémentarité. Les dernières études montrent que l'association d'un médecin avec une IA produit des résultats moins bons que l'IA seule. Il considère cette "anti-complémentarité" comme un défi majeur à affronter rapidement, tant pour les praticiens que pour les institutions de santé. Former les médecins à accepter et à travailler avec des IA qui les dépassent sera une tâche complexe et incontournable dans les années à venir. Le rôle du médecin ne sera plus celui que nous connaissons aujourd'hui. La robotique chirurgicale, qui n'était jusqu'ici qu'un outil télémanipulé par l'humain, va évoluer vers des robots intelligents capables de réaliser des interventions sans intervention humaine. Le Dr Alexandre mentionne aussi les nouvelles interfaces qui émergeront d'ici 2030, comme les lunettes intelligentes ou les assistants IA omniprésents, qui bouleverseront la pratique médicale et l'interaction avec les patients. Les hôpitaux et les ministères de la santé devront se préparer à cette révolution. Ceux qui mettront l'humain au coeur de leur organisation risquent de disparaître, tout comme les compagnies de transport qui, en 1900, auraient mis les maréchaux ferrants au centre de leur fonctionnement. L'IA, dont le QI est aujourd'hui de 120 (soit celui d'un étudiant moyen en médecine), va progressivement devenir le centre névralgique de la gestion hospitalière, remplaçant les humains dans de nombreux processus. Les décisions médicales et administratives seront prises par des IA de plus en plus sophistiquées, avec des gains exponentiels de QI, à raison de deux points par mois. Un autre domaine que l'IA va transformer est la recherche médicale. Par exemple, les récents progrès en IA ont permis la découverte d'une nouvelle classe d'antibiotiques après 38 ans sans nouveautés. L'IA va donc non seulement révolutionner la pratique médicale quotidienne, mais aussi accélérer la recherche scientifique à des niveaux sans précédent. Le Dr Alexandre évoque les énormes défis psychologiques que devront affronter les médecins face à leur "castration psychologique" due à l'IA. Il prédit, à titre de boutade (? ) une explosion de la consommation de Prozac parmi les médecins, en raison de leur mise à l'écart progressive par l'IA. Il aborde également les enjeux éthiques, notamment avec des innovations comme Neuralink, le projet d'Elon Musk visant à implanter des puces cérébrales pour améliorer les capacités humaines et rendre les individus complémentaires de l'IA. Pour le Dr Alexandre, une fusion entre la gestion des ressources humaines et la gestion informatique dans les hôpitaux sera inévitable. Il prône la création d'un nouveau poste de "Chief Cognitive Officer", responsable de l'interface entre le neurone humain et le transistor électronique. Les managers hospitaliers devront également gérer cette transformation, en fusionnant les intelligences biologiques et artificielles pour éviter des crises sociales majeures. Le Dr Alexandre insiste, enfin, sur la nécessité de créer des organisations collectives régionales pour réfléchir à cette révolution. Chaque institution de santé, prise isolément, ne pourra pas résoudre seule ces défis. Une réflexion commune et des actions collectives seront indispensables pour réussir à gérer le dépassement des médecins par l'intelligence artificielle, qui est déjà en marche.