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Le rapport entre diabète de type 2 et dépression est bidirectionnel. Une dépression peut se déclarer au moment du diagnostic de diabète. Mais la dépression peut aussi être un facteur causal de diabète, car les patients dépressifs éprouvent plus de difficultés à maintenir un mode de vie sain. Qui plus est, les troubles du sommeil associés à la dépression augmentent l'insulinorésistance. Il n'y a pas de prévalence accrue de dépression chez les personnes au diabète non diagnostiqué, ce qui étaye l'idée selon laquelle c'est le diagnostic en tant que tel qui est responsable du trouble affectif, et non un facteur biologique tel que l'hyperglycémie.Le risque de dépression augmente au moment où le diagnostic de diabète est établi. Après une dizaine d'années, on ne note plus de prévalence majorée de dépression par rapport à la population témoin car, au bout d'un moment, les patients diabétiques s'adaptent à leur situation. Tous les troubles affectifs liés au diabète ne remplissent pas les critères diagnostiques de la dépression. Il existe un syndrome plus léger, que la littérature désigne sous le terme de détresse liée au diabète ( diabetes-related distress). Les principaux symptômes en sont la fatigue, l'anhédonie et la dysphorie. La première année qui suit le diagnostic, la détresse liée au diabète est surtout présente chez les patients sous polythérapie. Les patients sous traitement unique ne présentent souvent aucun signe de détresse jusqu'à plusieurs années après le diagnostic.Une autre phase sensible dans le développement d'une dépression chez le patient diabétique est le grand âge. En pratique, cette période survient environ 30 ans après le diagnostic. Le risque est d'autant plus important lorsque le patient atteint un score élevé sur les échelles mesurant la vulnérabilité liée à l'âge. Les patients vulnérables éprouvent davantage de difficultés à continuer à gérer leurs traitements chroniques alors que, dans le même temps, le traitement devient souvent plus lourd. L'instauration de l'insuline est non seulement contraignante, mais peut aussi contribuer à une perception négative de son propre état de santé. Enfin, il faut encore signaler un substrat strictement organique pour le risque accru de dépression chez les patients diabétiques âgés : les lésions microvasculaires, qui sont corrélées à une anhédonie et à une attitude apathique. Entre le pic précoce et le pic tardif de la dépression dans le diabète se situe un creux : les études n'ont pas relevé de prévalence accrue de dépression entre 10 et 30 ans après le diagnostic. L'incidence suit donc une courbe en U.Il existe pas mal de données relatives à l'impact de la dépression sur le décours du diabète, mais toutes les études ne mettent pas en lumière un impact négatif. L'une des explications possibles est que la dépression peut provoquer un très vaste panel de symptômes, qui ne sont vraisemblablement pas tous néfastes pour le degré d'exécution du traitement prescrit contre le diabète dont le patient est capable. Pour l'anhédonie, l'apathie et la fatigue, certaines études ont démontré une corrélation avec un moins bon contrôle de la glycémie. On peut s'interroger sur le lien causal entre les deux : une glycémie mal contrôlée peut-elle être à l'origine des troubles psychiques, ou est-ce l'inverse ? Les deux hypothèses méritent d'être étudiées mais, comme nous l'avons déjà mentionné, il est peu probable qu'une dysglycémie déclenche une dépression.Il n'existe aucune preuve manifeste étayant la possibilité qu'un traitement antidiabétique influence le risque de dépression. Les agonistes des récepteurs de GLP-1 se sont avérés efficaces contre les symptômes dépressifs dans certains modèles animaux, mais cette observation doit être confirmée.Le processus diagnostique pour la dépression établi dans les recommandations peut aussi être appliqué aux patients diabétiques. Compte tenu des interactions entre le diabète et la dépression, il est important de traiter les deux affections de manière coordonnée. Tous les antidépresseurs disponibles n'ont pas été étudiés dans le diabète. Il s'agit de prescrire un médicament qui n'exerce aucune influence négative sur le poids corporel ni sur la glycémie. Le traitement par ISRS est efficace et prévient les récidives. Les auteurs d'un récent article de revue préconisent aussi le bupropion, un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine. Les données issues de la recherche suggèrent que ce médicament est aussi efficace que les ISRS, bien qu'il n'existe pas d'étude comparative. Ces dernières années, la dopamine fait l'objet de nombreuses attentions dans la recherche sur le diabète. Les patients diabétiques connaissent une diminution de la neurotransmission dopaminergique dans le corps strié. La dopamine faisant baisser l'insulinorésistance, la FDA a approuvé la bromocriptine (un agoniste dopaminergique) dans le traitement du diabète en 2009.Du côté du traitement non médicamenteux, soulignons l'utilité démontrée d'un responsable des soins, qui aide le patient à améliorer son autoprise en charge, à la fois du diabète et de la dépression.