Dans notre pays, peu de patients schizophrènes suivent un traitement adapté, comme le montre une étude récente sur la consommation d'antipsychotiques entre 1997 et 2012.
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En quinze ans, la vente d'antipsychotiques en Belgique a grimpé de 122 %, passant de 20,4 millions de doses moyennes journalières (DDD) en 1997 à 45,2 millions de DDD en 2012. Cette hausse s'explique par la multiplication par trois des prescriptions d'antipsychotiques par les psychiatres et les neurologues. " Ce qui indiquerait justement que davantage de patients sont diagnostiqués et traités ", poursuivent les auteurs de l'étude. A titre d'exemple, il faut savoir qu'en 2012, 3,3% de la population belge consommait au moins un antipsychotique. Plus de la moitié de ces patients ont pris cette médication pendant moins d'un mois. Pour 82 % d'entre eux, le traitement s'est arrêté après trois mois. A peine 19,8 % des patients (0,65 % de la population belge) ont pris des antipsychotiques pendant plus de six mois. En bref, la plupart des patients ne se soignent par antipsychotiques que sur une courte période. " Ajoutons que ces produits ne sont prescrits que dans 29,5 % des cas pour traiter des troubles psychotiques, ce qui représente 0,19 % de la population ", constatent les chercheurs. Selon eux, ces résultats soulèvent des questions quant au traitement des patients schizophrènes ou atteints de troubles bipolaires...Une schizophrénie mal traitée ? " Quand on sait que la schizophrénie, dont les antipsychotiques constituent le coeur du traitement, a une prévalence de 1%, ces résultats laissent penser que la majorité des schizophrènes sont traités de manière inadéquate ou ne sont pas traités du tout en Belgique ", poursuivent les auteurs de l'étude. Même chose pour la bipolarité, avec une prévalence de 1 à 2 % en Belgique, et qui est également traitée de préférence à l'aide d'antipsychotiques. En 2012 toutefois, seuls 26,2 % des antipsychotiques ont été prescrits pour soigner des troubles de l'humeur. " Ces données indiquent elles aussi que peu de patients atteints de troubles bipolaires reçoivent le bon traitement. "Hors indication Par ailleurs, l'augmentation des prescriptions d'antipsychotiques indique une grande utilisation hors indication de ces médicaments. " Nos résultats montrent que les antipsychotiques sont aussi utilisés pour leurs effets calmants. Ainsi, la quétiapine et l'olanzapine, antipsychotiques les plus souvent prescrits par les généralistes et les spécialistes, ont des effets secondaires calmants. De plus, les antipsychotiques de première génération (APG) comme l'halopéridol, le dompéridol et le pimozide, efficaces contre les symptômes psychotiques, tombent dans l'oubli, alors que des APG plus calmants comme la clotiapine et le prothipendyl ont toujours la cote chez l'ensemble des médecins. "Des APG aux ASG Il est étonnant de constater que tant les psychiatres que les généralistes prescrivent plus souvent des antipsychotiques de deuxième génération (ASG). Cette évolution concerne la plupart des pays, constatent les auteurs. Ce sont surtout les jeunes médecins (entre 20 et 35 ans) qui prescrivent des ASG, toutes spécialités confondues. Leurs collègues plus âgés sont plus enclins à continuer à prescrire des APG. " Cela suppose que les modèles de prescription se construisent pendant la formation et résistent au changement. " L'autre explication plausible est que les stratégies de marketing des ASG visent peut-être plus spécialement les jeunes médecins, ajoutent les chercheurs. Selon eux, la tendance à la prescription d'ASG est préoccupante. " Bien que l'efficacité de ces produits explique en partie ce changement de comportement prescripteur, il ne faut pas sous-estimer l'impact d'autres facteurs, comme les effets secondaires et le coût important de ces médicaments ", concluent les auteurs de l'étude.