"L'industrie pharmaceutique est souvent présentée comme un secteur dans lequel la Belgique - et en particulier la Wallonie- est à la pointe (...). La concentration du secteur pharmaceutique au niveau mondial est également une réalité au niveau national. La plupart des groupes pharmaceutiques possèdent des filiales en Belgique, surtout dans le segment de la production pharmaceutique et dans la distribution ". Tel était le point de départ de la réflexion de deux chercheurs du Crisp (Centre de recherche et d'information socio-politiques), Christophe Goethals, licencié en économie, et Marcus Wunderle, licencié en histoire, publiée dans un numéro du Courrier hebdomadaire, consacré au secteur pharmaceutique en Belgique et dont nous avons parlé dans notre édition précédente.

Pour compléter ce travail, Marcus Wunderle analyse les groupes pharmaceutiques présents dans la partie sud du pays. Son étude fait l'objet d'une nouvelle revue, Les Groupes pharmaceutiques en Wallonie (n°2368-69).

Brabançon et wallon

Dans le précédent numéro, Le secteur pharmaceutique en Belgique, l'analyse comparative des trois régions élaborée par ces chercheurs montre combien la fabrication de produits et de préparations pharmaceutiques constitue une des spécialisations sectorielles wallonnes, avec notamment une proportion d'entreprises établies en Wallonie plus importante qu'en Flandre rapportée au nombre d'habitants.

" Avec de fortes disparités entre les provinces wallonnes, avec une domination hégémonique du Brabant wallon. Si, en nombre d'entreprises, les provinces de Brabant wallon et de Liège sont proches, avec respectivement 33,9 % et 32,1 % du total wallon, le Brabant wallon se détache à chaque fois nettement, avec 74,6 % de l'effectif, de 89,8 % du chiffre d'affaires et même de 91,1 % de la valeur ajoutée du total wallon. En d'autres termes, l'industrie pharmaceutique wallonne est très largement brabançonne wallonne ", note d'emblée Marcus Wunderle.

Pour déterminer les groupes présents en Wallonie, il s'est appuyé sur la base de données de l'actionnariat des entreprises wallonnes gérée par le Crisp. C'est ainsi qu'il en a retenu douze : Johnson&Johnson, GlaxoSmithKline, UCB, Zoetis, Ajinomoto, Shire, Investor AB, Baxter, Paulsen, Kaneka, SMB et Lonza. Pour chacune, il en dresse l'historique, les principaux secteurs d'activités, l'actionnariat, l'activité en Belgique et en Wallonie, leur poids dans le monde, en Belgique et en Wallonie, leur stratégie et leur évolution récente.

Hétérogène et international

Quelles conclusions en tire-t-il? Marcus Wunderle se dit frappé par la grande hétérogénéité du tableau de ces groupes présents en Wallonie, "que ce soit sur le plan de l'envergure, de la philosophie des activités, du type de produits mis sur le marché ou de la nationalité principale des actionnaires. La caractéristique commune de tous ces groupes est d'être internationalisés, même les plus petits d'entre eux, et d'avoir des activités de recherche parfois conséquentes en Belgique, où ils bénéficient d'un environnement favorable".

Ainsi, les différences de taille entraînent de facto des stratégies différentes et influencent les rapports (de force) avec les pouvoirs publics. Or, il note la chute brutale entre les quatre premiers de la liste dont le chiffre d'affaires dépasse le milliard d'euros, et les quatre suivants, de 100 à 300 millions, suivis par quatre à 40-50 millions et puis les autres.

Quant aux activités, elles se distinguent entre les groupes qui produisent des médicaments et les groupes "parapharmaceutiques" de matériel médical, de diagnostic, le produits parentéraux, voire spécialisé en médecine animale.

Si l'on regarde la nationalité principale des actionnaires, "les groupes belges grands ou petits, parmi lesquels se trouve au moins un acteur d'envergure mondiale (le groupe UCB, de la famille Janssen), sont listés parmi des groupes principalement états-uniens, britanniques, japonais et suédois". L'auteur observe que les stratégies sont dès lors souvent élaborées loin des filiales belges et que "l'éloignement des centres de décision est un enjeu pour les pouvoirs publics".

Seule constante : l'internationalisation et l'activité de recherche (parce que le cadre belge leur offre des avantages, pour la recherche à proprement parler et pour les essais cliniques).

Poumon économique

Petit bémol souligné par le chercheur : cette internationalisation et l'hétérogénéité du secteur rendent " les politiques publiques en la matière plus complexes à harmoniser et dépendantes des stratégies d'une poignée de groupes qui, faut-il le rappeler, sont tous des groupes d'entreprises privées, dont le but principal est la recherche du profit ". " Comment soutenir au mieux ces entreprises, y compris les petites et moyennes et les émergentes, dans l'idée de perpétuer, voire d'améliorer une situation économique favorable dans un secteur économique porteur, échappant largement, pour le moment, à des situations de crise ? ", s'interroge enfin Marcus Wunderle.

Ce petit voyage historique et très instructif plaide en effet pour soutenir l'ancrage de ces activités, essentielles pour l'économie belge et wallonne et pourvoyeuses d'emplois de qualité.

Les Groupes pharmaceutiques en Wallonie, M. Wunderle, Courrier hebdomadaire n°2368-69, Crisp 2018.

Le secteur pharmaceutique en Belgique, Ch. Goethals & M. Wunderle, Courrier hebdomadaire n°2366-67, Crisp 2018. (voir Le Pharmacien 3 juillet 2018)

www.crisp.be

"L'industrie pharmaceutique est souvent présentée comme un secteur dans lequel la Belgique - et en particulier la Wallonie- est à la pointe (...). La concentration du secteur pharmaceutique au niveau mondial est également une réalité au niveau national. La plupart des groupes pharmaceutiques possèdent des filiales en Belgique, surtout dans le segment de la production pharmaceutique et dans la distribution ". Tel était le point de départ de la réflexion de deux chercheurs du Crisp (Centre de recherche et d'information socio-politiques), Christophe Goethals, licencié en économie, et Marcus Wunderle, licencié en histoire, publiée dans un numéro du Courrier hebdomadaire, consacré au secteur pharmaceutique en Belgique et dont nous avons parlé dans notre édition précédente.Pour compléter ce travail, Marcus Wunderle analyse les groupes pharmaceutiques présents dans la partie sud du pays. Son étude fait l'objet d'une nouvelle revue, Les Groupes pharmaceutiques en Wallonie (n°2368-69).Dans le précédent numéro, Le secteur pharmaceutique en Belgique, l'analyse comparative des trois régions élaborée par ces chercheurs montre combien la fabrication de produits et de préparations pharmaceutiques constitue une des spécialisations sectorielles wallonnes, avec notamment une proportion d'entreprises établies en Wallonie plus importante qu'en Flandre rapportée au nombre d'habitants." Avec de fortes disparités entre les provinces wallonnes, avec une domination hégémonique du Brabant wallon. Si, en nombre d'entreprises, les provinces de Brabant wallon et de Liège sont proches, avec respectivement 33,9 % et 32,1 % du total wallon, le Brabant wallon se détache à chaque fois nettement, avec 74,6 % de l'effectif, de 89,8 % du chiffre d'affaires et même de 91,1 % de la valeur ajoutée du total wallon. En d'autres termes, l'industrie pharmaceutique wallonne est très largement brabançonne wallonne ", note d'emblée Marcus Wunderle.Pour déterminer les groupes présents en Wallonie, il s'est appuyé sur la base de données de l'actionnariat des entreprises wallonnes gérée par le Crisp. C'est ainsi qu'il en a retenu douze : Johnson&Johnson, GlaxoSmithKline, UCB, Zoetis, Ajinomoto, Shire, Investor AB, Baxter, Paulsen, Kaneka, SMB et Lonza. Pour chacune, il en dresse l'historique, les principaux secteurs d'activités, l'actionnariat, l'activité en Belgique et en Wallonie, leur poids dans le monde, en Belgique et en Wallonie, leur stratégie et leur évolution récente.Quelles conclusions en tire-t-il? Marcus Wunderle se dit frappé par la grande hétérogénéité du tableau de ces groupes présents en Wallonie, "que ce soit sur le plan de l'envergure, de la philosophie des activités, du type de produits mis sur le marché ou de la nationalité principale des actionnaires. La caractéristique commune de tous ces groupes est d'être internationalisés, même les plus petits d'entre eux, et d'avoir des activités de recherche parfois conséquentes en Belgique, où ils bénéficient d'un environnement favorable".Ainsi, les différences de taille entraînent de facto des stratégies différentes et influencent les rapports (de force) avec les pouvoirs publics. Or, il note la chute brutale entre les quatre premiers de la liste dont le chiffre d'affaires dépasse le milliard d'euros, et les quatre suivants, de 100 à 300 millions, suivis par quatre à 40-50 millions et puis les autres.Quant aux activités, elles se distinguent entre les groupes qui produisent des médicaments et les groupes "parapharmaceutiques" de matériel médical, de diagnostic, le produits parentéraux, voire spécialisé en médecine animale.Si l'on regarde la nationalité principale des actionnaires, "les groupes belges grands ou petits, parmi lesquels se trouve au moins un acteur d'envergure mondiale (le groupe UCB, de la famille Janssen), sont listés parmi des groupes principalement états-uniens, britanniques, japonais et suédois". L'auteur observe que les stratégies sont dès lors souvent élaborées loin des filiales belges et que "l'éloignement des centres de décision est un enjeu pour les pouvoirs publics".Seule constante : l'internationalisation et l'activité de recherche (parce que le cadre belge leur offre des avantages, pour la recherche à proprement parler et pour les essais cliniques).Petit bémol souligné par le chercheur : cette internationalisation et l'hétérogénéité du secteur rendent " les politiques publiques en la matière plus complexes à harmoniser et dépendantes des stratégies d'une poignée de groupes qui, faut-il le rappeler, sont tous des groupes d'entreprises privées, dont le but principal est la recherche du profit ". " Comment soutenir au mieux ces entreprises, y compris les petites et moyennes et les émergentes, dans l'idée de perpétuer, voire d'améliorer une situation économique favorable dans un secteur économique porteur, échappant largement, pour le moment, à des situations de crise ? ", s'interroge enfin Marcus Wunderle.Ce petit voyage historique et très instructif plaide en effet pour soutenir l'ancrage de ces activités, essentielles pour l'économie belge et wallonne et pourvoyeuses d'emplois de qualité.