Si l'époque où le médecin décidait tout à la place de son patient n'est finalement pas si lointaine, il est certain que la situation a aujourd'hui beaucoup évolué : non seulement les décisions sont de plus en plus le fruit d'une collaboration multidisciplinaire, mais le malade aussi veut (et peut !) désormais avoir son mot à dire. Cette évolution s'observe-t-elle également dans le domaine de la santé mentale ? C'est la question que s'est posée Else Tambuyzer dans la thèse de doctorat qu'elle défendra ce mois.
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La participation des patients dans la sphère médicale (y compris psychiatrique) est un phénomène encore relativement récent dans notre pays, qui s'est développé principalement sous l'impact de la loi sur les droits du patient et de la tendance à une communautarisation accrue des soins... et il n'aura pas fallu aller chercher bien loin les bons exemples, puisque nos voisins néerlandais et britanniques disposent déjà une solide expérience en la matière. Qualité de vie Cette participation du patient est-elle réellement aussi importante qu'on le laisse entendre ? " Tout à fait ", affirme le Pr Chantal Van Audenhove (LUCAS, KULeuven), promoteur de thèse d'Else Tambuyzer. " C'est un aspect capital dans toute approche qui place la qualité de vie au centre des préoccupations. Elle s'est peu à peu imposée dans les soins de première ligne ; par contre, dans le secteur de la santé mentale, c'est encore loin d'être le cas partout. Il faut dire que la psychiatrie a très longtemps été un domaine cantonné à la troisième ligne, hyperspécialisé, hermétique. Dans le futur, les soins de santé mentale seront appelés à s'inscrire de plus en plus dans le cadre de réseaux ou de collaborations entre différents services, ce qui imposera un dialogue accru entre les intervenants concernés... mais pour les médecins et les autres prestataires concernés, la transition vers ce nouveau modèle n'est pas du tout évidente. "Paternalisme " Nous venons d'un contexte très paternaliste ", enchaîne le Pr Van Audenhove. " Les médecins d'aujourd'hui n'ont pas de bons modèles dont ils pourraient s'inspirer et, bien souvent, ils sont peu familiarisés avec le modèle de concertation. Personne ne conteste évidemment l'importance du secret professionnel... mais cela ne justifie pas pour autant d'exclure complètement la famille, de lui refuser toute information ou, pire, de ne pas vouloir entendre ses inquiétudes. C'est particulièrement vrai dans le secteur de la santé mentale, où les proches du patient jouent un rôle tellement important dans le traitement et dans la prise en charge extrahospitalière. N'oublions pas que de très nombreuses personnes (environ une sur quatre !) seront confrontées un jour ou l'autre à un problème mental grave et devront ensuite reprendre tant bien que mal le fil de leur vie avec le poids de cette vulnérabilité. Le vécu et les valeurs du patient et de sa famille représentent dans ce processus, qui est différent pour chaque individu, un angle d'approche incontournable. Il est donc important de valoriser davantage cette expérience concrète. "Méso-niveau et macro-niveau Else Tambuyzer a étudié la participation des patients et des familles au niveau du réseau de soins (méso-niveau) et à celui de la politique des soins de santé mentale (macro-niveau). " Au méso-niveau, on observe qu'il n'existe pas de réelle vision de la participation des patients ni de procédures clairement définies : tout se fait au cas par cas. Au macro-niveau, il y a bien une volonté des pouvoirs publics de consulter les organisations de (familles de) patients... mais bien souvent, celles-ci sont gérées par des bénévoles non rémunérés qui doivent encore beaucoup grandir dans leur fonction avant d'être capables de réellement assumer une telle responsabilité. "Changement de perspective " Un changement de perspective est nécessaire, aussi bien au méso-niveau qu'au macro-niveau ", conclut le Pr Van Audenhove. " La gestion des structures de soins de santé mentale est actuellement fortement axée sur un bon fonctionnement pour les prestataires, sur la qualité des soins et sur le respect de la réglementation, mais ni le patient ni ses proches ne sont impliqués dans l'organisation de la prise en charge. Si nous nous attachons à soutenir et à mettre au premier plan la qualité de vie, les choses ne manqueront pas d'évoluer. La perspective et l'expérience concrète du patient et de sa famille doivent être prises en compte au titre de connaissances à part entière dans les choix relatifs aux soins et à leur organisation. "