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Les schémas de vaccination Covid-19 appliqués à la population générale ne protègent pas de manière adéquate une proportion importante de patients immunodéprimés. Ainsi, depuis le 13 septembre, la Belgique permet à ces personnes (elles seraient 350.000 à 400.000) de recevoir une dose supplémentaire de vaccin Covid. Mais que faire lorsque, malgré un schéma de vaccination complet, elles font quand même une infection? Sciensano suit de près l'apparition des infections chez les personnes totalement immunisées, appelées "infections de percée", grâce au croisement entre les bases de données Vaccinnet+ et des tests de laboratoire Covid-19. Signalons qu'au 5 septembre 2021, sur un total de 7.867.197 personnes totalement immunisées, 0,33% (25.855) ont été testées positives au Covid-19 et, parmi elles 39,53% ne présentaient pas de symptômes compatibles avec le Covid-19.Une étude belge, menée par des équipes de l'Hôpital Erasme (ULB, Alain Le Moine) et du CHU Sart-Tilman (ULiège), en collaboration avec l'UZBrussel et l'I3h Institute (Michel Goldman), s'est penchée sur les résultats du traitement de 9 patients immunocompromis par les anticorps anti-viraux mis à disposition des hôpitaux belges depuis le mois d'avril 2021. "Une étude récente rapporte en effet un risque 82 fois plus élevé d'infection de percée dans une grande cohorte de receveurs de greffes d'organes solides entièrement vaccinés. Plus frappant encore, les infections de percée chez ces patients étaient 485 fois plus susceptibles d'entraîner une hospitalisation ou un décès. Ces données cliniques impressionnantes corroborent les faibles réponses en anticorps et en lymphocytes T provoquées par 2 doses de vaccin ARNm dans cette population. De même, une réponse déficiente des anticorps à la vaccination ARNm a été observée chez les patients atteints d'hémopathies malignes, chez ceux traités par des anticorps anti-CD20 et après une transplantation de cellules souches. Bien qu'une troisième dose de vaccin puisse aider à retrouver un meilleur niveau d'immunisation chez certaines de ces personnes immunodéprimées, il faut envisager des stratégies alternatives pour protéger cette population de patients très vulnérables contre le développement d'une maladie Covid-19 grave", expliquent ces chercheurs dans la revue Transplantation.Alain Le Moine (Erasme, ULB) et ses collègues y rapportent leur expérience menée depuis le 15 mai 2021, chez 9 patients immunodéprimés ayant bénéficié d'une greffe de rein, de poumon, de cellules souches hématopoïétiques, ou souffrant d'une leucémie aiguë. Tous avaient préalablement reçu une vaccination complète contre la Covid-19 (vaccin Pfizer-BioNTech) qui n'avait pas empêché l'infection (survenue dans un délai de 7 à 126 jours). L'infection par le SRAS-CoV-2 a été établie par un test PCR positif effectué en raison de légers symptômes évocateurs (asthénie, toux, fièvre, frissons, anosmie, myalgies ou céphalées). Un patient présentait une légère hypoxémie (pO2: 71 mmHg). Le traitement par anticorps (association casirivimab et imdevimab) a été initié chez 8 d'entre eux dans la journée du diagnostic. Les injections ont été bien tolérées et aucune réaction allergique n'a été signalée. Aucun patient n'a développé une forme grave de la maladie, 2 ont reçu une supplémentation transitoire en oxygène dans les 48 heures suivant le traitement et 7 patients sur 9 ont pu quitter l'hôpital dans la journée suivant l'injection de ces AC. Chez 5 des 9 patients chez qui des prélèvements nasopharyngés répétés ont été effectués, les tests PCR ont démontré une chute rapide des taux d'ARN viral (<103 copies/mL) dans un délai médian de 7 jours (intervalle 5-17). Le génotypage viral était disponible pour 7 des 9 patients: 3 étaient porteurs du variant Alpha (lignée B.1.1.7), 3 du variant Delta (lignée B.1.617.2) et 1 du variant Gamma (lignée P.1)."Bien que l'interprétation de ces observations soit limitée par le petit nombre de patients, nous suggérons qu'un traitement anticorps par le casirivimab et l'imdevimab est sûr et efficace pour prévenir l'hospitalisation et le décès après une infection de percée par le SRAS-CoV-2 chez les patients immunodéprimés, quelle que soit la variante en cause", concluent les auteurs.