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Rembourser ou non un médicament ? Une bien épineuse question qui doit accumuler preuves à charge et décharge au cours d'un long processus d'évaluation scientifique, social et budgétaire. Le médicament répond-il à un réel besoin thérapeutique ? Si oui, la société est-elle prête à payer pour cette solution ? Et surtout, jusqu'à combien peut se monter l'addition ? Une décision lourde de conséquences qui incombe à la Commission de remboursement des médicaments (CRM) depuis tout juste dix ans. Fusion de deux instances - la Commission de transparence de l'AFMPS (l'Agence fédérale des médicaments) et le Conseil technique des spécialités pharmaceutiques de l'Inami -, la CRM est mise sur pied en 2002 pour mettre en application les modifications inscrites dans l'AR du 21 décembre 2001, portant sur les procédures d'appréciation scientifique basées sur l'Evidence Based Medicine. Cette Commission doit également respecter de nouvelles procédures en matière de remboursements temporaires, ainsi qu'une flopée de contrats et de conventions en tous genres répondant à un seul mot d'ordre : plus de transparence. L'heure du premier bilan Dix ans plus tard, avec l'évolution considérable des soins de santé (et surtout les restrictions budgétaires qui y sont de mise), les critères de remboursement utilisés dans notre pays ne seraient-ils pas un peu has been ? " En Belgique, notre système de remboursement est assez original par rapport à d'autres pays européens, puisqu'il permet que tout le processus d'évaluation se déroule au sein d'un même organisme ", expose Bruno Flamion, président de la CRM. " Si on tire un premier bilan après dix ans d'existence, nous pouvons aujourd'hui affirmer que nos critères d'évaluation basés sur la valeur thérapeutique sont toujours adéquats, mais qu'ils doivent sans doute être élargis pour intégrer davantage des besoins sociaux et thérapeutiques détectés sur le terrain. L'input d'acteurs externes serait sans conteste le bienvenu pour faciliter la décision finale ". Ni oui ni non... Au moment de voter, les membres de la Commission semblent en effet souvent prendre l'option de... l'abstention. " Quand on a une voix pour, une fois contre et 18 abstentions, il devient difficile de trancher... ", ironise Arié Kupperberg, expert en politique du médicament au SPF Affaires sociales. " Il s'agit là d'une forme de lâcheté ! ", embraie Danièle Even-Adin, pharmacienne hospitalière à Erasme. " Etant donné la complexité croissante des dossiers introduits, nous avons clairement besoin de disposer de l'avis autorisé d'un spécialiste pour éclairer notre lanterne ". Jouer la carte de l'incertitude Si tous les intervenants au débat mettent en avant cette nécessité impérieuse de pouvoir fonder leur opinion sur une expertise indépendante, certains osent même avancer que ces abstentions trop fréquentes, liées parfois à des conflits d'intérêt, servent en fait une stratégie déployée par le secteur pharma. Faute de consensus et en présence de nombreux avis négatifs (notamment pour des questions d'incertitudes budgétaires), le laboratoire pourra en effet décider de réintroduire son dossier via une nouvelle voie d'exception activée depuis un an (" l'article 81 "). Une voie détournée de plus en plus usitée par les labos, et qui n'est pas sans entrainer certains coûts administratifs. Dans les dix prochaines années, la Belgique devra également intégrer à sa réflexion les directions et les initiatives prises au niveau européen. Les pressions socio-économiques devraient elles aussi peser sur la politique du remboursement des médicaments. " Les laboratoires devront impérativement faire preuve de plus de transparence dans les informations qu'ils nous communiquent ", conclut Ri De Ridder, directeur général du Service des soins de santé de l'Inami. " A l'avenir, il faudrait aussi peut-être revoir le modèle de remboursement. Il ne serait plus basé sur une seule indication médicamenteuse, mais, plus globalement, sur le coût réel d'un traitement ".