De temps à autres, ils font une apparition furtive dans la presse pour tenter d'attirer l'attention sur leur principal problème : même autorisés dans notre pays, les médicaments orphelins ne sont pas toujours disponibles. Ces médicaments sont destinés à traiter des maladies tellement rares qu'ils ne peuvent répondre aux conditions d'enregistrement prévalant pour les médicaments 'normaux'. Ces maladies sont alors traitées avec des substances non autorisées, des implants, des usages off-label, voire des produits cosmétiques ou toute autre solution porteuse d'espoir.
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La Cour constitutionnelle a récemment jugé 'absurde' que des médicaments autorisés mais non disponibles en Belgique ne puissent être achetés à l'étranger par un pharmacien, mais bien par le patient. Une décision applaudie par Marc Dooms, pharmacien hospitalier à l'UZ Gasthuisberg, et par l'ensemble de la profession. La plupart des patients atteints d'une maladie rare atterrissent en effet directement dans les grands hôpitaux et les pharmaciens sont les premiers à tenter de les aider. Exposition médiatique L'Europe définit très clairement les contours des " maladies rares ". Il s'agit d'une maladie mortelle chronique invalidante qui ne touche pas plus de cinq personnes sur 10.000. En Belgique, depuis que plusieurs parents d'enfants atteints d'une maladie rare (dystrophie musculaire, MLD comme la petite Sandra Massart) ont témoigné de leur vécu dans la presse, la problématique des médicaments orphelins s'est inscrite à l'agenda politique. Marc Dooms s'intéresse depuis des années à ce dossier. Et une fois qu'on y a touché, difficile de s'en défaire. " Le Formulaire Thérapeutique Magistral (FTM) est extrêmement important. Il nous permet de lancer des procédures de préparations pour médicaments orphelins partout de la même manière. L'idéal serait bien sûr que ce FTM soit en vigueur dans toute l'Europe. Chez nous, c'est surtout la Fondation Roi Baudouin qui s'occupe de ces groupes de patients. "61 médicaments reconnus En Europe, 61 médicaments orphelins sont déjà reconnus comme tels. Certes une infime partie immergée de l'iceberg, mais un pas déjà important. Dans la plupart des cas, un produit reconnu comme médicament orphelin est déjà totalement remboursé. Le cas échéant, la Fondation Roi Baudouin intervient. La production des médicaments orphelins n'est plus dans les mains des petites entreprises qui fabriquaient le médicament de manière presque artisanale. " Ce sont désormais les grands labos qui s'en occupent ", explique Marc Dooms. En outre, il apparait clairement qu'un laboratoire qui fait des médicaments orphelins est rétribué d'une toute autre manière qu'une firme qui produit des médicaments classiques à la chaîne. " Le prix d'un médicament orphelin dépend de la rareté de la maladie et donc aussi de la production à petite échelle de ce produit ", poursuit le pharmacien hospitalier. " On aboutit presque à un effet morbide : une matière première très bon marché s'avère parfois très efficace pour traiter une maladie rare, mais transformée en un médicament, elle devient extrêmement onéreuse. "Suivi thérapeutique Ce suivi thérapeutique pose parfois problème, relève Marc Dooms. " En tant que pharmacien, on doit relever des défis bien spécifiques. On voit des parents dans leur quête d'un bon diagnostic, on suit la mise sur pied d'un traitement. On voit comment les parents encadrent leur enfant. Et puis arrive la puberté qui va souvent de pair avec la première grosse crise. Adolescence et suivi thérapeutique, un vrai défi ! " Souvent, la recherche débute par la volonté de trouver des produits adaptés aux jeunes pour parvenir à les convaincre. " Il nous faut trouver la manière d'améliorer le suivi thérapeutique ", commente Dooms, en prenant l'exemple de la cystéamine, un produit donné aux patients atteints de cystinose néphropathique. " Nous avons remarqué que les adolescents sont particulièrement négligents dans le suivi de leur traitement. Quand nous avons cherché à en comprendre les raisons, nous avons découvert que le produit donnait mauvaise haleine à beaucoup de ces patients. Et qui a envie d'embrasser sa petite amie en ayant mauvaise haleine ? ". Mais aucun défi n'est trop grand pour les pharmaciens. " L'industrie a développé un produit à action prolongée. Le problème était en grande partie résolu. C'est ce qui rend notre travail passionnant ! "Implants orphelins Dans la recherche d'un traitement adapté pour une maladie rare, on ne se tourne pas uniquement vers les médicaments (orphelins). " Comme il s'agit de maladies rares, l'industrie ne déborde pas d'enthousiasme à l'idée de développer des médicaments ou des dispositifs. Nous devons donc parfois utiliser des médicaments off-label ou des préparations magistrales à base de matières premières non autorisées. Dans certains cas, nous n'avons qu'un choix limité si nous voulons continuer à aider un patient. Nous recourrons alors à un implant sans marquage CE. La question de la responsabilité se pose naturellement. Finalement, en tant que pharmacien, on va parfois trop loin pour aider un patient. Il serait préférable d'arriver enfin à circonscrire le problème, obtenir des adaptations légales pour pouvoir répertorier les résultats cliniques de façon standardisée.