La pharmacothérapie autour de l'obésité est en train d'évoluer. La "Revue médicale de Liège" fait le point sur l'histoire souvent décevante de l'approche pharmacologique pour traiter le surpoids et sur la nouvelle opportunité offerte par les médicaments biologiques tels que les analogues du GLP-1.
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Prendre un médicament pour traiter l'obésité, beaucoup en rêve. "Hélas, la plupart des médicaments anti-obésité testés depuis les années 50 ont été grevés d'un profil de risque défavorable, ce qui a amené de nombreux retraits du marché", précisent le Pr André Scheen (Service de Diabétologie, Nutrition et Maladies métaboliques, CHU Liège) et ses collègues dans la Revue médicale de Liège (2023;78(3):147-52). Les auteurs rappellent la base de cette problématique à savoir que l'obésité est une maladie chronique, impliquant une prise en charge au long cours, essentiellement basée sur le respect de mesures hygiéno-diététiques : "Beaucoup d'espoirs ont été placés dans diverses approches pharmacologiques. Mais force est de reconnaître que les résultats se sont montrés, dans l'ensemble, décevants. Trois approches ont été plébiscitées : réduire les ingesta alimentaires en freinant l'appétit par des anorexigènes ("coupe-faim"), l'approche qui a été longtemps la plus utilisée; stimuler les dépenses énergétiques en augmentant le métabolisme basal; accroître les pertes caloriques en inhibant l'absorption intestinale des graisses. Sur le plan de l'efficacité, les pertes de poids ont souvent été trop faibles et/ou trop transitoires pour satisfaire le médecin et encore moins le patient. Sur le plan de la sécurité, nombre de médicaments anti-obésité ont dû être retirés du marché en raison de la survenue de manifestations indésirables."Récemment, l'espoir est revenu par l'intermédiaire des analogues du GLP-1 (Glucagon-Like Peptide-1), "connus pour traiter le diabète de type 2 et aussi commercialisés à plus fortes doses pour traiter l'obésité (liraglutide, sémaglutide). Un agoniste double ciblant à la fois les récepteurs du GLP-1 et du GIP ("Glucose-dependent Insulinotropic Polypeptide"), le tirzépatide, s'avère encore plus puissant comme médicament antidiabétique et est actuellement testé comme agent anti-obésité.""L'obésité est une maladie complexe et il est probable qu'une combinaison de médicaments, associant plusieurs mécanismes d'action complémentaires, soit nécessaire pour obtenir une perte de poids suffisante, par ailleurs maintenue au long cours, objectif capital dans une maladie chronique comme l'obésité. Il est important de noter que, dans tous les essais pharmacologiques publiés, le médicament a été associé en complément à des mesures hygiéno-diététiques (recommandations de réduire de 500-600 kcal l'apport journalier et de pratiquer une activité physique régulière). Par ailleurs, aucun médicament contre l'obésité ne bénéficie d'un quelconque remboursement en Belgique actuellement. Ceci peut paraître paradoxal en comparaison au remboursement accordé aux médicaments traitant les complications classiques de l'obésité dont les agents antidiabétiques ou antihypertenseurs (ainsi, on traite les conséquences plutôt que la cause !)", font observer André Scheen et ses collègues dans leurs conclusions. "Compte tenu de l'historique ayant révélé des problèmes de tolérance avec la plupart des médicaments anti-obésité, le profil de sécurité de toute pharmacothérapie dans ce domaine sera particulièrement surveillé, non seulement dans les essais cliniques lors du développement de nouvelles molécules, mais aussi dans les programmes ultérieurs de pharmacovigilance en vie réelle. Les mesures hygiéno-diététiques, appliquées dès la grossesse chez la femme enceinte puis dans l'enfance/adolescence et poursuivies tout au long de la vie, restent la clé de voûte de la prévention et du traitement de l'obésité. Il est sans doute illusoire d'espérer qu'un médicament, voire même une combinaison de molécules, puisse solutionner le problème de l'excès de poids face à une société potentiellement 'obésogène'", concluent-ils.