Samedi 28 mars

Nos unions professionnelles ont rédigé une lettre ouverte. Celle-ci reflète bien mes attentes et celles de mes collègues. Nous ne demandons pas d'argent, juste plus de respect de la part des autorités. Un simple "merci". Et qu'on tienne davantage compte de nous. C'est là où les autorités nous déçoivent pour l'instant. Nous attendons également d'eux une communication claire et des directives spécifiques pour les pharmaciens. Note pour plus tard, car ne nous méprenons pas, ce genre de crise se reproduira.

Le nombre de contacts avec les patients a énormément diminué ce matin. CQFD, même si une seule journée de baisse en termes de contaminations par le Covid19 n'est pas suffisant pour parler d'une tendance générale. Nous en sommes bien conscients à la pharmacie. Nous continuons donc, inlassablement. Nous nous réorganisons et attendons la suite...

Vendredi 27 mars

Les jours commencent à se ressembler. L'attention est en berne, mais il ne faut pas baisser la garde. C'est pourquoi nous prenons encore plus drastiquement notre température et passons en revue toutes les actions de désinfection et de nettoyage à mettre en oeuvre. De quoi nous stimuler.

Le nombre de clients en pharmacie continue de baisser, à l'opposé des clients virtuels. On dirait bien que les gens ont réduit leurs achats en pharmacie au strict nécessaire, et de préférence pour une longue période. Nous conservons les produits secondaires, dont la vente est indispensable pour couvrir les coûts. Vu l'impact financier (durable qui plus est) que cette crise aura sur les gens, je ne m'attends pas à une amélioration de la situation, une fois cette pandémie derrière nous. Les pharmaciens aussi souffriront financièrement. Loin de moi l'idée de me plaindre. Nous sommes déjà contents de pouvoir continuer à travailler.

Bricoler, aider les enfants... Cela aussi à son importance.

La vie suit son cours. Aujourd'hui, j'ai ainsi dû avancer sur un entretien d'embauche. Ma collègue prend sa pension, après 42 ans de bons et loyaux services. Il faut lui trouver un-e digne successeur/successeuse. Je me refuse à utiliser le mot "remplaçant-e", parce qu'on ne remplace pas une personne avec de tels états de service. Il faut juste chercher la personne adaptée, avec ses qualités propres, et poursuivre le travail dans le même esprit qu'avant. J'ai bon espoir.

A l'approche de sa pension, ma collègue a toujours travaillé avec le même enthousiasme, temps de crise ou pas. Je lui tire ma révérence et la remercie, tout comme les personnes à l'engagement similaire.

Pas de pharmacie pour moi aujourd'hui. Je vais laisser mes collèges tenir la boutique. Nous nous sommes chacun octroyé un jour de repos par semaine et, bien que ce ne soit pas toujours facile, j'essaie de m'y tenir cette fois. Bricoler, aider les enfants... Cela aussi à son importance. De plus, sans moment de pause, nous ne tiendrions pas le coup. Certains collègues n'ont pas cette chance. J'en suis bien conscient.

Jeudi 26 mars

J'entends chaque jour des infirmières, des kinésithérapeutes et des dentistes dirent qu'ils n'ont toujours pas reçu de matériel de protection. Eux aussi attendent apparemment toujours le stock de masques réglementaires. L'union professionnelle du personnel infirmier est censée communiquer où et quand les masques seront distribués à leurs membres. Il y a quelques jours, un nouveau chargement avec des millions de masques est arrivé en Belgique, réservés au groupe susmentionné, mais ceux-ci ne sont pas arrivés au bon endroit. C'est à n'y rien comprendre.

Nous pouvons dire que cette journée a été frénétique. Les patients "virtuels" augmentent, alors que les autres commandent ou interrogent, physiquement dans la pharmacie ou par téléphone, mails, application... Sans oublier les questions des médecins et du personnel infirmier auxquelles il faut répondre. Mener cette journée à bien est une vraie gageure.

Hier, un arrêté ministériel a été publié, stipulant que les moyens de protection et le gel hydro-alcoolique ne pouvaient être distribués que par les pharmaciens. Voilà une sage décision. On imagine pas les arnaques que l'on peut trouver hors des pharmacies. Les supermarchés, internet, regorgent de gels "désinfectants", qui ne présentent pas la bonne composition, et qui sont vendus à des prix exorbitants. C'est criminel. Des collègues reçoivent même des propositions de firmes dont ils n'ont jamais entendu parler, qui tentent de leur vendre des lots entiers.

Malheureusement, nous déplorons aujourd'hui encore le manque de contrôle des produits vendus hors pharmacie. Nous nous tuons à le dire.

C'est ici que l'expertise du pharmacien tombe à point pour séparer le bon grain de l'ivraie, car une mauvaise protection, c'est encore plus grave que pas de protection du tout, avec la fausse sensation de sécurité qui en découle. Malheureusement, nous déplorons aujourd'hui encore le manque de contrôle des produits vendus hors pharmacie. Nous nous tuons à le dire.

Certaines zones de première ligne prennent des initiatives pour collecter et mettre le matériel de protection et le gel hydro-alcoolique à la disposition des prestataires de soins qui en ont besoin, et ce aussi dans ma ELZ. En dépit de la noblesse de l'intention, rappelons que ces initiatives sont illégales, selon l'usage ministériel actuel. Cet arrêté n'a pas été promulgué pour rien. Imaginez qu'une firme offre du gel désinfectant à tout son personnel. Qui contrôlera la qualité du produit? Qui veillera à ce que le gel contienne bien 70 à 85% d'éthanol? Certains règles doivent être respectées, même en temps de crise. Celle-ci ne peut être une excuse pour négliger la qualité. Je suis déçu, en tant que pharmacien, de ne pas avoir été consulté, même si je suis bien conscient que chacun est sous pression.

Mercredi 25 mars

La journée a commencé très calmement. C'est le moment de vérifier les factures déjà payées par les patients qui se sont fait livrer leurs médicaments à la maison. Nous sommes touchés par les beaux messages d'encouragement et de remerciement dans les communications.

Ceux qui pensent que les pharmaciens gagnent bien leur vie en temps de crise se trompent. Bien entendu, nos revenus (en particulier la semaine semaine) sont plus élevés que d'habitude, mais nous nous tuons aussi à la tâche. Nous avons reçu (et recevons) des centaines d'appels téléphoniques, de mails, sans compter les visiteurs de la pharmacie, qui, vraiment, n'ont pas toujours besoin d'acheter quelque chose. En outre, nous avons dû consentir à des investissements, petits ou grands, pour garantir la sécurité de notre personnel et des patients. Chaque épidémie de grippe est par exemple suivie d'une période particulièrement calme. Toutefois, d'ici la fin de l'année, soyez sûrs que ces avantages financiers temporaires se seront évaporés.

Bien entendu, nous avons l'avantage, comparés à d'autres commerçants, de pouvoir continuer à gagner notre vie. Je prédis cependant que nos revenus n'aurons pas augmenté au final, contrairement à la charge de travail et aux risques que nous encourons.

Ne croyez pas que je me plains. Estimons-nous déjà heureux de ne pas souffrir financièrement. Mais n'oubliez pas que nous aussi, nous pouvons tomber malade, engager éventuellement du personnel supplémentaire ou, dans le pire des cas, carrément fermer boutique. Espérons ne pas en arriver là !

Nous avons reçu (et recevons) des centaines d'appels téléphoniques, de mails, sans compter les visiteurs de la pharmacie, qui, vraiment, n'ont pas toujours besoin d'acheter quelque chose.

Normalement, je devais aujourd'hui prendre la parole lors d'un symposium de la VFSO, et convaincre les étudiants en pharmacie de la beauté du travail en officine. Tout cela a été reporté évidemment.

Ce que nous vivons aujourd'hui ne fait que renforcer mes convictions. Bien sûr, le monde change complètement. Il faut faire des économies... Les menaces sont réelles... Néanmoins, nous faisons un beau métier. Notre contribution dans la société est réelle et nos patients et autres prestataires de soins nous le rendent bien. Voilà que ce que nous constatons chaque jour davantage en ces temps de crise.

Pour la première fois, nous pouvons aussi prendre une vraie pause et profiter d'un café sous le soleil printanier, certes à distance l'un de l'autre et séparés du monde par un mur. Je peux moi-même enfourcher mon vélo et livrer à domicile, pendant que mes collègues s'occupent des commandes et mettent de l'ordre dans la pharmacie. Je suis conscient de ma chance. Toutes les pharmacies ne sont pas aussi bien loties.

Mardi 24 mars

Aujourd'hui, nous constatons à nouveau l'importance, en ces temps de crise, d'une communication univoque, via un seul canal. Nous tombons tout à coup sur un texte légal sans explication sur les réseaux sociaux. Seuls les pharmaciens pourraient vendre et distribuer les moyens de protection et le gel désinfectant. Cette petite phrase attire aussi notre attention : "pour autant qu'ils aient été prescrits par un professionnel de la santé". Le doute nous submerge à nouveau. Devons-nous fournir tous les prestataires de soins avec un numéro Inami (comme auparavant) et dorénavant renvoyer les particuliers vers leur médecin pour une prescription? Nous n'allons quand même pas faire ça aux généralistes ?! Qui plus est, nous avons quand même suffisamment d'expertise pour juger nous-mêmes de l'utilité d'un gel désinfectant quand les gens n'ont pas la possibilité de se laver les main (un patient en chimiothérapie ou son soignant par exemple). Les pharmaciens ont largement prouvés qu'ils en étaient capables.

Je trouve personnellement que l'APB, le VAN et autres unions professionnelles font réellement de leur mieux pour canaliser l'info, mais eux aussi sont bombardés de toutes parts. On leur reproche parfois de tout décider de leur côté. Selon moi, ils font ce qu'ils peuvent, mais l'avis et le savoir-faire des pharmaciens n'est peut-être pas assez pris en compte. Ils doivent communiquer sans cesse de nouvelles infos à leurs membres. Il aurait certainement été plus judicieux de nommer un commissaire qui aurait communiquer plus clairement.

Lundi 22 mars

Quelqu'un nous rappelle qu'en temps de crise, le pharmacien est encore l'une des rares personnes du monde médical à qui les gens peuvent s'adresser pour exprimer leurs inquiétudes, sans barrière pour les séparer. Ils peuvent certes parler au généraliste, mais n'osent pas toujours le déranger vu les circonstances. D'autres initiatives existent bien entendu. On peut téléphoner ou envoyer un mail, mais cette période nous rappelle, une fois de plus, à quel point les pharmaciens sont accessibles, et c'est tant mieux. Les gens jugent nos avis à leur juste valeur. Durant cette crise, nous constituons encore un "phare" scientifique. Vous n'imaginez pas le nombre hallucinant de bruits et d'informations trompeuses que nous avons dû contredire et la manière dont, tous les jours, nous devons expliquer les décisions gouvernementales. Nous le faisons avec plaisir, car cela relève de notre devoir social et déontologique. Toutefois, il faudrait clairement apporter plus d'attention à la clarté du message dans les futures décisions de nos dirigeants.

Les gens jugent nos avis à leur juste valeur. Durant cette crise, nous constituons encore un "phare" scientifique.

La journée avance. Certains viennent, beaucoup préfèrent appeler. Nous répondons à toutes les questions. Tous les médicaments arrivent à bon port.

Je vois toujours plus de gens déambuler avec des masques et des gants, souvent jaunis. Ces mêmes personnes touchent leur visage sans s'en rendre compte. Ils portent des masques qui ne sont pas efficaces, et ils le portent de travers qui plus est ! Je m'inquiète du faux sentiment de sécurité que cela leur donne, et de la nonchalance qui en découle. Je décide d'exprimer mes inquiétudes à ce propos sur Facebook. Bien veiller à donner la même info qu'en pharmacie, voilà qui est crucial. L'avantage, c'est que je ne donne ici qu'une fois mon avis et que l'info circule. En pharmacie, il faut se répéter des centaines de fois.

Samedi 21 mars

Le printemps arrive et nous gâte avec un beau soleil. Nous le remarquons à peine car, comme d'habitude, nous travaillons à l'intérieur. Je commence à m'impatienter pour la tournée, même si je dois prendre la voiture pour couvrir les longues distances.

Pour la première fois, nous avons le sentiment que tout est de nouveau sous contrôle. On fermera plus ou moins à l'heure aujourd'hui. Les livraisons à domicile et l'administration peuvent se faire dans l'après-midi. Les courses nécessaires pour la semaine à venir se feront en une fois. Les rayons sont vides, il faudra improviser.

Pendant que j'écris ceci, mes paupières se ferment. Il est 18h00.

Demain repos, ça fera du bien.

Vendredi 20 mars

Je prends un jour de congé, ce qui veut dire que je serai moins actif à la pharmacie. Le matin, il faut faire les courses, aider les enfants dans leurs travaux scolaires, effectuer les tâches quotidiennes qui commencent aussi à s'amonceler.

Après le diner, je pars faire la tournée de livraison des médicaments. Les gens commencent à avoir l'habitude. Ils doivent encore s'habituer au fait que je ne m'approche pas de la porte et que je reste à une certaine distance de sécurité dans ma voiture. La plupart me saluent de la main et lèvent le pouce. Ils sont reconnaissants de ce que nous faisons pour eux. Parfois, un mot gentil accompagne l'ordonnance.

En fin d'après-midi, le premier gel est prêt, et j'appelle les médecins et le personnel infirmier à domicile pour savoir s'ils en ont besoin.

Certains ont des questions à me poser et me regardent drôlement quand je refuse leur invitation à entrer. Je leur explique les raisons, ils comprennent. Moi aussi je dois m'habituer à cela. J'ai l'habitude de réagir à la moindre demande et là, je me dois de mettre un frein. Je serai heureux quand je pourrai à nouveau les rencontrer dans la pharmacie, les aider, les écouter et prendre parfois leurs mains pour les consoler. Ce ne pas possible pour l'instant et c'est dur, même pour un pharmacien.

Pendant que je prends une heure pour mettre les pneus d'été sur la voiture, les collègues s'affairent à la pharmacie pour fabriquer à nouveau du gel désinfectant pour les prestataires de soins des environs.

En fin d'après-midi, le premier gel est prêt, et j'appelle les médecins et le personnel infirmier à domicile pour savoir s'ils en ont besoin. Le premier stock part rapidement. Ils sont contents que nous pensions à eux. Je trouve évident de penser à eux. L'obligation émanant de l'Ordre des Pharmaciens et de l'AFMPS d'aider uniquement les prestataires de soins dans le besoin n'est pas nécessaire, fait remarquer un collègue respecté.

Jeudi 19 mars

Ce matin, nous ouvrons pour la première fois avec 2 pharmaciens, ce qui est normalement suffisant pour fournir un travail décent un jeudi. On ouvre la porte avec une petite crainte, mais ça va, cela se passe bien. Certes, nous travaillons en continu, notre routine est cassée. Les commandes aux grossistes doivent avoir lieu à d'autres moments. En temps normal, c'est automatique mais pour l'instant, il y a beaucoup plus de travail manuel et il faut envoyer les commandes plus tôt. C'est une conséquence des mesures de sécurité du grossiste. Il faut prévoir moins de personnes en un endroit et il a plus de commandes, donc ça dure plus longtemps. C'est acceptable. On ne peut pas toujours compter sur des livraisons ponctuelles. A chaque commande, des bacs ne rentrent plus dans la camionnette. Les chauffeurs s'excusent, à tort je trouve. Eux-aussi sont dans la bataille.

Bien entendu, il faut penser à les nettoyer et à les désinfecter. Nous prendrons nos pauses plus tard.

Pendant l'heure du midi, je repars en tournée livrer les médicaments utiles à domicile. Cette fois-ci, je m'arrête à la distillerie Filliers toute proche. Les distilleries ont reçu l'autorisation des Douanes et Accises de vendre à titre exceptionnel de l'éthanol pur aux pharmaciens pour la préparation de gel désinfectant pour les mains. Ces personnes apportent aussi leur contribution à la crise, avec le peu de personnel encore actif.

A chaque commande, des bacs ne rentrent plus dans la camionnette. Les chauffeurs s'excusent, à tort je trouve. Eux-aussi sont dans la bataille.

Dans l'après-midi, nous recevons la notification que les gels hydroalcooliques que nous avons produits peuvent être uniquement vendus aux prestataires de soins. Je le comprends parfaitement. C'est difficile de faire comprendre cela aux particuliers qui en demandent. Mais quand on leur explique que les prestataires de soins ne peuvent pas tomber malades et qu'ils doivent se prémunir, ils comprennent. Se laver les mains avec de l'eau et du savon est encore le meilleur conseil, même pour les prestataires de soins.

Il y a du monde, mais nous arrivons à gérer. L'administration sera de nouveau pour ce soir. Et les commandes, et le nettoyage, et la désinfection.

Mercredi 18 mars

La journée commence avec un premier patient qui me demande du paracétamol. En temps normal, j'ai beaucoup de patience, mais là, je me fâche. Je me fais peur. Ce n'est pas moi. Est-ce la fatigue? La frustration? Aucune idée. Je m'excuse, et plus tard dans la journée, on en reparle. Il est vrai que pour les patients qui ont vraiment besoin de médicaments, les temps sont incertains. Il ne faut pas toujours le prendre mal.

Le reste de la journée est une répétition d'hier. De temps en temps, on reprend le souffle. Lorsque nous livrons les médicaments à domicile pendant le temps du midi, la plupart des personnes nous remercient chaleureusement, certes de loin.

A midi, tout est subitement calme. C'est le cas presque partout comme je peux le lire sur les réseaux sociaux. Sans doute une conséquence de l'appel à éviter les déplacements non essentiels à partir de 12h00 et l'interdiction de se rassembler.

Je dois admettre que je suis assez fier de ce que nous les pharmaciens réalisons. Soyons honnêtes : le gouvernement nous a clairement informé via la presse que les pharmacies devaient rester ouvertes. Mais nous n'avons reçu aucune mesure de protection, pas de directives ni de protocoles, rien.

Mauvaises réactions, critiques négatives sur les réseaux sociaux. Nous subissons. Nous ne pouvons pas faire autrement.

Les pharmaciens ont pris les choses en mains et ont été incroyablement créatifs, ils peuvent compter sur les associations professionnelles et les citoyens pour soutenir cette créativité. Ils ont fait leur devoir civique et ont essayé de freiner le plus possible l'accumulation de réserves. L'arrêter était impossible.

Mauvaises réactions, critiques négatives sur les réseaux sociaux. Nous subissons. Nous ne pouvons pas faire autrement.

Certes, on ne peut pas comparer les pharmaciens aux héros dans les hôpitaux qui s'occupent des patients atteints du virus. Ils méritent tout notre respect. Mais j'estime que les pharmaciens sont ici souvent oubliés par le gouvernement. Nous nous soutenons avec les nombreuses réactions positives que nous recevons de la ligne de front et nous espérons que l'on tiendra plus compte de nous dans l'avenir. Mais tout ceci est pour plus tard. Combattons d'abord et tous ensemble le COVID19!

Mardi 17 mars

En ce jour de semaine, je pourrais être content et fier d'avoir pu aider autant de patients, mais je suis en colère. Très en colère.

Toute la journée, on ne nous a demandé que du paracétamol.

Deux fois plus de clients aujourd'hui, et toujours la même question : vous avez du paracétamol ?

Je mentirais : quelques-uns nous ont encore demandé des masques et du gel hydroalcoolique.

Les quelques personnes qui sont venues pour demander des véritables soins pharmaceutiques ont été littéralement repoussées dans un coin de la pharmacie.

Celles qui souffrent de douleurs chroniques, de douleurs d'origine cancéreuse, d'arthrose, ..., ont vu leur douleur augmenter au fur et à mesure que le stock de paracétamol diminuait.

Dans l'après-midi, nous avons dû faire l'impensable. Notre stock de paracétamol d'un mois est parti en une demi-journée, nous avons donc décidé de rationner ce qu'il restait.

C'est très difficile et ingrat de devoir décider qui peut en avoir. C'est sûr qu'on ne veut laisser personne dans le besoin, mais les gens sont très inventifs ces derniers temps.

Nous essayons de savoir de toutes les manières possibles s'ils ont vraiment besoin de paracétamol. Lorsqu'on leur demande s'ils en ont encore à la maison, ils nous répondent presque toujours non. C'est compréhensible, mais très difficile pour nous.

Nous décidons finalement de délivrer du paracétamol uniquement sur ordonnance aux patients chroniques ou aux personnes qui ont de la fièvre. En général, elles ont une ordonnance.

Nous essayons de prévenir les médecins d'agir avec modération et de diffuser le même message.

Mais je dois vraiment faire un effort et me retenir lorsque des personnes arrivent à nous culpabiliser en nous disant qu'elles pourraient bien avoir de la fièvre ou des douleurs dans les prochains jours.

Nous nous concentrons sur la compréhension de la grande majorité de nos patients, que nous apprécions. Et nous comprenons les autres.

Notre stock de paracétamol d'un mois est parti en une demi-journée, nous avons donc décidé de rationner ce qu'il restait.

Je pense que les médias populaires y sont pour quelque chose. Je ne dis pas cela d'un ton accusatoire mais je voudrais souligner que la nuanciation est souvent très précaire et difficile. Si par exemple, on annonce soudainement à la télévision que l'ibuprofène n'est pas recommandé dans le cadre du Coronavirus, et que le paracétamol est le premier choix dans le traitement de la fièvre et de la douleur, le Belge paniqué comprend - lui - qu'il ne peut plus prendre d'ibuprofène et qu'il doit se tourner vers le paracétamol. De toute évidence, le message n'a pas été assez clair ni nuancé, ce qui a entraîné un ravage sans précédent de nos stocks de paracétamol. Heureusement, les pharmaciens gardent la tête froide et mettent un frein pour rationner la demande. Les directives du gouvernement nous donneront raison plus tard.

Pour aider au maximum les patients fragiles et ne laisser personne sans leurs médicaments chroniques, la pharmacie propose des livraisons à domicile. Pendant que 2 pharmaciens servent les patients en pharmacie, un collègue s'affaire dans les coulisses. Le téléphone n'arrête pas de sonner. Nous réalisons aussi des préparations magistrales, qui n'ont pas disparu comme certains le prétendent. Tout est soigneusement préparé pour des livraisons l'après-midi ou en soirée.

Nous vivons à la campagne, il faut donc sortir la voiture. Les distances sont trop longues et les journées trop courtes. Il reste peu de temps pour manger.

Après la tournée du soir, le nettoyage commence. Au sens littéral : il faut à nouveau désinfecter toute la pharmacie, nettoyer les sols, aérer, ... Il faut gérer l'administration, les nombreux mails, les livraisons pour demain,... A dix heures et quart du soir, je baisse le rideau.

Lundi 16 mars

Ce matin, je me lève à l'heure habituelle parce que les enfants sont attendus à l'école. J'en suis très reconnaissant et j'espère que l'école ne fermera pas.

Les premières personnes sont déjà là devant la porte, avant l'heure d'ouverture. Aucune précipitation, heureusement, juste des lève-tôt.

C'est la première fois que nous servons une personne à l'extérieur. C'est un sentiment bizarre. Les premières livraisons à domicile sont prévues cet après-midi.

Entre deux tâches, je vais vite jusqu'à l'école voisine, où les enfants sont pris en charge, pour donner mon dernier thermomètre frontal de démonstration.

Pendant que les enfants jouent dans la cour, les professeurs se rassemblent à l'extérieur en maintenant une distance d'un mètre et demi. Parfait. Ils prennent ça au sérieux !

Il est frappant de constater que certaines personnes âgées ne prennent pas les mesures sanitaires au sérieux. Elles sont choquées lorsqu'on leur demande de ne plus venir à la pharmacie et de nous appeler pour une livraison à domicile.

Nous restons calmes et nous essayons de ne pas provoquer de panique. Mais il faut rester ferme pour que le message passe bien.

L'après-midi est assez calme. Quoique. Les apparences sont trompeuses. Maintenant que les mesures de protection sont en place, la routine s'installe peu à peu.

On nous demande de transmettre les commandes plus tôt et de placer les bacs vides devant la porte parce que le chauffeur ne peut pas rentrer dans la pharmacie.

Chez nos grossistes, la pression est là. Tous les bacs n'arrivent pas à destination et ils seront livrés plus tard. Cela ne facilite pas les choses.

On nous demande de transmettre les commandes plus tôt et de placer les bacs vides devant la porte parce que le chauffeur ne peut pas rentrer dans la pharmacie. Autant de tâches supplémentaires.

Une alarme programmée dans l'ordinateur peut nous faire penser à envoyer les commandes.

Un patient appelle. Il lui reste quelques masques de protection de son épouse décédée. Peut-être peuvent-ils encore servir ? Pour le moment, non d'après les directives, les mesures actuelles sont suffisantes. Quelques masques en réserve au cas où les mesures deviendraient plus strictes et le reste peut servir au personnel soignant à domicile qui travaille sans masque. Comment notre gouvernement a-t-il pu les oublier.

La nuit tombe, mais le travail n'est pas terminé. Il faut encore suivre un webinaire sur notre ami COVID-19. Le Professeur Van Damme donne des explications claires et fournit les confirmations et certitudes si chères au sein de notre corps pharmaceutique.

Le collègue Zwaenepoel détaille une nouvelle fois les mesures à prendre et je note encore quelques conseils. Je vais moins twitter et désinfecter mon gsm plus souvent...

Il est 21h00 et je peux traiter les commandes. Finalement, ce sera pour demain matin. Je décide de suivre les sages conseils du professeur Van Damme. Penser aussi à soi, manger sain, bouger et prendre un temps de repos.

Dimanche 15 mars

Ce devait être un dimanche calme, mais ce ne fut pas le cas. Pour une fois, je descends délibérément plus tard que les enfants. Pendant que le café passe, je remarque dans mon champ de vision que mon téléphone n'arrête pas de s'éclairer.

Je n'ai jamais vu autant de chiffres à mes publications et sur les réseaux sociaux. Gérer tous ces messages me prend la matinée.

Faire les courses dure plus longtemps que d'habitude. Comme les enfants ne dinent plus à l'école, il faut prévoir des repas en plus pour la semaine et leur pique-nique. Mais je suis heureux de savoir qu'ils sont pris en charge.

Même le dimanche, le pharmacien à une fonction sociale à jouer.

On m'interpelle ici et là à propos du virus, ça ne me dérange pas. Jamais. Même le dimanche, le pharmacien à une fonction sociale à jouer.

On dit que les indépendants mangent tard. Aujourd'hui, nous dinons à 14h00. Après le diner, je monte le trampoline dans le jardin avec les enfants.

Ils auront de l'énergie à revendre dans les semaines à venir. Le soleil printanier surréaliste fait du bien.

Samedi 14 mars

Hier soir, après une journée harassante, je me suis endormi comme une masse. Fatigué, mais satisfait. Nous étions là pour nos patients.

A 6h00, je me réveille avec cette idée : "que faire si un patient malade, qui tousse, entre dans la pharmacie"...

Les événements de ces derniers jours font des ravages dans le subconscient.

Je me lève. Je consulte les infos et bien entendu les réseaux sociaux. Il faut se tenir au courant. La communication prime.

Pas facile de faire tourner une pharmacie où la pression a soudainement doublé. Il faut répondre aux questions, rassurer les gens, dissiper les malentendus, ..., et prendre les mesures de sécurité utiles pour se protéger et protéger le personnel. Mon équipe reste heureusement calme et rationnelle. Pas de panique. Quelle équipe! Ils semblent infatigables.

Juste avant l'ouverture, je briefe une dernière fois les collègues. Nous passons rapidement en revue ce qu'il y a lieu de faire si un patient effectivement malade se présente.

Les portes s'ouvrent, le monde afflue. C'est parti !

Nous avons retourné les bacs du grossiste devant le comptoir pour créer de la distance. Il faut maintenir les personnes à distance. Sur la porte d'entrée, des affiches interdisent aux personnes malades de rentrer. Je répète les règles à tout le monde.

Au début, beaucoup de personnes ont pris la chose à la rigolade. Une manière d'y faire face. La prise de conscience est lente, on commence à comprendre l'utilité des mesures sanitaires. Les personnes les apprécient et nous sont reconnaissantes. Les médecins et les pharmaciens sont une référence. Les rires font progressivement place aux compliments.

Les premières personnes en quarantaine appellent. Elles peuvent envoyer un volontaire. Peut-être que cela va augmenter et qu'il faudra planifier plus de livraisons à domicile. Ici aussi, il faut prévoir des accords clairs, mais tout doit se faire simultanément.

Les médecins et les pharmaciens sont une référence. Les rires font progressivement place aux compliments.

Le groupe de travail COVID-19 de l'APB nous a transmis un beau document avec des conseils, des recommandations et des directives. J'ai à peine le temps de le lire en diagonale et de retenir les points importants pour la pharmacie.

Entre-temps, nous avons eu plusieurs demandes de gels désinfectants et de masques, et une autre affiche indique que nous n'en avons plus. Il faut à nouveau expliquer les directives. On s'y attèle, mais ce n'est pas évident.

Pendant que mes collègues servent les personnes avec enthousiasme, je réponds au téléphone, aux mails, aux communiqués, ... Les questions viennent des patients mais aussi des maisons de repos, d'écoles, d'associations, d'entreprises, etc. Elles sont parfois banales mais souvent pertinentes. La communication n'est pas encore tout à fait claire.

Comment mesurer au mieux la température des collaborateurs ? Quelle est la meilleure manière de nettoyer ou de désinfecter des surfaces ? Voilà le type de questions que l'on pose aux pharmaciens.

Je reçois aussi des propositions d'aide spontanées. Aller acheter du plexi au magasin ? Allez chercher et ramener les prescriptions de personnes âgées ? Chapeau. Quel lien précieux unit le pharmacien à ses patients. Formidable.

Le réapprovisionnement et le placement des commandes ont lieu après la fermeture, mais c'est essentiel. Une bonne gestion des stocks est cruciale. Les collègues m'ont signalé que certains médicaments étaient très demandés en ce moment.

10h00 ça se calme. On souffle. Il faut à nouveau désinfecter les dispositifs de paiement électronique et autres. Peu de personnes paient en liquides (comme demandé), mais le paiement sans contact n'est apparemment pas encore pour maintenant. Il faut voir cela positivement. Dans le cadre de notre sécurité, c'est un coup de pouce pour promouvoir le paiement électronique.

Ce matin, j'ai lancé un appel sur les réseaux sociaux pour trouver des écrans en plexiglas. Après 5 minutes, le téléphone sonnait et on me donnait des conseils, des personnes voulaient m'aider ou aller lundi au magasin en acheter. Quelle puissance, les réseaux sociaux ! Lundi, les panneaux seront livrés. Revenons à la pharmacie.

Il y a aussi les sûretés quotidiennes à la pharmacie. Une personne nous demande une grande quantité de sprays nasaux. Les médicaments ne sont plus disponibles et il faut trouver une solution. Cela s'ajoute au reste, mais c'est notre travail de tous les jours.

Il faut désinfecter une dernière fois la pharmacie, là où c'est utile, il faut s'y mettre.

Parmi tous les patients, nous demandons à un homme de 96 ans de ne plus venir à la pharmacie dans les prochaines semaines mais d'appeler. On aimerait le voir atteindre 100 ans et plus. Risque de contamination ou non, à cet âge, il ne faut prendre aucun risque. Ce serait dommage.

12h00 Je fais partie des 'chanceux' à pouvoir fermer la pharmacie le samedi après-midi. Rien n'arrive trop tôt. Nous avons répondu présent chaque jour de la semaine.

Ma femme et les enfants se sont affairés à préparer le repas de midi. J'aide un peu et nous passons à table.

A la fin du repas, je le sens venir. Le fameux coup de pompe. Je décide de fermer les yeux un moment et de me réveiller à 15h45.

Il faut désinfecter une dernière fois la pharmacie, là où c'est utile, il faut s'y mettre.

Je ne touche pas à la boîte de messagerie qui a réceptionné 179 mails depuis ce matin. On verra demain. Je veillerai dimanche à récupérer le retard.

Je vais essayer de passer un peu de temps avec ma famille. Ils m'ont beaucoup manqué ces derniers jours.

Samedi 28 marsNos unions professionnelles ont rédigé une lettre ouverte. Celle-ci reflète bien mes attentes et celles de mes collègues. Nous ne demandons pas d'argent, juste plus de respect de la part des autorités. Un simple "merci". Et qu'on tienne davantage compte de nous. C'est là où les autorités nous déçoivent pour l'instant. Nous attendons également d'eux une communication claire et des directives spécifiques pour les pharmaciens. Note pour plus tard, car ne nous méprenons pas, ce genre de crise se reproduira.Le nombre de contacts avec les patients a énormément diminué ce matin. CQFD, même si une seule journée de baisse en termes de contaminations par le Covid19 n'est pas suffisant pour parler d'une tendance générale. Nous en sommes bien conscients à la pharmacie. Nous continuons donc, inlassablement. Nous nous réorganisons et attendons la suite...Vendredi 27 marsLes jours commencent à se ressembler. L'attention est en berne, mais il ne faut pas baisser la garde. C'est pourquoi nous prenons encore plus drastiquement notre température et passons en revue toutes les actions de désinfection et de nettoyage à mettre en oeuvre. De quoi nous stimuler.Le nombre de clients en pharmacie continue de baisser, à l'opposé des clients virtuels. On dirait bien que les gens ont réduit leurs achats en pharmacie au strict nécessaire, et de préférence pour une longue période. Nous conservons les produits secondaires, dont la vente est indispensable pour couvrir les coûts. Vu l'impact financier (durable qui plus est) que cette crise aura sur les gens, je ne m'attends pas à une amélioration de la situation, une fois cette pandémie derrière nous. Les pharmaciens aussi souffriront financièrement. Loin de moi l'idée de me plaindre. Nous sommes déjà contents de pouvoir continuer à travailler.La vie suit son cours. Aujourd'hui, j'ai ainsi dû avancer sur un entretien d'embauche. Ma collègue prend sa pension, après 42 ans de bons et loyaux services. Il faut lui trouver un-e digne successeur/successeuse. Je me refuse à utiliser le mot "remplaçant-e", parce qu'on ne remplace pas une personne avec de tels états de service. Il faut juste chercher la personne adaptée, avec ses qualités propres, et poursuivre le travail dans le même esprit qu'avant. J'ai bon espoir.A l'approche de sa pension, ma collègue a toujours travaillé avec le même enthousiasme, temps de crise ou pas. Je lui tire ma révérence et la remercie, tout comme les personnes à l'engagement similaire.Pas de pharmacie pour moi aujourd'hui. Je vais laisser mes collèges tenir la boutique. Nous nous sommes chacun octroyé un jour de repos par semaine et, bien que ce ne soit pas toujours facile, j'essaie de m'y tenir cette fois. Bricoler, aider les enfants... Cela aussi à son importance. De plus, sans moment de pause, nous ne tiendrions pas le coup. Certains collègues n'ont pas cette chance. J'en suis bien conscient.Jeudi 26 marsJ'entends chaque jour des infirmières, des kinésithérapeutes et des dentistes dirent qu'ils n'ont toujours pas reçu de matériel de protection. Eux aussi attendent apparemment toujours le stock de masques réglementaires. L'union professionnelle du personnel infirmier est censée communiquer où et quand les masques seront distribués à leurs membres. Il y a quelques jours, un nouveau chargement avec des millions de masques est arrivé en Belgique, réservés au groupe susmentionné, mais ceux-ci ne sont pas arrivés au bon endroit. C'est à n'y rien comprendre.Nous pouvons dire que cette journée a été frénétique. Les patients "virtuels" augmentent, alors que les autres commandent ou interrogent, physiquement dans la pharmacie ou par téléphone, mails, application... Sans oublier les questions des médecins et du personnel infirmier auxquelles il faut répondre. Mener cette journée à bien est une vraie gageure. Hier, un arrêté ministériel a été publié, stipulant que les moyens de protection et le gel hydro-alcoolique ne pouvaient être distribués que par les pharmaciens. Voilà une sage décision. On imagine pas les arnaques que l'on peut trouver hors des pharmacies. Les supermarchés, internet, regorgent de gels "désinfectants", qui ne présentent pas la bonne composition, et qui sont vendus à des prix exorbitants. C'est criminel. Des collègues reçoivent même des propositions de firmes dont ils n'ont jamais entendu parler, qui tentent de leur vendre des lots entiers.C'est ici que l'expertise du pharmacien tombe à point pour séparer le bon grain de l'ivraie, car une mauvaise protection, c'est encore plus grave que pas de protection du tout, avec la fausse sensation de sécurité qui en découle. Malheureusement, nous déplorons aujourd'hui encore le manque de contrôle des produits vendus hors pharmacie. Nous nous tuons à le dire.Certaines zones de première ligne prennent des initiatives pour collecter et mettre le matériel de protection et le gel hydro-alcoolique à la disposition des prestataires de soins qui en ont besoin, et ce aussi dans ma ELZ. En dépit de la noblesse de l'intention, rappelons que ces initiatives sont illégales, selon l'usage ministériel actuel. Cet arrêté n'a pas été promulgué pour rien. Imaginez qu'une firme offre du gel désinfectant à tout son personnel. Qui contrôlera la qualité du produit? Qui veillera à ce que le gel contienne bien 70 à 85% d'éthanol? Certains règles doivent être respectées, même en temps de crise. Celle-ci ne peut être une excuse pour négliger la qualité. Je suis déçu, en tant que pharmacien, de ne pas avoir été consulté, même si je suis bien conscient que chacun est sous pression.Mercredi 25 marsLa journée a commencé très calmement. C'est le moment de vérifier les factures déjà payées par les patients qui se sont fait livrer leurs médicaments à la maison. Nous sommes touchés par les beaux messages d'encouragement et de remerciement dans les communications. Ceux qui pensent que les pharmaciens gagnent bien leur vie en temps de crise se trompent. Bien entendu, nos revenus (en particulier la semaine semaine) sont plus élevés que d'habitude, mais nous nous tuons aussi à la tâche. Nous avons reçu (et recevons) des centaines d'appels téléphoniques, de mails, sans compter les visiteurs de la pharmacie, qui, vraiment, n'ont pas toujours besoin d'acheter quelque chose. En outre, nous avons dû consentir à des investissements, petits ou grands, pour garantir la sécurité de notre personnel et des patients. Chaque épidémie de grippe est par exemple suivie d'une période particulièrement calme. Toutefois, d'ici la fin de l'année, soyez sûrs que ces avantages financiers temporaires se seront évaporés.Bien entendu, nous avons l'avantage, comparés à d'autres commerçants, de pouvoir continuer à gagner notre vie. Je prédis cependant que nos revenus n'aurons pas augmenté au final, contrairement à la charge de travail et aux risques que nous encourons. Ne croyez pas que je me plains. Estimons-nous déjà heureux de ne pas souffrir financièrement. Mais n'oubliez pas que nous aussi, nous pouvons tomber malade, engager éventuellement du personnel supplémentaire ou, dans le pire des cas, carrément fermer boutique. Espérons ne pas en arriver là !Normalement, je devais aujourd'hui prendre la parole lors d'un symposium de la VFSO, et convaincre les étudiants en pharmacie de la beauté du travail en officine. Tout cela a été reporté évidemment.Ce que nous vivons aujourd'hui ne fait que renforcer mes convictions. Bien sûr, le monde change complètement. Il faut faire des économies... Les menaces sont réelles... Néanmoins, nous faisons un beau métier. Notre contribution dans la société est réelle et nos patients et autres prestataires de soins nous le rendent bien. Voilà que ce que nous constatons chaque jour davantage en ces temps de crise.Pour la première fois, nous pouvons aussi prendre une vraie pause et profiter d'un café sous le soleil printanier, certes à distance l'un de l'autre et séparés du monde par un mur. Je peux moi-même enfourcher mon vélo et livrer à domicile, pendant que mes collègues s'occupent des commandes et mettent de l'ordre dans la pharmacie. Je suis conscient de ma chance. Toutes les pharmacies ne sont pas aussi bien loties.Mardi 24 marsAujourd'hui, nous constatons à nouveau l'importance, en ces temps de crise, d'une communication univoque, via un seul canal. Nous tombons tout à coup sur un texte légal sans explication sur les réseaux sociaux. Seuls les pharmaciens pourraient vendre et distribuer les moyens de protection et le gel désinfectant. Cette petite phrase attire aussi notre attention : "pour autant qu'ils aient été prescrits par un professionnel de la santé". Le doute nous submerge à nouveau. Devons-nous fournir tous les prestataires de soins avec un numéro Inami (comme auparavant) et dorénavant renvoyer les particuliers vers leur médecin pour une prescription? Nous n'allons quand même pas faire ça aux généralistes ?! Qui plus est, nous avons quand même suffisamment d'expertise pour juger nous-mêmes de l'utilité d'un gel désinfectant quand les gens n'ont pas la possibilité de se laver les main (un patient en chimiothérapie ou son soignant par exemple). Les pharmaciens ont largement prouvés qu'ils en étaient capables.Je trouve personnellement que l'APB, le VAN et autres unions professionnelles font réellement de leur mieux pour canaliser l'info, mais eux aussi sont bombardés de toutes parts. On leur reproche parfois de tout décider de leur côté. Selon moi, ils font ce qu'ils peuvent, mais l'avis et le savoir-faire des pharmaciens n'est peut-être pas assez pris en compte. Ils doivent communiquer sans cesse de nouvelles infos à leurs membres. Il aurait certainement été plus judicieux de nommer un commissaire qui aurait communiquer plus clairement.Lundi 22 marsQuelqu'un nous rappelle qu'en temps de crise, le pharmacien est encore l'une des rares personnes du monde médical à qui les gens peuvent s'adresser pour exprimer leurs inquiétudes, sans barrière pour les séparer. Ils peuvent certes parler au généraliste, mais n'osent pas toujours le déranger vu les circonstances. D'autres initiatives existent bien entendu. On peut téléphoner ou envoyer un mail, mais cette période nous rappelle, une fois de plus, à quel point les pharmaciens sont accessibles, et c'est tant mieux. Les gens jugent nos avis à leur juste valeur. Durant cette crise, nous constituons encore un "phare" scientifique. Vous n'imaginez pas le nombre hallucinant de bruits et d'informations trompeuses que nous avons dû contredire et la manière dont, tous les jours, nous devons expliquer les décisions gouvernementales. Nous le faisons avec plaisir, car cela relève de notre devoir social et déontologique. Toutefois, il faudrait clairement apporter plus d'attention à la clarté du message dans les futures décisions de nos dirigeants.La journée avance. Certains viennent, beaucoup préfèrent appeler. Nous répondons à toutes les questions. Tous les médicaments arrivent à bon port.Je vois toujours plus de gens déambuler avec des masques et des gants, souvent jaunis. Ces mêmes personnes touchent leur visage sans s'en rendre compte. Ils portent des masques qui ne sont pas efficaces, et ils le portent de travers qui plus est ! Je m'inquiète du faux sentiment de sécurité que cela leur donne, et de la nonchalance qui en découle. Je décide d'exprimer mes inquiétudes à ce propos sur Facebook. Bien veiller à donner la même info qu'en pharmacie, voilà qui est crucial. L'avantage, c'est que je ne donne ici qu'une fois mon avis et que l'info circule. En pharmacie, il faut se répéter des centaines de fois.Samedi 21 marsLe printemps arrive et nous gâte avec un beau soleil. Nous le remarquons à peine car, comme d'habitude, nous travaillons à l'intérieur. Je commence à m'impatienter pour la tournée, même si je dois prendre la voiture pour couvrir les longues distances. Pour la première fois, nous avons le sentiment que tout est de nouveau sous contrôle. On fermera plus ou moins à l'heure aujourd'hui. Les livraisons à domicile et l'administration peuvent se faire dans l'après-midi. Les courses nécessaires pour la semaine à venir se feront en une fois. Les rayons sont vides, il faudra improviser. Pendant que j'écris ceci, mes paupières se ferment. Il est 18h00.Demain repos, ça fera du bien.Vendredi 20 marsJe prends un jour de congé, ce qui veut dire que je serai moins actif à la pharmacie. Le matin, il faut faire les courses, aider les enfants dans leurs travaux scolaires, effectuer les tâches quotidiennes qui commencent aussi à s'amonceler. Après le diner, je pars faire la tournée de livraison des médicaments. Les gens commencent à avoir l'habitude. Ils doivent encore s'habituer au fait que je ne m'approche pas de la porte et que je reste à une certaine distance de sécurité dans ma voiture. La plupart me saluent de la main et lèvent le pouce. Ils sont reconnaissants de ce que nous faisons pour eux. Parfois, un mot gentil accompagne l'ordonnance. Certains ont des questions à me poser et me regardent drôlement quand je refuse leur invitation à entrer. Je leur explique les raisons, ils comprennent. Moi aussi je dois m'habituer à cela. J'ai l'habitude de réagir à la moindre demande et là, je me dois de mettre un frein. Je serai heureux quand je pourrai à nouveau les rencontrer dans la pharmacie, les aider, les écouter et prendre parfois leurs mains pour les consoler. Ce ne pas possible pour l'instant et c'est dur, même pour un pharmacien. Pendant que je prends une heure pour mettre les pneus d'été sur la voiture, les collègues s'affairent à la pharmacie pour fabriquer à nouveau du gel désinfectant pour les prestataires de soins des environs.En fin d'après-midi, le premier gel est prêt, et j'appelle les médecins et le personnel infirmier à domicile pour savoir s'ils en ont besoin. Le premier stock part rapidement. Ils sont contents que nous pensions à eux. Je trouve évident de penser à eux. L'obligation émanant de l'Ordre des Pharmaciens et de l'AFMPS d'aider uniquement les prestataires de soins dans le besoin n'est pas nécessaire, fait remarquer un collègue respecté.Jeudi 19 marsCe matin, nous ouvrons pour la première fois avec 2 pharmaciens, ce qui est normalement suffisant pour fournir un travail décent un jeudi. On ouvre la porte avec une petite crainte, mais ça va, cela se passe bien. Certes, nous travaillons en continu, notre routine est cassée. Les commandes aux grossistes doivent avoir lieu à d'autres moments. En temps normal, c'est automatique mais pour l'instant, il y a beaucoup plus de travail manuel et il faut envoyer les commandes plus tôt. C'est une conséquence des mesures de sécurité du grossiste. Il faut prévoir moins de personnes en un endroit et il a plus de commandes, donc ça dure plus longtemps. C'est acceptable. On ne peut pas toujours compter sur des livraisons ponctuelles. A chaque commande, des bacs ne rentrent plus dans la camionnette. Les chauffeurs s'excusent, à tort je trouve. Eux-aussi sont dans la bataille. Bien entendu, il faut penser à les nettoyer et à les désinfecter. Nous prendrons nos pauses plus tard. Pendant l'heure du midi, je repars en tournée livrer les médicaments utiles à domicile. Cette fois-ci, je m'arrête à la distillerie Filliers toute proche. Les distilleries ont reçu l'autorisation des Douanes et Accises de vendre à titre exceptionnel de l'éthanol pur aux pharmaciens pour la préparation de gel désinfectant pour les mains. Ces personnes apportent aussi leur contribution à la crise, avec le peu de personnel encore actif. Dans l'après-midi, nous recevons la notification que les gels hydroalcooliques que nous avons produits peuvent être uniquement vendus aux prestataires de soins. Je le comprends parfaitement. C'est difficile de faire comprendre cela aux particuliers qui en demandent. Mais quand on leur explique que les prestataires de soins ne peuvent pas tomber malades et qu'ils doivent se prémunir, ils comprennent. Se laver les mains avec de l'eau et du savon est encore le meilleur conseil, même pour les prestataires de soins. Il y a du monde, mais nous arrivons à gérer. L'administration sera de nouveau pour ce soir. Et les commandes, et le nettoyage, et la désinfection. Mercredi 18 marsLa journée commence avec un premier patient qui me demande du paracétamol. En temps normal, j'ai beaucoup de patience, mais là, je me fâche. Je me fais peur. Ce n'est pas moi. Est-ce la fatigue? La frustration? Aucune idée. Je m'excuse, et plus tard dans la journée, on en reparle. Il est vrai que pour les patients qui ont vraiment besoin de médicaments, les temps sont incertains. Il ne faut pas toujours le prendre mal. Le reste de la journée est une répétition d'hier. De temps en temps, on reprend le souffle. Lorsque nous livrons les médicaments à domicile pendant le temps du midi, la plupart des personnes nous remercient chaleureusement, certes de loin. A midi, tout est subitement calme. C'est le cas presque partout comme je peux le lire sur les réseaux sociaux. Sans doute une conséquence de l'appel à éviter les déplacements non essentiels à partir de 12h00 et l'interdiction de se rassembler. Je dois admettre que je suis assez fier de ce que nous les pharmaciens réalisons. Soyons honnêtes : le gouvernement nous a clairement informé via la presse que les pharmacies devaient rester ouvertes. Mais nous n'avons reçu aucune mesure de protection, pas de directives ni de protocoles, rien. Les pharmaciens ont pris les choses en mains et ont été incroyablement créatifs, ils peuvent compter sur les associations professionnelles et les citoyens pour soutenir cette créativité. Ils ont fait leur devoir civique et ont essayé de freiner le plus possible l'accumulation de réserves. L'arrêter était impossible. Mauvaises réactions, critiques négatives sur les réseaux sociaux. Nous subissons. Nous ne pouvons pas faire autrement.Certes, on ne peut pas comparer les pharmaciens aux héros dans les hôpitaux qui s'occupent des patients atteints du virus. Ils méritent tout notre respect. Mais j'estime que les pharmaciens sont ici souvent oubliés par le gouvernement. Nous nous soutenons avec les nombreuses réactions positives que nous recevons de la ligne de front et nous espérons que l'on tiendra plus compte de nous dans l'avenir. Mais tout ceci est pour plus tard. Combattons d'abord et tous ensemble le COVID19!Mardi 17 marsEn ce jour de semaine, je pourrais être content et fier d'avoir pu aider autant de patients, mais je suis en colère. Très en colère.Toute la journée, on ne nous a demandé que du paracétamol. Deux fois plus de clients aujourd'hui, et toujours la même question : vous avez du paracétamol ? Je mentirais : quelques-uns nous ont encore demandé des masques et du gel hydroalcoolique. Les quelques personnes qui sont venues pour demander des véritables soins pharmaceutiques ont été littéralement repoussées dans un coin de la pharmacie.Celles qui souffrent de douleurs chroniques, de douleurs d'origine cancéreuse, d'arthrose, ..., ont vu leur douleur augmenter au fur et à mesure que le stock de paracétamol diminuait.Dans l'après-midi, nous avons dû faire l'impensable. Notre stock de paracétamol d'un mois est parti en une demi-journée, nous avons donc décidé de rationner ce qu'il restait. C'est très difficile et ingrat de devoir décider qui peut en avoir. C'est sûr qu'on ne veut laisser personne dans le besoin, mais les gens sont très inventifs ces derniers temps. Nous essayons de savoir de toutes les manières possibles s'ils ont vraiment besoin de paracétamol. Lorsqu'on leur demande s'ils en ont encore à la maison, ils nous répondent presque toujours non. C'est compréhensible, mais très difficile pour nous.Nous décidons finalement de délivrer du paracétamol uniquement sur ordonnance aux patients chroniques ou aux personnes qui ont de la fièvre. En général, elles ont une ordonnance. Nous essayons de prévenir les médecins d'agir avec modération et de diffuser le même message.Mais je dois vraiment faire un effort et me retenir lorsque des personnes arrivent à nous culpabiliser en nous disant qu'elles pourraient bien avoir de la fièvre ou des douleurs dans les prochains jours.Nous nous concentrons sur la compréhension de la grande majorité de nos patients, que nous apprécions. Et nous comprenons les autres. Je pense que les médias populaires y sont pour quelque chose. Je ne dis pas cela d'un ton accusatoire mais je voudrais souligner que la nuanciation est souvent très précaire et difficile. Si par exemple, on annonce soudainement à la télévision que l'ibuprofène n'est pas recommandé dans le cadre du Coronavirus, et que le paracétamol est le premier choix dans le traitement de la fièvre et de la douleur, le Belge paniqué comprend - lui - qu'il ne peut plus prendre d'ibuprofène et qu'il doit se tourner vers le paracétamol. De toute évidence, le message n'a pas été assez clair ni nuancé, ce qui a entraîné un ravage sans précédent de nos stocks de paracétamol. Heureusement, les pharmaciens gardent la tête froide et mettent un frein pour rationner la demande. Les directives du gouvernement nous donneront raison plus tard. Pour aider au maximum les patients fragiles et ne laisser personne sans leurs médicaments chroniques, la pharmacie propose des livraisons à domicile. Pendant que 2 pharmaciens servent les patients en pharmacie, un collègue s'affaire dans les coulisses. Le téléphone n'arrête pas de sonner. Nous réalisons aussi des préparations magistrales, qui n'ont pas disparu comme certains le prétendent. Tout est soigneusement préparé pour des livraisons l'après-midi ou en soirée. Nous vivons à la campagne, il faut donc sortir la voiture. Les distances sont trop longues et les journées trop courtes. Il reste peu de temps pour manger. Après la tournée du soir, le nettoyage commence. Au sens littéral : il faut à nouveau désinfecter toute la pharmacie, nettoyer les sols, aérer, ... Il faut gérer l'administration, les nombreux mails, les livraisons pour demain,... A dix heures et quart du soir, je baisse le rideau. Lundi 16 marsCe matin, je me lève à l'heure habituelle parce que les enfants sont attendus à l'école. J'en suis très reconnaissant et j'espère que l'école ne fermera pas. Les premières personnes sont déjà là devant la porte, avant l'heure d'ouverture. Aucune précipitation, heureusement, juste des lève-tôt. C'est la première fois que nous servons une personne à l'extérieur. C'est un sentiment bizarre. Les premières livraisons à domicile sont prévues cet après-midi.Entre deux tâches, je vais vite jusqu'à l'école voisine, où les enfants sont pris en charge, pour donner mon dernier thermomètre frontal de démonstration.Pendant que les enfants jouent dans la cour, les professeurs se rassemblent à l'extérieur en maintenant une distance d'un mètre et demi. Parfait. Ils prennent ça au sérieux ! Il est frappant de constater que certaines personnes âgées ne prennent pas les mesures sanitaires au sérieux. Elles sont choquées lorsqu'on leur demande de ne plus venir à la pharmacie et de nous appeler pour une livraison à domicile. Nous restons calmes et nous essayons de ne pas provoquer de panique. Mais il faut rester ferme pour que le message passe bien. L'après-midi est assez calme. Quoique. Les apparences sont trompeuses. Maintenant que les mesures de protection sont en place, la routine s'installe peu à peu.Chez nos grossistes, la pression est là. Tous les bacs n'arrivent pas à destination et ils seront livrés plus tard. Cela ne facilite pas les choses. On nous demande de transmettre les commandes plus tôt et de placer les bacs vides devant la porte parce que le chauffeur ne peut pas rentrer dans la pharmacie. Autant de tâches supplémentaires.Une alarme programmée dans l'ordinateur peut nous faire penser à envoyer les commandes. Un patient appelle. Il lui reste quelques masques de protection de son épouse décédée. Peut-être peuvent-ils encore servir ? Pour le moment, non d'après les directives, les mesures actuelles sont suffisantes. Quelques masques en réserve au cas où les mesures deviendraient plus strictes et le reste peut servir au personnel soignant à domicile qui travaille sans masque. Comment notre gouvernement a-t-il pu les oublier. La nuit tombe, mais le travail n'est pas terminé. Il faut encore suivre un webinaire sur notre ami COVID-19. Le Professeur Van Damme donne des explications claires et fournit les confirmations et certitudes si chères au sein de notre corps pharmaceutique.Le collègue Zwaenepoel détaille une nouvelle fois les mesures à prendre et je note encore quelques conseils. Je vais moins twitter et désinfecter mon gsm plus souvent...Il est 21h00 et je peux traiter les commandes. Finalement, ce sera pour demain matin. Je décide de suivre les sages conseils du professeur Van Damme. Penser aussi à soi, manger sain, bouger et prendre un temps de repos.Dimanche 15 marsCe devait être un dimanche calme, mais ce ne fut pas le cas. Pour une fois, je descends délibérément plus tard que les enfants. Pendant que le café passe, je remarque dans mon champ de vision que mon téléphone n'arrête pas de s'éclairer. Je n'ai jamais vu autant de chiffres à mes publications et sur les réseaux sociaux. Gérer tous ces messages me prend la matinée.Faire les courses dure plus longtemps que d'habitude. Comme les enfants ne dinent plus à l'école, il faut prévoir des repas en plus pour la semaine et leur pique-nique. Mais je suis heureux de savoir qu'ils sont pris en charge. On m'interpelle ici et là à propos du virus, ça ne me dérange pas. Jamais. Même le dimanche, le pharmacien à une fonction sociale à jouer.On dit que les indépendants mangent tard. Aujourd'hui, nous dinons à 14h00. Après le diner, je monte le trampoline dans le jardin avec les enfants.Ils auront de l'énergie à revendre dans les semaines à venir. Le soleil printanier surréaliste fait du bien.Samedi 14 marsHier soir, après une journée harassante, je me suis endormi comme une masse. Fatigué, mais satisfait. Nous étions là pour nos patients.A 6h00, je me réveille avec cette idée : "que faire si un patient malade, qui tousse, entre dans la pharmacie"...Les événements de ces derniers jours font des ravages dans le subconscient. Je me lève. Je consulte les infos et bien entendu les réseaux sociaux. Il faut se tenir au courant. La communication prime.Pas facile de faire tourner une pharmacie où la pression a soudainement doublé. Il faut répondre aux questions, rassurer les gens, dissiper les malentendus, ..., et prendre les mesures de sécurité utiles pour se protéger et protéger le personnel. Mon équipe reste heureusement calme et rationnelle. Pas de panique. Quelle équipe! Ils semblent infatigables. Juste avant l'ouverture, je briefe une dernière fois les collègues. Nous passons rapidement en revue ce qu'il y a lieu de faire si un patient effectivement malade se présente.Les portes s'ouvrent, le monde afflue. C'est parti ! Nous avons retourné les bacs du grossiste devant le comptoir pour créer de la distance. Il faut maintenir les personnes à distance. Sur la porte d'entrée, des affiches interdisent aux personnes malades de rentrer. Je répète les règles à tout le monde.Au début, beaucoup de personnes ont pris la chose à la rigolade. Une manière d'y faire face. La prise de conscience est lente, on commence à comprendre l'utilité des mesures sanitaires. Les personnes les apprécient et nous sont reconnaissantes. Les médecins et les pharmaciens sont une référence. Les rires font progressivement place aux compliments. Les premières personnes en quarantaine appellent. Elles peuvent envoyer un volontaire. Peut-être que cela va augmenter et qu'il faudra planifier plus de livraisons à domicile. Ici aussi, il faut prévoir des accords clairs, mais tout doit se faire simultanément.Le groupe de travail COVID-19 de l'APB nous a transmis un beau document avec des conseils, des recommandations et des directives. J'ai à peine le temps de le lire en diagonale et de retenir les points importants pour la pharmacie. Entre-temps, nous avons eu plusieurs demandes de gels désinfectants et de masques, et une autre affiche indique que nous n'en avons plus. Il faut à nouveau expliquer les directives. On s'y attèle, mais ce n'est pas évident. Pendant que mes collègues servent les personnes avec enthousiasme, je réponds au téléphone, aux mails, aux communiqués, ... Les questions viennent des patients mais aussi des maisons de repos, d'écoles, d'associations, d'entreprises, etc. Elles sont parfois banales mais souvent pertinentes. La communication n'est pas encore tout à fait claire. Comment mesurer au mieux la température des collaborateurs ? Quelle est la meilleure manière de nettoyer ou de désinfecter des surfaces ? Voilà le type de questions que l'on pose aux pharmaciens.Je reçois aussi des propositions d'aide spontanées. Aller acheter du plexi au magasin ? Allez chercher et ramener les prescriptions de personnes âgées ? Chapeau. Quel lien précieux unit le pharmacien à ses patients. Formidable.Le réapprovisionnement et le placement des commandes ont lieu après la fermeture, mais c'est essentiel. Une bonne gestion des stocks est cruciale. Les collègues m'ont signalé que certains médicaments étaient très demandés en ce moment. 10h00 ça se calme. On souffle. Il faut à nouveau désinfecter les dispositifs de paiement électronique et autres. Peu de personnes paient en liquides (comme demandé), mais le paiement sans contact n'est apparemment pas encore pour maintenant. Il faut voir cela positivement. Dans le cadre de notre sécurité, c'est un coup de pouce pour promouvoir le paiement électronique. Ce matin, j'ai lancé un appel sur les réseaux sociaux pour trouver des écrans en plexiglas. Après 5 minutes, le téléphone sonnait et on me donnait des conseils, des personnes voulaient m'aider ou aller lundi au magasin en acheter. Quelle puissance, les réseaux sociaux ! Lundi, les panneaux seront livrés. Revenons à la pharmacie. Il y a aussi les sûretés quotidiennes à la pharmacie. Une personne nous demande une grande quantité de sprays nasaux. Les médicaments ne sont plus disponibles et il faut trouver une solution. Cela s'ajoute au reste, mais c'est notre travail de tous les jours. Parmi tous les patients, nous demandons à un homme de 96 ans de ne plus venir à la pharmacie dans les prochaines semaines mais d'appeler. On aimerait le voir atteindre 100 ans et plus. Risque de contamination ou non, à cet âge, il ne faut prendre aucun risque. Ce serait dommage. 12h00 Je fais partie des 'chanceux' à pouvoir fermer la pharmacie le samedi après-midi. Rien n'arrive trop tôt. Nous avons répondu présent chaque jour de la semaine. Ma femme et les enfants se sont affairés à préparer le repas de midi. J'aide un peu et nous passons à table. A la fin du repas, je le sens venir. Le fameux coup de pompe. Je décide de fermer les yeux un moment et de me réveiller à 15h45.Il faut désinfecter une dernière fois la pharmacie, là où c'est utile, il faut s'y mettre. Je ne touche pas à la boîte de messagerie qui a réceptionné 179 mails depuis ce matin. On verra demain. Je veillerai dimanche à récupérer le retard. Je vais essayer de passer un peu de temps avec ma famille. Ils m'ont beaucoup manqué ces derniers jours.