Tout a commencé en août 2015, lorsque la FDA a autorisé la mise sur le marché d'un médicament un antiépileptique, le Spritam® (lévétiracetam), imprimé en 3D. " Depuis lors, les recherches en pharmacie ont vraiment explosé, précise Jonathan Goole (chargé de cours, ULB). J'avais déjà lu des articles sur ce sujet deux ans auparavant, mais au moment de l'enregistrement par la FDA, on a développé des contrats de recherche ici, à la faculté de Pharmacie. Il existait alors quatre technologies principales, dont une imprimante relativement chère. Nous avons commencé en achetant une imprimante abordable pour se faire la main ".

Cette première imprimante fonctionne par dépôt de matière fondue ou FDM (Fused Deposition Modeling) : une bobine déroule un filament qui est fondu par une tête d'extrusion qui dépose le matériau couche par couche sur le plateau d'impression.

Sophistication

Ensuite, le chercheur a obtenu un contrat de la Région wallonne, en collaboration avec une société pharmaceutique, pour développer la mise en forme d'une molécule brevetée. Il s'agit d'un projet de trois ans, avec un budget permettant d'acquérir une imprimante semi-industrielle. " Ainsi, nous avons pu utiliser deux techniques, la FDM que l'on pratiquait déjà et une autre à base d'extrusion à partir de seringue ".

" L'année dernière, poursuit-il, nous avons déposé un autre projet basé sur l'utilisation d'une technique d'impression 3D plus sophistiquée (35.000? plus frais de fonctionnement). Après, nous avons obtenu un projet plutôt fondamental (FNRS-FRIA), en partenariat avec l'Université de Mons, toujours avec la technique FDM, soit l'extrusion d'un polymère thermoplastique dans lequel on incorpore des principes actifs. On lui donne la géométrie que l'on veut et l'on peut doser différemment le médicament en fonction du nombre de couches que l'on dépose ".

Reste qu'il ne suffit pas de faire joujou avec une imprimante 3D, Jonathan Goole insiste : " Il faut qu'il y ait une plus-value, sinon cela n'a pas d'intérêt. Il faut une innovation suffisante, comme par exemple pour le Spritam® où on peut mettre 1 g de principe actif dans un comprimé qui se désintègre dans la bouche en 4 secondes, alors qu'avec un comprimé conventionnel, cela prend plus d'1 minute. La personne de la FDA qui a accepté ce médicament refuse régulièrement de nombreuses nouvelles demandes de mise sur le marché de médicaments imprimés en 3D parce qu'elles n'apportent pas d'amélioration suffisante par rapport à ce qui existe sur le marché. Pourquoi payer 20 fois plus cher pour avoir la même chose ? "

Avantages

Quelle application en officine ? " On peut imaginer, pour une composition déterminée, adapter le dosage au mg près. C'est un avantage primordial. Pareil pour l'hospitalier, on peut vraiment faire de la médecine personnalisée. C'est une plus-value pour les patients et pour la sécurité sociale. Les coûts pourraient diminuer de façon drastique si on pouvait faire des préparations magistrales par une impression 3D en diminuant progressivement les dosages, par exemple des benzodiazépines, des neuroleptiques etc ".

Cette technique offre également la possibilité d'individualiser les dosages tout en contrôlant la cinétique de libération du principe actif. " Pour la libération contrôlée, on est toujours limité par la forme sphérique mais, grâce à l'impression 3D, on peut jouer sur la macro-architecture, la forme de l'implant, son volume (en fonction des couches), et sur la micro-architecture : on peut imaginer faire des implants plus ou moins creux, passer de 5 % de remplissage à 95%".

Les avantages s'observent aussi au niveau industriel : actuellement, certaines techniques ne permettent pas de dépasser 20-30 % d'encapsulation. Cette technologie permettrait de dépasser ce plateau.

Solubilité

Autre avantage à l'actif de l'impression 3D : elle permet de travailler avec des molécules moins solubles. " On peut essayer de stabiliser ce que l'on appelle les formes amorphes, préciset-il. En les stabilisant, on augmente de façon artificielle leur solubilité. Stabiliser une forme amorphe c'est connu depuis longtemps, ce qui est neuf, c'est de pouvoir en faire une forme finie différente, avec des profils de libération différents, à partir de la même base de formulation ".

Enfin, cette technique résout les problèmes de déglutition. "Dans le cas du Spritam® où on pulvérise un liant liquide sur un lit de poudre contenant le principe actif, couche après couche, on obtient une structure ultraporeuse sous forme plus ou moins d'un comprimé, sauf qu'il n'y a pas d'étape de compression ".

C'est donc un avantage pour les personnes qui ont du mal à déglutir, mais aussi pour les études cliniques : " Adapter les dosages permettrait d'aller beaucoup plus vite dans les études précliniques, notamment sur les animaux. A l'instar des organoïdes imprimés en 3D qui peuvent servir d'outil d'évaluation : créer des embryons d'estomacs et tester des inhibiteurs de la pompe à protons, par exemple ".

" Bizarrement, observe le chercheur, très peu de personnes se sont lancées dans des études pharmacocinétiques, tout reste in vitro. J'attends une étude de pharmacocinétique qui démontre, noir sur blanc, l'avantage d'une formulation en 3D par rapport à une formulation traditionnelle. C'est crucial ".

Limites ?

" Le souci, admet-il, c'est que c'est très récent, tout le monde s'y intéresse, beaucoup font du fondamental parce qu'à l'heure actuelle, personne n'a encore osé s'attaquer à l'étape suivante, la production. Pourquoi ? Parce que cela reste un grand point d'interrogation : pourra-ton produire de façon industrielle à un coût raisonnable ? Ne faudrait-il pas revoir les règles de contrôle qualité pour la production en continu ? Y aura-t-il un marché ? Les systèmes politiques européen et belge suivront-il ? Je pense qu'ils ne se sont même pas encore posé la question ! ".

De même à l'officine : " Osera-t-on avoir des pharmacies témoins où on pourra implanter cette technique et commencer à faire des études de marché, des études de santé publique pour voir s'il y a un réel bénéfice ? J'ai pris contact avec l'APB qui est très intéressée pour développer un projet avec nous. Depuis 3 ans, c'est mon idée : essayer d'aider le pharmacien d'officine, pour qu'en appuyant sur un bouton, il puisse faire 60 comprimés (et non plus des gélules à remplir) avec une préparation magistrale ".

Jonathan Goole reste confiant, pour lui, ses projets actuels et ceux à venir sont industrialisables dans les 5 ans. " Nous avons de bons résultats avec le projet qui a commencé depuis 2016, il pourrait passer au stade de préproduction dans les deux ans. Tout dépend si l'industrie est intéressée... Et puis, il faudrait passer aux études précliniques et cliniques. Aujourd'hui, on peut espérer développer un produit viable, fonctionnel et potentiellement utilisable ".

Tout a commencé en août 2015, lorsque la FDA a autorisé la mise sur le marché d'un médicament un antiépileptique, le Spritam® (lévétiracetam), imprimé en 3D. " Depuis lors, les recherches en pharmacie ont vraiment explosé, précise Jonathan Goole (chargé de cours, ULB). J'avais déjà lu des articles sur ce sujet deux ans auparavant, mais au moment de l'enregistrement par la FDA, on a développé des contrats de recherche ici, à la faculté de Pharmacie. Il existait alors quatre technologies principales, dont une imprimante relativement chère. Nous avons commencé en achetant une imprimante abordable pour se faire la main ".Cette première imprimante fonctionne par dépôt de matière fondue ou FDM (Fused Deposition Modeling) : une bobine déroule un filament qui est fondu par une tête d'extrusion qui dépose le matériau couche par couche sur le plateau d'impression.Ensuite, le chercheur a obtenu un contrat de la Région wallonne, en collaboration avec une société pharmaceutique, pour développer la mise en forme d'une molécule brevetée. Il s'agit d'un projet de trois ans, avec un budget permettant d'acquérir une imprimante semi-industrielle. " Ainsi, nous avons pu utiliser deux techniques, la FDM que l'on pratiquait déjà et une autre à base d'extrusion à partir de seringue "." L'année dernière, poursuit-il, nous avons déposé un autre projet basé sur l'utilisation d'une technique d'impression 3D plus sophistiquée (35.000? plus frais de fonctionnement). Après, nous avons obtenu un projet plutôt fondamental (FNRS-FRIA), en partenariat avec l'Université de Mons, toujours avec la technique FDM, soit l'extrusion d'un polymère thermoplastique dans lequel on incorpore des principes actifs. On lui donne la géométrie que l'on veut et l'on peut doser différemment le médicament en fonction du nombre de couches que l'on dépose ".Reste qu'il ne suffit pas de faire joujou avec une imprimante 3D, Jonathan Goole insiste : " Il faut qu'il y ait une plus-value, sinon cela n'a pas d'intérêt. Il faut une innovation suffisante, comme par exemple pour le Spritam® où on peut mettre 1 g de principe actif dans un comprimé qui se désintègre dans la bouche en 4 secondes, alors qu'avec un comprimé conventionnel, cela prend plus d'1 minute. La personne de la FDA qui a accepté ce médicament refuse régulièrement de nombreuses nouvelles demandes de mise sur le marché de médicaments imprimés en 3D parce qu'elles n'apportent pas d'amélioration suffisante par rapport à ce qui existe sur le marché. Pourquoi payer 20 fois plus cher pour avoir la même chose ? "Quelle application en officine ? " On peut imaginer, pour une composition déterminée, adapter le dosage au mg près. C'est un avantage primordial. Pareil pour l'hospitalier, on peut vraiment faire de la médecine personnalisée. C'est une plus-value pour les patients et pour la sécurité sociale. Les coûts pourraient diminuer de façon drastique si on pouvait faire des préparations magistrales par une impression 3D en diminuant progressivement les dosages, par exemple des benzodiazépines, des neuroleptiques etc ".Cette technique offre également la possibilité d'individualiser les dosages tout en contrôlant la cinétique de libération du principe actif. " Pour la libération contrôlée, on est toujours limité par la forme sphérique mais, grâce à l'impression 3D, on peut jouer sur la macro-architecture, la forme de l'implant, son volume (en fonction des couches), et sur la micro-architecture : on peut imaginer faire des implants plus ou moins creux, passer de 5 % de remplissage à 95%".Les avantages s'observent aussi au niveau industriel : actuellement, certaines techniques ne permettent pas de dépasser 20-30 % d'encapsulation. Cette technologie permettrait de dépasser ce plateau.Autre avantage à l'actif de l'impression 3D : elle permet de travailler avec des molécules moins solubles. " On peut essayer de stabiliser ce que l'on appelle les formes amorphes, préciset-il. En les stabilisant, on augmente de façon artificielle leur solubilité. Stabiliser une forme amorphe c'est connu depuis longtemps, ce qui est neuf, c'est de pouvoir en faire une forme finie différente, avec des profils de libération différents, à partir de la même base de formulation ".Enfin, cette technique résout les problèmes de déglutition. "Dans le cas du Spritam® où on pulvérise un liant liquide sur un lit de poudre contenant le principe actif, couche après couche, on obtient une structure ultraporeuse sous forme plus ou moins d'un comprimé, sauf qu'il n'y a pas d'étape de compression ".C'est donc un avantage pour les personnes qui ont du mal à déglutir, mais aussi pour les études cliniques : " Adapter les dosages permettrait d'aller beaucoup plus vite dans les études précliniques, notamment sur les animaux. A l'instar des organoïdes imprimés en 3D qui peuvent servir d'outil d'évaluation : créer des embryons d'estomacs et tester des inhibiteurs de la pompe à protons, par exemple "." Bizarrement, observe le chercheur, très peu de personnes se sont lancées dans des études pharmacocinétiques, tout reste in vitro. J'attends une étude de pharmacocinétique qui démontre, noir sur blanc, l'avantage d'une formulation en 3D par rapport à une formulation traditionnelle. C'est crucial "." Le souci, admet-il, c'est que c'est très récent, tout le monde s'y intéresse, beaucoup font du fondamental parce qu'à l'heure actuelle, personne n'a encore osé s'attaquer à l'étape suivante, la production. Pourquoi ? Parce que cela reste un grand point d'interrogation : pourra-ton produire de façon industrielle à un coût raisonnable ? Ne faudrait-il pas revoir les règles de contrôle qualité pour la production en continu ? Y aura-t-il un marché ? Les systèmes politiques européen et belge suivront-il ? Je pense qu'ils ne se sont même pas encore posé la question ! ".De même à l'officine : " Osera-t-on avoir des pharmacies témoins où on pourra implanter cette technique et commencer à faire des études de marché, des études de santé publique pour voir s'il y a un réel bénéfice ? J'ai pris contact avec l'APB qui est très intéressée pour développer un projet avec nous. Depuis 3 ans, c'est mon idée : essayer d'aider le pharmacien d'officine, pour qu'en appuyant sur un bouton, il puisse faire 60 comprimés (et non plus des gélules à remplir) avec une préparation magistrale ".Jonathan Goole reste confiant, pour lui, ses projets actuels et ceux à venir sont industrialisables dans les 5 ans. " Nous avons de bons résultats avec le projet qui a commencé depuis 2016, il pourrait passer au stade de préproduction dans les deux ans. Tout dépend si l'industrie est intéressée... Et puis, il faudrait passer aux études précliniques et cliniques. Aujourd'hui, on peut espérer développer un produit viable, fonctionnel et potentiellement utilisable ".