Non, répond le projet pilote RADAR-heroin-23, mené par Sciensano et qui visait à fournir des informations sur la qualité de l'héroïne vendue au détail en Belgique: aucun échantillon analysé ne contenait un autre opioïde dangereux tel que le fentanyl.
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"La crise actuelle des opioïdes aux États-Unis suscite des inquiétudes quant à un éventuel déplacement de la problématique vers l'Europe. Simultanément, des intoxications sévères et des décès au Canada et en Australie ont, notamment, été attribués à la consommation d'héroïne coupée au fentanyl. Étant donné que l'héroïne est l'opioïde le plus fréquemment consommé en Europe, les informations sur la composition de l'héroïne vendue au détail sont primordiales. La présence d'adultérants, comme le fentanyl, pourrait représenter un risque pour la santé publique. Les connaissances relatives à la pureté des stupéfiants s'avèrent précieuses et devraient faire l'objet d'études régulières. Les statistiques actuelles, bien qu'utiles, n'offrent, cependant, pas une vision globale et représentative de l'héroïne vendue au détail. Le présent projet vise donc à fournir des informations actualisées sur l'héroïne vendue au détail en Belgique", explique l'auteure de l'étude, Margot Balcaen.Le projet RADAR-heroin-23 a été mené en collaboration avec trois organisations de prévention: Transit à Bruxelles, MSOC à Gand et Spuitenruil à Anvers, entre février et juin 2023. 128 consommateurs ont ainsi été recrutés et ont répondu à un questionnaire portant sur les facteurs sociodémographiques, le mode d'achat et le prix, ainsi que sur la consommation d'héroïne et la polyconsommation actuelles et le traitement. Les données relatives à l'héroïne vendue au détail ont un impact à plusieurs niveaux, précise la chercheuse:-En cas de risques éventuels pour la santé publique liés à la consommation d'héroïne vendue au détail, les mesures politiques doivent être adaptées en conséquence.-Les données relatives aux substances circulant sur le marché des drogues vendues au détail fournissent des informations précieuses permettant d'adapter l'analyse toxicologique et d'améliorer la qualité au sein des laboratoires d'analyses toxicologiques.-La possibilité d'informer les hôpitaux sur les substances en circulation, aide à la préparation de l'accueil des patients en état d'intoxication se présentant aux urgences.-Le fait de disposer d'informations en temps opportun sur le marché belge de la drogue, et plus particulièrement de l'héroïne, permet d'améliorer les opérations quotidiennes des services de réduction des risques visant à soutenir les consommateurs de drogue (PWUD). Résultats?Parmi les 128 sujets, 90% sont des hommes, 45% sont âgés de 40-49 ans, 43% sont sans emploi et pour 73%, le diplôme le plus haut était celui de l'enseignement secondaire. En plus de l'héroïne, les répondants ont consommé également de l'alcool (68%), du cannabis (65%), de la cocaïne en poudre (57%) et du crack (45%). 72% étaient en cours de traitement et 95% suivaient ou avaient déjà suivi un traitement à base d'agonistes opioïdes.Où se fournissent-ils? 81% par l'intermédiaire d'un dealer, approché en rue pour plus de 50% d'entre eux. La plupart (64%) la fume, mais ceux qui en prennent tous les jours, le font plutôt par injection (44%, vs 39% en fumant). On peut noter que 67% en sniffent 2 à 3 fois par semaine. La polyconsommation concerne 70%, la majorité (56%) mélangent héroïne et cocaïne (snowball). Combien de gramme achètent-ils et à quel prix? Un sur 3 achète 1g d'héroïne pour un prix médian de 20€/g (10 à 83€ max). 8% ont déclaré avoir ressenti des effets indésirables après consommation (nausée, effet plus fort que prévu ou plus faible...). Les données montrent que la pureté moyenne de l'héroïne tourne autour de 13% dans les trois villes. Concernant la pureté, 22% des échantillons contiennent de la codéine, de la morphine, de la 6-monoacétylmorphine, de la papavérine, de l'acétylcodéine, du bromazepam, de la kétamine et de la noscapine. L'acétaminophène et la caféine sont les additifs les plus courants de l'héroïne. Aucun échantillon ne contenait un autre opioïde dangereux tel que le fentanyl et la chercheuse n'a pas observé de relation claire entre la pureté et le prix de l'héroïne. "Miser sur des études impliquant directement des personnes qui consomment des drogues est à la base d'informations pertinentes sur le marché de la drogue et des substances en circulation", conclu Margot Balcaen.