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Si un médecin, dentiste ou pharmacien opte pour une entreprise unipersonnelle, il touche ses revenus en tant que personne physique. Il a la possibilité d'en déduire ses frais professionnels et ses cotisations sociales (plafonnées, mais néanmoins très élevées), le solde étant taxé à l'impôt des personnes physiques (IPP). Rémunération Si vous optez pour une pratique en société, c'est cette dernière qui percevra vos revenus bruts et pourra - au même titre qu'une personne physique - en déduire un certain nombre de frais. L'un des grands avantages est toutefois que vous pouvez choisir sous quelle forme vous souhaitez vous rétribuer en tant que chef d'entreprise. Une première possibilité est de vous verser, en tant que personne physique, un salaire qui sera taxé à l'IPP au titre de revenu professionnel. " Supposons que vos rentrées brutes s'élèvent à 100 euros et vos frais déductibles, à 40 euros. Vous serez donc taxé sur 60 euros ; si le taux d'imposition moyen est de 50 %, il vous en restera 30. Si vous travaillez en société, vos frais sont toujours de 40 euros ; si vous vous octroyez les 60 euros restants comme salaire, ceux-ci seront taxés à l'IPP et il en restera, là aussi, 30. Ce n'est donc pas intéressant. Lorsque vous créez votre société, il est donc important de vous demander de quoi vous avez " besoin ". Si un salaire de 40 euros vous suffit, il en restera 20 à la société, qui pourra les consacrer à d'autres fins. En outre, cela permet de limiter vos cotisations sociales ", calcule Johan Baetens. Rétribution alternative " Votre rémunération peut toutefois aussi prendre la forme d'un dividende ou d'une indemnité pour les fonds que vous avez prêtés à la société, et sur lesquels vous pourrez lui réclamer des intérêts ; ces rentrées seront taxées d'une manière différente (précompte mobilier). Une autre possibilité est de louer à votre société (une partie de) votre maison, en l'échange d'un loyer qui, là aussi, fera l'objet d'une forme de taxation différente. Mais revenons un instant au dividende et à ses avantages par rapport à un salaire. Votre société a donc 100 euros de rentrées et 40 euros de frais. Elle vous verse une rémunération égale à 20 euros et en conserve 40. Ces 40 euros sont un bénéfice imposable dans le chef de la société et seront, en tant que tel, taxés au taux de 34 %, soit environ 12 euros. Reste un dividende de 28 euros, taxé par le biais d'un précompte mobilier de 15 à 25 %, soit 7 euros dans le pire des cas. Il vous en restera donc 21, en sus du salaire qui, puisque son montant brut est moins élevé, sera aussi moins taxé. Combiner salaire et dividende peut donc être intéressant, certainement dans l'hypothèse ou la société est taxée au taux réduit progressif. Nous conseillons toutefois de combiner les deux, car si vous ne vous rétribuez que par le biais de dividendes, vous perdrez également le bénéfice d'un certain nombre de postes déductibles dans le cadre de l'IPP. En outre, bénéficier d'un salaire est intéressant pour la constitution d'une pension. "La pension " Une rétribution différée, sous la forme de cotisations de pension, sont une formule plus intéressante encore. Pour un indépendant, il n'existe qu'une seule forme d'épargne-pension fiscalement avantageuse : la pension libre complémentaire des indépendants (PLCI). Par contre, si vous passez en société, vous pourrez également vous constituer une pension en tant que dirigeant d'entreprise (engagement individuel de pension ou EIP) et la combiner avec une PLCI prélevée sur votre rémunération. Dans certaines limites, les primes de l'EIP sont fiscalement déductibles à 100 % pour l'entreprise, et la taxation finale est beaucoup plus intéressante que celle d'un salaire : environ 20 % au lieu de 50 % - voire environ 13,5 % si vous ne touchez le capital qu'après 65 ans. Nous recommandons toutefois toujours de prendre conseil auprès du comptable, du fiscaliste et de l'assureur. "Goodwill Une autre ficelle qui a été beaucoup exploitée dans le passé consiste à valoriser le goodwill en le vendant ou en le cédant à la société ; cette possibilité est toutefois devenue un peu moins intéressante aujourd'hui. " Supposez que vous soyez un jeune généraliste ; comme vous débutez votre activité, vous ne possédez pas de goodwill. Après un certain temps, votre pratique va toutefois acquérir une certaine valeur que vous souhaitez exploiter, ce qui implique pour vous la fin de votre activité en tant que personne physique et une plus-value de cessation sur le plan fiscal. Cette plus-value de cessation sur des actifs immobilisés immatériels est imposée au taux de 33 % (dans les limites de la règle dite du 4x4, soit 4 x la moyenne du bénéfice net des 4 années précédant la vente ; si le prix demandé est plus élevé, la différence sera taxée au taux marginal), sauf si la cessation intervient après 60 ans, le taux étant alors de 16,5 %. Autrefois, cette taxation n'était que de 16,5 % dans tous les cas et on pouvait parler de réel bénéfice. La formule n'en demeure pas moins potentiellement avantageuse : un généraliste de 45 ans qui ne possède pas de société risque, lorsqu'il prendra sa retraite à 65 ans, de ne plus pouvoir revendre sa patientèle. Si vous sautez le pas du passage en société en pleine carrière active, vous retirerez immédiatement les fruits de ce que vous avez construit. "Constitution de patrimoine Une société offre aussi des avantages en termes de constitution ou de transfert de patrimoine. " Par la constitution d'un patrimoine, on entend, outre celle d'une pension, le fait de laisser des bénéfices dans le giron de la société. Cette possibilité était autrefois moins intéressante, parce que les revenus mobiliers étaient alors simplement imposés au même titre que les autres. C'est d'ailleurs toujours le cas, mais cet inconvénient est aujourd'hui compensé par la possibilité de déduction pour capital à risque ou intérêts notionnels : si la société possède un important patrimoine propre, la base imposable peut être réduite d'un certain pourcentage de ce patrimoine propre. Dans les faits, cela signifie souvent que le produit des investissements est neutralisé par la déduction des intérêts notionnels ; il doit toutefois s'agir d'investissements productifs et non d'investissements de capitalisation. Un revenu minimal ? Y a-t-il un seuil de revenus minimal pour passer en société ? " Si votre revenu imposable ne dépasse pas 30-40.000 euros, vous n'en retirerez guère de bénéfices ; l'idéal est qu'il atteigne au moins 75.000, voire même 100.000 euros. Pour un médecin débutant, je ne le recommande pas, mais je ne le déconseille pas non plus. " Et un âge limite ? " Il faut que la société existe durant une période suffisamment longue, quelques années au moins ", conclut Johan Baetens. l