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Un livre blanc est très souvent rédigé à la demande de l'un ou l'autre gouvernement en place. Exception avec ce White Paper sur l'avenir du métier de pharmacien, paru en 2000 et rédigé sous la houlette de plusieurs associations professionnelles de pharmaciens, nombreuses au pays de l'oncle Sam. Il n'est par contre guère surprenant que cette publication ait choisi le passage au nouveau millénaire pour voir le jour, soit un moment charnière où les tentatives de prédiction de l'avenir sont généralement légion. Une nouvelle philosophie En 2000 déjà, il était clair que le businessmodel de la pharmacie de l'époque - soit le pharmacien considéré comme 'simple vendeur' de médicaments - allait connaitre un sérieux renversement, avec une approche davantage orientée sur le patient. Ce dernier allait ravir la vedette à la vente de médicaments, et plus particulièrement, les patients atteints de maladies chroniques. Plusieurs avis d'experts prévoyaient ainsi que cette nouvelle philosophie s'installerait progressivement d'ici 2010. Et l'un des auteurs de ce livre blanc avait également annoncé que cette transition ne serait pas une mince affaire et que le processus aurait encore sans doute besoin d'une décennie supplémentaire pour y intégrer l'ensemble des acteurs concernés. Mais, selon ces mêmes spécialistes, le pharmacien dépendait encore trop fortement des gouvernements et de l'industrie pharmaceutique que pour atteindre ce but, tant aux Etats-Unis qu'en Europe. Une formation inadaptée Les auteurs du livre blanc n'y allaient par contre pas vraiment avec le dos de la cuillère au niveau de l'avenir de la formation universitaire du pharmacien américain. En 2000, ils étaient d'avis que le cursus de pharmacie tel qu'enseigné depuis des décennies dans les universités du pays, n'était pas du tout adapté au profil de la profession. Dix ans plus tard, cette discussion fait plus que jamais rage dans la patrie d'Obama, soulevant quotidiennement son lot de critiques contre les facultés académiques américaines. En 2000, ce débat n'existait par contre pas (ou peu) au niveau européen (et belge). Aujourd'hui par contre, la demande d'une réforme importante de la formation universitaire se fait clairement sentir. Tout lecteur attentif aux résultats de la grande enquête du Pharmacien l'aura d'ailleurs remarqué : le pharmacien belge ne manifeste plus vraiment un enthousiasme débordant quant à la formation proposée par nos universités. Si des changements profonds et dynamiques sont certainement souhaitables, ils ne seront sans doute pas pour demain... " Health outcome "Toujours selon ces auteurs, le glissement vers un modèle orienté " patient " implique également que le health outcome - c'est-à-dire les bénéfices santé pour le patient obtenus grâce à la plus grande implication du pharmacien au niveau de son suivi thérapeutique - doit clairement pouvoir être démontré. Si ce phénomène était déjà difficilement chiffrable en 2000, il semble l'être tout autant dix ans plus tard. Le problème serait sans doute moins important s'il existait des études scientifiques validées capables de démontrer concrètement les effets d'une telle approche sur l'économie des soins de santé. Cette mise en garde lancée en 2000 par les experts américains n'a pourtant rencontré jusqu'à présent que fort peu d'attention. En 2010, la situation demeure ainsi quasi inchangée, excepté quelques petites études à échelle locale. Et au rang de responsables de ce statu quo, le livre blanc n'épargne pas les pharmaciens eux-mêmes. Aussi longtemps que ceux-ci ne prendront pas en main les études scientifiques, ils ne seront jamais considérés par les médecins, les autorités et l'industrie pharma comme des partenaires à part entière Une rémunération 'intellectuelle' Les pharmaciens tirent leurs revenus de la vente des médicaments et des préparations magistrales. En 2000, on pouvait déjà lire dans le livre blanc que ce modèle commercial allait probablement être complété à l'avenir par une rémunération saluant les 'prestations intellectuelles' des pharmaciens. Ces prestations ne seraient ainsi qu'une conséquence de la transition du modèle centré sur le patient, dans lequel le pharmacien serait rémunéré, d'une façon ou d'une autre, pour les conseils supplémentaires délivrés au patient. Les experts ne savaient toutefois pas vraiment comment ce changement allait concrètement prendre forme. Une inconnue encore plus forte aujourd'hui, tant aux USA qu'en Europe, même si notre pays a déjà fait un pas important dans la bonne direction. Montagne de papier Les médecins généralistes s'en plaignent depuis longtemps déjà. La montagne de charge administrative ne semble pourtant pas prête à diminuer, et ce, malgré la venue de l'ère électronique. En 2000, les auteurs du livre blanc interpellaient d'ailleurs les instances sanitaires américaines sur cette épineuse problématique. Dix ans plus tard, les pharmaciens doivent encore et toujours faire face à cette même marée de paperasseries en tous genres, temporisée seulement en partie par les logiciels informatiques. Outre-Atlantique, 40 % des pharmaciens indépendants avouent que c'est d'ailleurs la principale raison qui les pousse à revendre leur affaire aux chaînes officinales. Débarrassés d'une grande part de leur travail administratif, ils peuvent au final se concentrer sur leur tâche principale : l'encadrement du patient. A l'heure où la simplification administrative est sur toutes les lèvres, la boule de cristal ne semble pourtant pas annoncer un tassement futur de cette montagne de papier...