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Liège a une histoire intime avec l'hypnose, cette aventure est au coeur de l'ouvrage "150 ans d'hypnose à l'Université de Liège". Il met à l'honneur Joseph Delboeuf (1831-1896), précurseur, inspirateur et véritable défenseur de la liberté pour la pratique de l'hypnose. Formé à l'université de Liège en philosophie et lettres et ensuite en sciences physiques et mathématiques, il s'intéresse très tôt à l'hypnose et en fait un objet d'étude. "Il a eu dans sa pratique des intuitions et des innovations surprenantes pour l'époque, qui furent développées par d'autres dans la seconde moitié du XXe siècle: la transe hypnotique naturelle, entre veille et sommeil ; l'autosuggestion négative ; l'interaction entre hypnotisé et hypnotiseur", fait observer Yves Halfon, psychologue clinicien. En 1847, Delboeuf est invité par l'Académie Royale des Sciences de Belgique pour y faire une conférence sur les effets curatifs de l'hypnotisme. "L'histoire nous montre que l'annexion de l'hypnose par les médecins n'a pas contribué à son développement. Après la mort de Delboeuf, l'intérêt pour l'hypnose connaît une baisse considérable en partie à cause de l'exagération des manifestations publiques qui en faisaient le remède miracle à tous les maux, discréditant l'outil thérapeutique par la même occasion. (...) Ce n'est qu'après la 2e guerre mondiale que l'intérêt pour cette technique se diffuse à nouveau. À Liège, il faudra attendre 1990 pour que l'hypno-sédation soit réintroduite à l'hôpital par un médecin anesthésiste, Marie-Elizabeth Faymonville", précise la Pr Anne-Sophie Nyssen (psychologie ULiège). La Pr Faymonville, réelle pionnière de la redécouverte de l'hypnose chez nous, explique comment elle a été amenée à s'intéresser à cette technique au bloc opératoire de chirurgie maxillo-faciale et plastique et puis, comment elle s'est tournée vers les équipes explorant l'activité cérébrale par neuro-imagerie (Prs Pierre Maquet et Steven Laureys). "Ainsi est née une collaboration interdisciplinaire, win/win, qui a certainement participé à la reconnaissance d'une recherche fondamentale sur les mécanismes neurophysiologiques de l'hypnose au niveau international", souligne-t-elle. Aujourd'hui, l'hypnose trouve petit à petit sa place à l'hôpital qui l'intègre comme outil thérapeutique en chirurgie, algologie, maternité, oncologie, soins palliatifs... Depuis 1994, un cursus universitaire enseigne aux soignants les techniques d'hypnose et de soins. "La formation à l'hypnose permet l'apprentissage d'une communication centrée sur le patient et ses besoins. Elle nous donne des outils pour adopter une attitude thérapeutique bienveillante non seulement envers le patient, mais aussi envers soi-même", constatent les Prs Nyssen et Faymonville. "L'histoire de Delboeuf illustre bien les enjeux et les débats de nature politico-scientifique que suscite, aujourd'hui encore, l'hypnose tant au sein du grand public que dans les milieux scientifiques et professionnels. En 2018, le Conseil supérieur de la santé a élaboré un avis pour encadrer la pratique de l'hypnose et informer le public sur les indications, l'efficacité et les risques associés à son utilisation. Pour que le conflit entre 'légitimes' et 'non légitimes' qu'a connu Delboeuf à la fin de XIXe ne se reproduise pas au XXIe siècle, le CSS a pu compter sur les recherches pluridisciplinaires associant chercheurs et praticiens, à l'origine de cet ouvrage et de la reconnaissance de l'hypnose à l'université...", commente la Pr Nyssen.