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La Courtraisienne Salma Nachi et l'Overijsoise Gaëlle Maus se sont rencontrées à Louvain pendant leurs études de pharmacie. " Un hackathon est un événement au cours duquel plusieurs étudiants réfléchissent ensemble à un projet d'outil innovant... et par le plus grand des hasards, on nous a demandé justement à nous - deux étudiantes en pharmacie et Nikte, avec son bagage en ingénierie électromécanique - d'imaginer un système qui puisse s'utiliser à l'officine. C'est grâce à ce lien avec nos études et à la contribution technique de Nikte que nous avons pu imaginer CheckR (prononcé "Checker") ", expliquent-elles. Leur succès dans le Healthcare Heroes Hackaton et le KICK Challenge de la KULeuven a marqué le début d'une aventure hors du commun. Mais avant toute chose, à quoi sert exactement cet outil et d'où est venue l'idée? " Nous sommes parties du constat que, dans notre pays, l'identification des maladies et des risques qui y sont liés reste moins bien développée que dans d'autres États européens. Les Belges de 20 à 40 ans ne voient généralement pas leur médecin tous les ans, alors qu'ils poussent la porte d'une officine plusieurs fois par an. Du coup, pourquoi ne pas impliquer le pharmacien dans le dépistage des personnes à risque? " " Les officines disposent de prestataires de soins formés et qualifiés, mais ceux-ci ne disposent malheureusement pas toujours de données (de santé) suffisantes au sujet de leurs clients, sans compter qu'ils n'ont pas toujours le temps de les examiner. S'ils pouvaient s'appuyer sur un outil capable de récolter facilement une série de paramètres de base, comme la tension, le rythme cardiaque, etc., ils pourraient jouer pleinement leur rôle de prestataires de première ligne et inciter si nécessaire les patients à se rendre chez leur médecin pour des examens plus poussés et un diagnostic. " Salma Nachi enchaîne: " Notre objectif est surtout de susciter une prise de conscience et de réduire ces risques de santé au minimum. " Et concrètement, comment se présente le concept? " Nous avons conçu CheckR comme un outil de réalité virtuelle. Le patient met le casque et, tandis qu'il joue un jeu, celui-ci mesure une série de paramètres de santé. Nous espérons finaliser le prototype ces jours-ci pour commencer à le tester dans la pratique, mais réfléchissons aussi à une appli pour générer des données sur les habitudes alimentaires, le sommeil, le tabagisme, la consommation d'alcool... ", explique Gaëlle Maus. Pour l'heure, CheckR est encore un concept en plein développement. Ses créatrices se sentent-elles déjà une âme de femmes d'affaires? " Je dirais en tout cas que nous avons envie d'entreprendre. Nous espérions sans doute que le projet serait déjà plus avancé à ce point dans le temps, mais nos agendas bien remplis nous freinent un peu dans notre élan ", concède Salma Nachi. " À ce stade, je pense que cela reste plutôt un hobby ", ajoute Gaëlle. " Nous avons toutes les deux notre travail/nos études, mais nous avons tout de même une réunion CheckR tous les lundis. Et nous avons déjà beaucoup tant appris en termes de focus, d'élaboration d'un plan d'entreprise, etc. " " Pour nous, ce projet est de toute façon tout bénéfice et il nous a permis d'élargir énormément notre réseau. " Au cours des derniers mois, les deux jeunes femmes ont en effet eu l'occasion de rencontrer une foule de pharmaciens, de médecins et de directeurs d'unités de recherche pour discuter des moyens de donner forme à leur idée lauréate et de faire de CheckR un projet réussi et économiquement viable. " Le problème, c'est un peu que tout le monde soulève des aspects différents et exprime une autre vision. Cela dit, c'est aussi ce qui permet à notre projet d'évoluer. " L'idée de départ (mesure du rythme cardiaque, de la motricité, de la tension, etc. à l'aide de capteurs) s'est avérée passablement complexe à mettre en oeuvre, notamment pour des raisons liées au respect de la vie privée. " Nous pourrions peut-être adapter les jeux à différents groupes d'âge et proposer par exemple des activités plus calmes pour les personnes âgées. En définitive, le but reste de réaliser une évaluation de la santé et de détecter à temps des problèmes tels que l'hypertension ou les troubles cardiaques. Un autre point très important est que nous mettons l'accent sur l'inclusivité, puisque nous visons l'ensemble de la population. Un de nos interlocuteurs nous a même suggéré de ne pas limiter la collecte de données aux officines, mais de l'élargir à d'autres lieux publics ", explique Salma Nachi. " Et comme nous voulons toucher un public le plus large possible, pourquoi ne pas fonctionner avec des codes QR? ", enchaîne Gaëlle Maus. Elles espèrent pouvoir prochainement lancer une phase de test et des essais cliniques avec leur casque prototype... et elles sont d'ores et déjà en contact avec des pharmaciens ouverts à ce genre d'idée innovante. En ce qui concerne leur carrière future, les deux jeunes diplômées s'orientent pourtant plutôt vers le développement de médicaments que vers le travail à l'officine. " C'est à cela que notre formation nous a préparées. De nos jours, quand on fait des études de sciences pharmaceutiques, il faut choisir entre les deux filières, développement de médicaments ou soins pharmaceutiques (cette dernière étant celle qui mène à l'officine). Nous avons toutes les deux choisi la première. " " Je travaille actuellement chez Pfizer, au département Market Access ", précise encore Salma Nachi. " Nous nous chargeons de la mise sur le marché des médicaments récemment développés, d'obtenir le remboursement, etc. J'avais déjà fait mon stage dans l'entreprise, et c'est ainsi que j'ai décroché ce poste. Je trouve que c'est un boulot passionnant, mais il me reste tant à apprendre! " Et pourquoi s'est-elle orientée vers la pharmacie? " J'ai toujours été passionnée par la médecine et les médicaments. J'ai finalement choisi la pharmacie parce que ce sont ces derniers qui permettent de guérir les patients et que j'avais envie d'y apporter ma petite pierre. " Passionnée de biologie et de chimie, Gaëlle Maus aussi a trouvé son bonheur dans ses études. " Entre-temps, j'ai fait une année d'études en coopération internationale et relations nord-sud, avec un stage en Ouganda, et je voudrais encore suivre une formation à l'Institut de Médecine Tropicale à Anvers. J'avais envie de découvrir la face ONG de l'histoire: faciliter l'accès des médicaments au marché, mais aussi le lien avec la malnutrition, la dispensation de repas thérapeutiques - bref, tout ce travail de terrain extraordinairement enrichissant. "