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La littératie en santé est définie comme la motivation et les compétences pour rechercher, comprendre et évaluer des informations sur la santé. Or, plusieurs études ont montré qu'une partie importante de la population manque cruellement de ces compétences et est confrontée à des informations qu'elle ne peut pas appliquer à sa situation personnelle.Afin d'aider le secteur de la santé à améliorer cette compétence auprès des Belges, MSD a lancé la seconde édition du concours HealthNest 1 : jusqu'au 22 décembre, les projets de littératie en santé peuvent être déposés. Les 3 finalistes gagneront un coaching pour développer leur idée. Seize partenaires soutiennent ce projet dont l'APB, l'Ophaco, la SSMG, la Ligue cardiologique belge, la Fondation contre le cancer...C'est le Pr Stephan Van den Broucke (psychologie, UCLouvain) qui préside le jury HealthNest : " Je m'intéresse à la littératie santé depuis une dizaine d'années. À l'époque, j'étais professeur adjoint à l'université de Maastricht où j'étais en charge d'un projet visant à mesurer le niveau de littératie en santé en Europe. Il s'agissait d'un projet financé par la Commission européenne, ce qui montre que des chercheurs et décideurs politiques européens commençaient à s'intéresser au sujet. Mais pas encore la Belgique qui ne participait pas à cette enquête. Grâce au Health Literacy Award lancé quelques années plus tard, l'intérêt a commencé à croître dans notre pays aussi. "" HealthNest n'est pas seulement un moyen parfait pour augmenter l'intérêt pour le sujet, mais aussi pour améliorer la pratique. Aujourd'hui, on sait mieux comment mesurer et identifier les personnes à faible niveau de littératie en santé, mais pas encore très bien comment l'améliorer. Il est temps de passer aux interventions. C'est justement l'objectif de HealthNest. "Le concept de littératie en santé n'est pas neuf, il existe déjà depuis les années 70-80. " La découverte tardive du concept par la politique est due au fait que son usage était davantage limité au monde anglo-saxon et il était limité aux soins de santé où il s'agissait surtout de pouvoir comprendre le médecin. À l'heure actuelle, c'est devenu beaucoup plus large, cela concerne aussi la santé publique et dépasse donc le dialogue patient-médecin ", précise-t-il.L'arrivée de l'Internet et des médias sociaux a également joué un rôle. " Avant, il était difficile d'avoir accès à l'information sur la santé, il fallait consulter un médecin, prendre un rendez-vous etc. Aujourd'hui, l'information est beaucoup plus facilement disponible, il y en a presque trop. Par conséquent, ce qui est devenu bien plus important, c'est la compétence pour distinguer les informations fiables des non fiables. C'est un autre type de compétence qui prend la priorité. "Par ailleurs, le citoyen est de plus en plus impliqué dans les décisions concernant sa santé, ce qui suppose d'avoir des compétences et ce qui rend la littératie en santé d'autant plus essentielle. Sans oublier que nous vivons dans une époque confrontée à la diffusion large et rapide d'informations incorrectes, faisant par exemple le lit de l'hésitation vaccinale. " Il est devenu plus important d'avoir des compétences pas seulement pour trouver des informations, mais aussi pour les comprendre et avoir un recul critique. C'est un défi pour tout le monde, pas que pour les patients."Certaines choses dans les soins de santé peuvent être améliorées et commencent à l'être, comme l'identification d'un manque de compréhension des informations données en consultation ou en pharmacie. " En Belgique, comme en Europe ", indique Stephan Van den Broucke, " 40% de la population a du mal à comprendre ce qu'on lui explique et 10% ont vraiment des compétences en santé inadéquates. Ce n'est pas un problème anodin, il faut identifier ces personnes et ensuite adapter la communication, la simplifier et vérifier si les informations ont été bien comprises. "" Pour l'instant, la responsabilité de relever ce défi incombe souvent au médecin ou au pharmacien, qui ne dispose pas toujours de la formation adéquate ni des outils nécessaires. Il faudrait donc inclure l'attention aux compétences des patients dans la formation des professionnels de la santé et leur donner des outils et techniques pour la prendre en charge. On pourrait envisager que cela devienne un critère dans le système d'accréditation. Il y a des interventions ponctuelles dans certains cours : en tant que professeur en psychologie de la santé, je donne par exemple des parties de cours consacrées à la littératie en santé dans la formation de base des psychologues et en santé publique, ainsi que dans des programmes de formation continue de médecins et pharmaciens. Mais il n'y a pas encore une vision stratégique pour inclure la littératie en santé dans la formation ".À l'heure où Dr Google devient de plus en plus une source additionnelle voire principale d'informations médicales, les professionnels de santé ne peuvent pas rivaliser, ils doivent apprendre à jouer le rôle de 'coach' auprès des patients dans leur gestion de l'information et la prise de décision.En parallèle, il s'agit aussi d'améliorer les compétences en santé dans la population, en investissant dans l'éducation santé et des patients, à l'école et dans des groupes spécifiques (personnes âgées, migrants, malades chroniques...).Ces dernières années, les Health Literacy Awards ont donné des exemples d'intervention qui ont amélioré la compréhension de l'information par la communauté et ses interactions avec les professionnels de la santé : " Parfois, ce sont des choses très simples, comme des pictogrammes utilisés en pharmacie pour expliquer aux patients qui ne comprennent pas le français ou le néerlandais 2. Un autre exemple est la création de cours en ligne pour apprendre aux diabétiques à trouver des informations et à les évaluer pour gérer leur affection. "" Il y a donc une reconnaissance croissante dans le milieu académique et politique, et de plus en plus de professionnels en santé commencent à se rendre compte qu'il faut intervenir sur ce problème. Reste encore la question de savoir quelles sont les démarches les plus efficaces pour améliorer le niveau de littératie en santé et pour en tenir compte dans les consultations et les soins de santé ? HealthNest peut aider à développer et tester des projets intéressants, en vue d'interventions plus efficaces pour lutter contre le défi d'une faible littératie en santé ", conclut le Pr Van den Broucke.