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Se protéger des rayons ultraviolets (UV) est important tout au long de l'année. Or, les Belges y font attention quand ils sont à l'étranger et lorsqu'ils prennent un bain de soleil, mais beaucoup moins quand ils font du sport à l'extérieur ou quand ils vont au jardin... C'est ce que montre une étude réalisée par Ipsos en 2019* pour la Fondation contre le cancer "Lors d'activités de plein air, seuls 44% des personnes interrogées déclarent porter un chapeau de soleil ou une casquette, 51% disent qu'elles protègent les parties du corps non couvertes (bras, jambes, cou...) et 42% appliquent de la crème toutes les 2 heures. Ces chiffres baissent chaque année! Il est donc grand temps de sensibiliser encore plus le public", estime la Fondation. L'officine pourrait être un lieu privilégié pour parler de ce sujet aux patients. C'est la question qu'a étudiée Clara Gobert dans son mémoire en pratique officinale, intitulé "Conception et test d'une animation ludique à l'officine au sujet de la prévention et du dépistage du mélanome". Diplômée en août dernier, elle travaille aujourd'hui comme pharmacienne dans une officine à Sprimont. "C'est la promotrice de mon mémoire, Geneviève Philippe (département de Pharmacie, ULiège), qui m'a suggéré des idées. On s'est tout de suite mises d'accord sur le thème du mélanome parce qu'on peut parler de prévention et de dépistage assez facilement en officine, par exemple quand des personnes achètent des crèmes solaires. Des pharmaciens m'ont également expliqué que des gens viennent montrer leurs points de beauté et posent régulièrement des questions sur cette thématique". L'étudiante s'est alors lancée dans la création d'un jeu de cartes permettant d'aborder les facteurs de risques, la prévention et le dépistage du mélanome au comptoir. Pour concevoir cette animation, elle a fait une recherche sur le mélanome dans la littérature et sur des sites comme cancer.be. "En Belgique, je n'ai pas retrouvé grand-chose de semblable. Dans le monde, j'ai trouvé des études expliquant par exemple comment le pharmacien peut introduire la discussion sur ce sujet-là, mais rien sur une telle intervention". Le jeu de cartes a ensuite été mis au point en gardant à l'esprit qu'il fallait être compréhensible par tous et qu'il devait être assez rapide à faire au comptoir (5-10 minutes). Un mode d'emploi pour les pharmaciens accompagne le jeu, il reprend une information qui a été validée par le service de médecine générale du CHU de Liège. Ensuite, Clara Gobert a testé son jeu dans 10 pharmacies, sur un total de 110 patients. Lors de la première phase, les patients doivent repérer les images qui représentent les facteurs de risque de mélanome. "On entame la discussion à partir de ce que le patient connaît et on puis évolue vers l'éducation thérapeutique. Par exemple, beaucoup savaient que les cabines de bronzage sont un facteur de risque, par contre, peu savaient que la présence de mélanome dans leur famille pouvait aussi en être un", indique-t-elle. Ensuite, le patient est mis en situation: "Il fait beau, vous êtes invité à un picnic, que mettez-vous en place pour vous protéger?" "Ici aussi, en fonction des réponses, on leur a expliqué la meilleure attitude à avoir". Enfin, dans la troisième phase, il est demandé au patient ce qu'il fait s'il découvre un point de beauté qui paraît bizarre: "je cours aux urgences" ou "je ne fais rien, je ne suis pas à un point de beauté près". "C'est le moment de leur expliquer qu'il faut prendre rendez-vous soit chez son médecin traitant, soit chez un dermatologue. En précisant que plus c'est détecté à temps, moins il y a de chances de voir des métastases". Lors de la phase de test en officine, le jeu a été proposé par Clara Gobert à tout le monde et, à la fin, un petit questionnaire de satisfaction permettait de noter l'âge et le sexe des participants, s'ils avaient une formation dans le domaine de la santé... Peu ont refusé l'expérience, si ce n'est ceux pris par le temps. Finalement, le jeu a-t-il montré si les patients maîtrisent le sujet? "Pour la première question, les résultats étaient assez bons parce qu'ils avaient les images devant eux pour réfléchir. Mais, pour la deuxième question où ils devaient trouver eux-mêmes comment se protéger du soleil, il était assez rare qu'ils sachent exactement ce qu'il faut faire". Ce jeu a été bien accepté par les patients et par les pharmaciens. "Les patients sont très satisfaits et trouvent que ce jeu a sa place en officine. Ainsi, à la question de savoir si cela leur a permis de prendre conscience de ce problème, sur une échelle de 1 à 5, on est à 4,7 en moyenne", se réjouit-elle. Les pharmaciens aussi se sont montrés très positifs: "Ils ont reconnu que c'était facilement réalisable au comptoir parce que c'est très visuel, que le vocabulaire est adapté, que cela donne un climat agréable dans l'officine. Cependant, ils pensent qu'il est plus facile de faire appel à une personne extérieure qui connaît bien le sujet, plutôt que de le faire eux-mêmes à la fin d'une entrevue qui n'a peut-être rien à voir avec le soleil. Les moins enthousiastes évoquent plutôt le fait qu'ils ont peu l'occasion de parler de dépistage et de prévention". Au rang des points faibles, Clara Gobert pointe la durée de l'évaluation: "Elle n'a pas été exactement évaluée, ce qui peut faire peur à certains pharmaciens redoutant que cela ne prenne trop de temps. Et on n'a pas du tout pensé au public d'origine africaine, alors qu'on avait mis l'accent sur les phototypes... Il faudrait donc revoir le jeu pour s'adapter vraiment à tous les publics rencontrés". Quoiqu'il en soit, pour la jeune pharmacienne, cette expérience est une réussite parce que les patients sont ressortis en disant qu'ils avaient appris quelque chose et qu'ils se rendaient mieux compte de l'importance du dépistage et de la prévention. "Pour nous, c'est l'essentiel!". Ce type de service est-il envisageable en pratique quotidienne? "A présent que je travaille, je me rends bien compte qu'il peut être compliqué d'introduire ce genre d'intervention, surtout un jeu. Comme me l'ont suggéré des pharmaciens, c'est bien de le faire sous forme d'une animation d'une journée ou d'une demi-journée. Je pense que c'est plus réalisable de cette façon", estime Clara Gobert qui espère malgré tout que son travail sera repris par un autre étudiant pour y apporter des améliorations.*cancer.be