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En tant que pharmacien, notre rôle est d'attirer l'attention du patient sur les conséquences que peuvent avoir certaines traditions sur la santé et sur la nécessité d'adapter son traitement afin de pouvoir tout concilier.Théoriquement, les jeunes enfants, les femmes enceintes, allaitantes ou en période de menstruations, les voyageurs et les malades sont dispensés du jeûne. Il existe cependant des différences suivant les autorités religieuses et certaines personnes choisissent d'observer strictement le jeûne.En cas de grossesse, certaines études démontrent que le poids des nouveau-nés issus de femmes ayant jeûné est plus faible et le risque de mortalité néonatale plus élevé, mais toutes n'arrivent pas à ces conclusions. En revanche, en ce qui concerne l'allaitement, il est démontré que le jeûne modifie défavorablement et de façon importante la qualité du lait maternel.De façon générale, on évitera tout médicament contenant de l'alcool dans ses excipients. On privilégiera les formes galéniques qui permettent 1 ou 2 prises par jour telles que les formes retard ou certaines molécules au sein d'une catégorie de médicament. Par exemple, pour un traitement anti-inflammatoire, on préférera le piroxicam qui se prend en prise unique à l'ibuprofène qui se prend en 3 à 4 prises.Si un médicament doit être pris à jeun, on l'absorbera le soir à la rupture du jeûne et s'il y a deux prises, le matin avant le deuxième repas. Il faudra alors être attentif à faire 2 repas distincts de façon à prendre la deuxième dose au moins 2 à 3 heures après le premier repas et 1/2 heure avant le deuxième. Attention également, si on décale les prises de ne pas utiliser des médicaments qui peuvent altérer la qualité du sommeil, comme les diurétiques par exemple. Enfin, si c'est possible, remplacer les médicaments per os par d'autres voies d'administration peut aider à solutionner le problème.Toutefois, il faut aussi absorber les médicaments au bon moment. Le jeûne diurne n'entraîne aucun changement pour les patients n'ayant qu'un médicament à prendre le soir. Mais avaler le soir un comprimé, pris habituellement le matin ou dans la journée, peut présenter des risques, car l'efficacité et la toxicité de nombreux produits dépendent de l'heure à laquelle ils sont administrés, en fonction des rythmes biologiques.Mal utiliser les médicaments peut conduire à des échecs thérapeutiques. Ainsi, une étude effectuée en 2001 à Téhéran a révélé un nombre de crises d'épilepsie important pendant le mois du ramadan (27 crises pour 124 sujets épileptiques dont 20 n'avaient pris aucun médicament entre le lever et le coucher du soleil). Le jeûne peut également poser des problèmes chez les personnes qui prennent des médicaments dont la marge thérapeutique-toxique est étroite.En outre, la déshydratation est un risque chez les patients fragiles, surtout si le ramadan a lieu pendant les mois d'été. Qu'ils soient insuffisants rénaux, diabétiques, ou même non diabétiques, âgés, insuffisants respiratoires... Toutes ces personnes tolèrent mal la déshydratation.DiabèteEn principe, le jeûne est déconseillé aux patients diabétiques surtout chez ceux de type 1, les diabètes instables ou mal contrôlés et chez les femmes enceintes souffrant de diabète.En cas de jeûne, il faut multiplier les contrôles de glycémie, aussi bien de jour que de nuit, et adapter les traitements en fonction de la glycémie et de l'horaire des principaux repas nocturnes. On trouve des recommandations qui préconisent d'inverser les doses d'insuline du matin et du soir et/ou de les adapter en fonction des différents repas pris la nuit, quitte à changer le type d'insuline. A discuter avec l'endocrinologue.Pour les traitements oraux, la metformine est à privilégier car elle ne provoque pas d'hypoglycémie et on peut passer à 2 prises par jour plutôt que 3. De même, les glitazones, les gliptines et les incrétinomimétiques peuvent être utilisés aux mêmes doses car le risque d'hypoglycémie est faible. Par contre, il est préférable d'éviter les médicaments présentant un risque d'hypoglycémie tels que les sulfamides hypoglycémiants et les glinides. Si on les choisit quand même, il est parfois judicieux de diminuer temporairement les doses de moitié.Et enfin, les glifozines ne sont pas recommandées en raison du risque d'acidose et de déshydratation.HypertensionJeûne et hypertension nécessitent de toute façon une surveillance médicale et, ici aussi, la préférence sera donnée aux traitements en 1 seule prise quotidienne. Peu d'études existent sur l'influence du jeûne du ramadan sur la tension artérielle. Cependant, une étude marocaine conclut que dans l'hypertension artérielle légère, le jeûne n'entraîne que des répercussions négatives minimes sur la tension artérielle des hypertendus stables sous traitement et l'heure d'ingestion du médicament serait indifférente.Un autre risque lié au jeûne et à la déshydratation qu'il entraîne est l'hémoconcentration qui est importante pour les hypertendus. Ceci rend très complexe la gestion des traitements chez ces malades et a fortiori chez ceux qui ont plusieurs pathologies.D'un autre point de vue, les modifications du mode de vie liées au ramadan et la remise en cause de certaines habitudes alimentaires peuvent avoir des effets positifs si c'est l'occasion d'avoir une alimentation plus saine. A contrario, le stress et un régime alimentaire non surveillé et trop salé auront des effets négatifs. Plusieurs études ont été effectuées sur le régime alimentaire des pratiquants pendant le ramadan mais les résultats varient énormément en fonction des conditions géographiques et socio-économiques.Ulcère gastro-intestinalLe jeûne est mal toléré chez les patients atteints de cette pathologie et ils souffrent fréquemment de nausées et vomissements pendant cette période. En outre, les risques de perforation en cas d'ulcère gastrointestinal sont accrus, il faudra donc que ces patients soient particulièrement attentifs à bien répartir les repas, le mieux étant de diviser la prise alimentaire entre 2 repas équilibrés et d'éviter les grignotages.Il est évident que dans certaines pathologies ou chez certains patients, un jeûne tel que celui du ramadan est déconseillé d'un point de vue strictement médical et, en cas de divergence, le pratiquant devra se poser la question de savoir s'il suit l'avis de son médecin ou de son imam.