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Un article publié le 3 mai dans Circulation Research mentionne l'existence de dommages cardiaques chez 20 à 30% des patients hospitalisés avec une infection sévère à Covid-19, et cette atteinte contribuerait au décès d'environ la moitié des patients gravement malades.1 À l'heure actuelle, personne ne semble toutefois en mesure de dresser un tableau clair des facteurs qui déterminent ce risque. La situation est donc extrêmement complexe, ne fût-ce que parce que les patients Covid gravement malades forment un groupe hétérogène composé aussi bien de personnes en apparente bonne santé que de sujets porteuses de maladies chroniques préexistantes. L'hypoxémie et l'inflammation chronique liée au choc cytokinique peuvent mettre le coeur sous pression, en particulier lorsqu'il est déjà fragilisé. Dans certains cas, le Covid-19 semble toutefois aussi provoquer chez des patients sans antécédents cardiaques et atteints d'un syndrome respiratoire relativement bénin un tableau évoquant un infarctus, avec des taux accrus de biomarqueurs. Un rapport de cas publié dans The Lancet décrit par exemple un patient avec un tableau clinique d'infarctus, sans anomalies coronariennes à la coronarographie mais chez qui la scintigraphie suggère une myocardite2. L'autopsie a permis de retrouver des infiltrats inflammatoires dans le muscle cardiaque de patients victimes d'une myocardite ; pour l'heure, on ne dispose toutefois d'aucune preuve de la présence éventuelle du SARS-CoV dans les cardiomyocytes1. Le virus a par contre bien été retrouvé dans les cellules de l'endothélium vasculaire, avec survenue d'une inflammation. Ceci peut déboucher sur une dysfonction endothéliale, une anomalie qui s'accompagne d'une vasoconstriction et de dommages organiques ischémiques. Les dommages endothéliaux peuvent également accroître le risque de formation de caillots. Ce dernier point aussi retient de plus en plus l'attention des chercheurs. L'hypercoagulation et la formation de caillots se profilent en effet comme un aspect important de la maladie, des thrombi étant retrouvés dans les vaisseaux pulmonaires mais aussi ailleurs dans l'organisme. Dans une série de 184 patients hospitalisés aux soins intensifs, on dénombrait 31 % de complications thrombotiques - tantôt des thromboses veineuses profondes avec embolies pulmonaires, tantôt des caillots artériels3. Il semble que le rein aussi soit une cible préférentielle du SARS-CoV-24. Des rapports encore non publiés en provenance de Chine évoquent ainsi un pourcentage important de patients Covid gravement atteints présentant une insuffisance rénale aiguë ou même une protéinurie et des traces de sang dans les urines. L'insuffisance rénale aiguë ferait grimper le risque de décès d'un facteur quatre. Les dommages rénaux peuvent s'expliquer par une forte expression, au niveau du rein, du récepteur ACE2 nécessaire à la pénétration du virus dans les cellules. Un rapport basé sur des résultats d'autopsie a effectivement fait état de la présence de particules virales dans les cellules du rein chez plusieurs patients décédés. Il faut toutefois tenir compte du fait que d'autres facteurs peuvent également être à l'origine de dommages rénaux, comme par exemple la respiration artificielle, les antiviraux et les taux élevés de cytokines circulantes en cas de choc cytokinique. Une atteinte du cerveau a également été décrite 4, avec des cas d'encéphalite avec convulsions et/ou perte de connaissance. Là encore se pose la question du mécanisme sous-jacent. Les cytokines sont une cause possible d'inflammation cérébrale, mais on sait également que le SARS-CoV-1 - responsable de l'épidémie de 2002 - était capable de s'insinuer dans les neurones et de provoquer une encéphalite. L' International Journal of Infectious Diseases rapporte le cas d'un patient atteint d'une infection à Covid-19 et d'une encéphalite, chez qui le SARS-CoV-2 a été retrouvé dans le liquide cérébrospinal, ce qui donne à penser que le virus pourrait effectivement infecter le cerveau. On a également évoqué un rôle de l'atteinte inflammatoire et/ou infectieuse du système nerveux central dans l'anosmie fréquemment observée chez les patients infectés par le SARS-CoV-2. Une possible composante digestive a été évoquée dès le début de l'épidémie en Chine. De l'ARN viral a été retrouvé dans les selles d'environ 50 % des patients Covid-19 testés5 et, dans des séries de cas, jusqu'à un cinquième des malades semblent souffrir de diarrhées. On ignore toutefois encore si l'infection peut aussi se transmettre par les selles ; un risque de contamination n'existe en effet qu'en cas de transmission non seulement de l'ARN viral, mais du virus proprement dit. Soulignons encore que cette liste n'est pas exhaustive. Des dommages hépatiques, notamment, ont également été décrits chez certains patients Covid-19... mais ils sont vraisemblablement provoqués par les cytokines plutôt que par l'infection virale proprement dite.1. Circulation Research 2020 2. Lancet 2020 3. Thrombosis Research 2020 4. Science - How does coronavirus kill?5. International Journal of Infectious Diseases 2020