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Elle m'accueille dans sa bucolique commune de Thieulain, nichée au coeur des collines et des champs du Hainaut à un jet de pierre de Leuze. "J'ai beau être originaire de Gand, lorsque je dois m'y rendre, je suis parfois envahie par une sensation de claustrophobie. La Flandre est chère et urbanisée jusque dans ses moindres recoins. En venant nous installer ici, nous avons fait le choix du calme et de l'espace." De l'espace pour jardiner, par exemple, mais aussi pour travailler à son oeuvre artistique. Partout dans sa maison, je découvre des dessins, tableaux ou sculptures qui font souvent intervenir des éléments naturels. "J'ai par exemple incorporé du cristal de roche à un autoportrait, mais il m'arrive aussi d'utiliser des racines ou des branches ou j'installe des figurines en pâte de bois. Si vous écoutez bien, vous pouvez entendre les petites bêtes qui les rongent. À terme, ces oeuvres sont donc vouées à disparaître." Son alter ego artistique Brigid Letor, elle, est en pleine forme. "J'ai déjà eu l'occasion d'exposer plusieurs fois, mais plutôt au niveau local ou régional - lors d'une journée jardins ouverts, par exemple, ce qui crée toujours la surprise. C'est vraiment sympa." Cela dit, elle était tout de même artiste à la base? "En effet, j'ai commencé par suivre une formation en arts audiovisuels et j'ai travaillé quelque temps dans un studio d'animation au Luxembourg... jusqu'à ce que la nature, mon premier amour, ne me pousse à me réorienter vers la pharmacie." "La nature dans tous ses aspects m'a toujours passionnée. En tant qu'herboriste, je m'intéressais par exemple beaucoup aux simples ; c'est ainsi que j'ai finalement découvert la pharmacie. J'ai commencé mes études dans ce domaine à 29 ans, avec la vague idée de trouver une interface avec mon intérêt pour la nature. J'ai été engagée comme pharmacienne adjointe à l'officine de Herne, où j'ai passé sept années riches d'enseignements... mais qui m'ont aussi fait prendre conscience qu'il y a tant d'occasions ratées." L'ex-pharmacienne a des opinions bien tranchées à ce sujet. "Quand je vois qu'en Orient, le rôle du médecin est vraiment de garder ses patients en bonne santé plutôt que de les soigner quand ils sont malades, je me dis que nous avons beaucoup à en apprendre. Et quand je vois combien de médicaments - et en particulier de calmants et de somnifères - nous consommons, je peux vous dire que nous sommes en train de faire fausse route. Pour moi, mon rôle à l'officine était avant tout celui d'une conseillère et je prenais volontiers le temps de faire un travail de prévention. Une telle approche doit toutefois pouvoir bénéficier du soutien des autorités et, à l'heure actuelle, les pharmaciens ne sont absolument pas rémunérés pour leurs efforts de prévention ou de coaching. Cela ne rapporte rien! C'était ma grande frustration: les pharmaciens devraient, comme les médecins, être rémunérés pour leurs connaissances et mobilisés pour aider les gens à rester en bonne santé. Mais bon, une simple pilule, c'est parfois aussi une solution de facilité." Brigitte Martens souligne que sa vision de la santé est indissociable du regard qu'elle pose sur notre mode de production et de consommation alimentaire et sur de nombreux autres aspects de notre mode de vie. "À l'officine, j'ai appris à écouter. De plus en plus de gens sentent que nous sommes sur la mauvaise pente et, lorsqu'on fait un pas vers l'extérieur pour proposer par exemple des cours de permaculture ou de fabrication du pain, on voit que cela répond à un réel besoin. Au niveau de notre commune, je suis membre de groupes de réflexion sur la réduction des déchets, la recyclage, le circuit court, les voies lentes - autant de facteurs qui relèvent d'une autre approche de Mère Nature." Elle-même est clairement passionnée de permaculture et d'apiculture naturelle. "Lorsque nous nous sommes installés ici, il y a huit ans, le jardin n'était rien d'autre qu'une pelouse. J'ai laissé les choses suivre leur cours et regardez, je découvre aujourd'hui des plantes qui sont venues d'elles-mêmes s'y balader. Goûtez par exemple ces fraises des bois ou ces capucines. N'ont-elles pas un délicieux goût poivré?" Chemin faisant, elle partage une foule d'informations. "Je couvre mes sentiers de paille, de copeaux de bois ou même de déchets de taille, car la terre n'aime pas rester à nu. Ce qu'il est convenu d'appeler des mauvaises herbes n'est en fait qu'une couverture végétale dans laquelle elle aime se draper. Idem pour les orties. Elles ont mauvaise presse mais, sans elles, pas de papillons!" L'apiculture s'inscrit dans la même approche. "La plupart des gens voient les abeilles comme des animaux utiles, sans leur donner simplement l'occasion d'exister. Moi, je leur laisse le miel: mon jardin m'offre bien assez de fruits pour en faire des liqueurs, des chutneys ou d'autres délices." Aujourd'hui, Brigitte Martens travaille également comme guide nature et organise notamment des bains de forêt. "C'est une idée qui vient du Japon et de Finlande. La vision que tout a une âme dans la nature me correspond tout à fait." Elle a également retrouvé des aspects de ce lien avec l'Extrême-Orient chez Botalys, une jeune start-up wallonne qui cultive des plantes médicinales et des racines de ginseng à l'intérieur. "Le ginseng pousse en principe dans un biotope forestier très spécifique, qui risque de disparaître sous l'effet du déboisement massif de l'Asie. L'approche de Botalys peut offrir une alternative d'autant plus intéressante que ses racines de ginseng contiennent des concentrations très élevées de substances actives. Pour moi, c'était un nouveau monde et une école passionnante... mais l'aventure s'est malheureusement terminée lorsque ma fonction a dû être supprimée à cause du coronavirus."