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Et puis surtout parce qu'aligner tous les niveaux s'accompagne d'une énorme perte de temps et d'énergie. " Les administrations, et même les ministres, veulent collaborer mais il y a de nombreuses discussions sur qui est compétent précisément et qui a quels leviers en mains ", ajoute Pedro Facon. " Les capacités sont vraiment très fragmentées. Chacun a toujours bien un petit morceau de compétence. Chaque entité dispose d'un peu de moyens, mais aucune d'elles n'en a suffisamment. Tout est divisé sur huit ou neuf ministres. Mettez cela ensemble, et vous avez suffisamment de moyens, de capacité et d'expertise ", lance Pedro Facon. Cela entraîne aussi que des réformes nécessaires dans les soins de santé sont difficiles à chaque niveau de pouvoir. La structure étatique actuelle n'offre pas de solution durable et structurelle. Pour améliorer l'efficacité et la rapidité de la prise de décisions, une nouvelle réforme de l'Etat et une répartition des compétences s'imposent. La parole est maintenant au politique. " Nous n'allons pas attendre ces réformes pour prendre nos responsabilités et franchir les étapes nécessaires. Cela ne résoudra pas tout non plus. Par exemple, toutes les entités ont épargné beaucoup trop dans les secteurs de la prévention et du dépistage. Des investissements dans l'inspection communautaire s'imposent, qu'on la réfédéralise ou qu'elle reste au niveau fédéré ", commente Pedro Facon. Erika Vlieghe souhaite aussi construire sur ce qui existe déjà. " Faire abstraction de la structure étatique n'est bien sûr pas possible. Par contre, on peut être pragmatique durant une crise. Si nous attendons une réforme de l'Etat, nous serons à nouveau dans une nouvelle épidémie ", ironise-t-elle. " Malgré la structure étatique, nous arrivons à des solutions. Surtout par un sens de l'urgence, un investissement personnel de toute une série de personnes et parce que la Belgique est un petit pays. Ensemble, nous avons pu répondre aux besoins et problèmes urgents. Mais cela a quelque-chose d'étrange. Je trouve qu'il y a quand même un certain vide politique et administratif. "Une fois sortis de la crise, le processus décisionnel se ralentira à nouveau, souligne le Pr Vlieghe . " Mais la crise n'est pas terminée. Nous devons nous armer contre une éventuelle deuxième vague et une reprise du virus. Je suis tout à fait d'accord avec Pedro Facon. Cette impasse ne peut continuer, la structure de l'Etat doit changer. J'espère toutefois que les discussions à ce sujet ne gèleront pas la collaboration au cours des prochains mois. Sinon, nous en serons plus loin que jamais. "Les explications au 'vide politique' dont parlait Erika Vlieghe sont diverses, pense Pedro Facon . " Cela fait déjà un an et demi que le gouvernement fédéral est en affaires courantes. La nouvelle législature au niveau des entités fédérées venait à peine de débuter : à l'exception de la Communauté germanophone, les ministres des entités fédérées sont tous des nouvelles têtes. Et très vite, ils ont été confrontés à une crise. C'est loin d'être évident. La technicité et l'incertitude éveillent aussi une certaine crainte dans la classe politique. Une technocratie d'experts et d'académiciens se voit ainsi attribuer un rôle de taille. Ils analysent les problèmes, font des propositions, mais communiquent aussi les solutions décidées. Ce dernier point va très loin. " Les administrations - le processus décisionnel bureaucratique - interviennent fort en avant-plan. " Cette collaboration entre fonctionnaires, académiciens, experts, ... comporte des avantages, mais aussi des risques. Il est important qu'il y ait aussi un débat politique et sociétal sur cette question. " Erika Vlieghe rejoint Pedro Facon et affirme que l'administration, les académiciens et les experts ont sauté dans le vide de " cette crise extrêmement complexe ". " Cela n'aurait pas dû être le cas, mais il faut bien admettre qu'une bonne préparation pandémique et des personnes qui avaient une expérience de crise ont fait défaut. Les politiques n'ont donc pas pu s'appuyer sur ces éléments inexistants. La structure complexe de l'Etat, dans laquelle tout le monde se regarde et personne ne prend ses responsabilités, a fait le reste. "