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" À la sortie de l'hiver, la population générale est totalement déficiente en vitamine D. Si à cela on ajoute le confinement, il y a clairement une déficience ", précise Etienne Cavalier, professeur de chimie clinique à l'ULiège et au CHULiège. On parle de carence en Vit D quand il y a une atteinte clinique, comme le rachitisme (taux sanguin 25(OH)D <10ng/ml) et de déficience quand ce taux est inférieur à 20ng/ml. Le rôle de la vitamine D sur la santé osseuse est bien connu. C'est la raison pour laquelle le Belgian Bone Club incite les patients ostéoporotiques, surtout en période de confinement, à ne pas chuter et à continuer à faire de l'exercice physique : jardiner, monter les escaliers, se promener au jardin ou se déplacer de manière soutenue chez soi afin d'essayer d'atteindre au minimum les 5000 pas/jour. De plus, " comme le confinement risque d'entraîner une diminution de l'exposition solaire, et donc de synthèse naturelle de Vit D, il est plus que jamais recommandé aux patients de bien prendre leur Vit D (et leur calcium) aux doses prescrites par leur médecin ". " C'est vraiment important ", insiste le Pr Cavalier. Cette vitamine joue aussi un rôle au niveau immunitaire. Une méta-analyse regroupant 25 études randomisées rassemblant les données de plus de 11.000 patients, parue en 2017 dans le British Medical Journal, a montré qu'une supplémentation en Vit D pouvait protéger des infections aiguës du tractus respiratoire. " Elle a mis en évidence un bénéfice d'une supplémentation quotidienne ou hebdomadaire en Vit D par rapport à des doses plus larges (par exemple mensuelles) et que l'effet était d'autant plus marqué que le patient présentait une déficience sévère, ce qui est souvent le cas à la sortie de l'hiver chez les patients non supplémentés ", expliquent les Prs Cavalier et Michel Moutschen dans un communiqué du CHU de Liège. " Il est en outre bien connu que les enfants présentant un rachitisme vitaminique souffrent, outre des effets osseux, d'infections respiratoires sévères. Les mécanismes reliant infection et Vit D sont bien connus et associent à la fois une stimulation du système immunitaire inné et une modulation de l'immunité acquise. Même s'il n'existe aucune donnée montrant que cette vitamine pourrait réduire l'incidence de l'infection par le Covid-19, ni qu'elle pourrait en atténuer l'atteinte ", ajoutent-ils. Comment maintenir son taux de vitamine D > 20 ng/ml ? Ni l'alimentation, ni l'exposition au soleil ne sont une solution, commente Etienne Cavalier : " L'apport naturel via l'alimentation ne fonctionne pas. Même les pays qui font de la fortification alimentaire systématique n'arrivent pas à amener leur population > 20 ng/ml. On peut s'exposer un petit peu au soleil (10 minutes/jour, en faisant attention à la prévention du mélanome), cela aura une répercussion, sans être suffisant. Par ailleurs, les personnes âgées et celles à peau noire synthétisent moins de Vit D, celles qui ont un by-pass gastrique doivent prendre une supplémentation... Ensuite, il faut aussi exposer une partie significative de la peau pour pouvoir en synthétiser (le dos des mains ne suffit pas)... ". Dès lors, surtout en période de confinement, la solution passe par la supplémentation. Il convient de distinguer les personnes souffrant de diverses affections (hyperparathyroïdie primaire, insuffisance rénale, ostéoporose, diabète, hypertension, en chimiothérapie...) : " Pour une série de patients, on sait qu'il faut amener le taux de vitamine D >20 ng/ml, et peut-être >30 ng/ml, cela se discute. Dans ce cadre-là, et uniquement dans celui-là, il faut adapter et monitorer les doses. Dans la population générale, il ne sert à rien de mesurer la vitamine D, parce qu'elle n'est pas très toxique et parce qu'on sait que si on ne s'expose pas au soleil, si on est confiné, si on n'a pas une alimentation type Inuit en mangeant du saumon ou du phoque tous les jours, à la sortie de l'hiver, on va se retrouver < 20 ng/ml ", indique le Pr Cavalier. Ainsi, pour la population générale, on peut envisager la supplémentation en Vit D à partir du mois de septembre jusqu'en avril, à raison de 800 UI par jour. " Pendant l'hiver, c'est bénéfique. Après, si la personne est active et s'expose au soleil, son taux va être > 20 ng/ml durant le printemps et surtout en été. Il sera donc moins nécessaire de donner cette supplémentation pendant les périodes ensoleillées ". Etienne Cavalier met surtout en garde contre la prise de fortes doses en Vit D, de façon espacée (tous les 3 mois). " L'idéal c'est de prendre une dose quotidienne, voire hebdomadaire ou mensuelle. Certains patients commandent de la vitamine D3 BON, une ampoule qui contient 200.000 UI en injectable, vendue en France. Cette forme est plutôt destinée aux personnes qui souffrent de malabsorption, mais cet usage est détourné et certains médecins la prescrivent. C'est à éviter, de même que les doses de 3000 UI/j, cela peut devenir problématique. Une dose quotidienne de 800 UI permet de respecter le rythme physiologique ". Enfin, on veillera à ne pas se tourner vers les mélanges de vitamines : " Ce n'est pas un bon plan parce que leur teneur en vit D n'est pas suffisante (200 à 400 UI maximum). Il faut faire la distinction entre une supplémentation en vitamine D et une supplémentation en d'autres vitamines pour d'autres raisons. Ce sont deux choses totalement différentes ", conclut le Pr Cavalier.