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Comment vous êtes-vous retrouvé à faire le " grossiste " ?Laurent Staquet : J'ai eu énormément de demandes de maisons de repos, et d'administrations communales aussi, pour les fournir en matériel spécifique contre le coronavirus. C'est une facette tout à fait différente de mon activité de pharmacien de village. Par la force des choses, certains pharmaciens ont mis une autre casquette pour faire des commandes groupées de masques, de gants... et devenir quasi grossiste pour d'autres pharmaciens ou pour des sociétés. Peu d'entre nous se sont ainsi reconvertis parce que c'est très compliqué et ça prend beaucoup de temps pour trouver les bons fournisseurs, les bons prix, et ensuite pour vérifier la conformité du matériel... J'ai dû apprendre la différence entre certificat et déclaration de conformité, faire retester les masques ici, en Belgique, pour obtenir une attestation de qualité... En un mois, j'ai appris beaucoup de choses ! Vous êtes-vous senti soutenu par les autorités ?Le souci c'est qu'au début, on a eu besoin de nous, les pharmaciens se sont décarcassés pour obtenir des gels hydroalcooliques, des masques... Et puis, du jour au lendemain, on est mis devant le fait accompli : la TVA passe de 21 à 6%, les supermarchés vendent des masques à bas prix, des masques dits 'de confort'... Par contre, comme à Charleroi, les pharmaciens sont " réquisitionnés " pour distribuer gratuitement les commandes faites par les administrations communales. Refuser de le faire serait mal vu par la population qui a toujours l'impression que les pharmaciens gagnent hyper bien leur vie. Les pharmaciens ont réagi négativement mais est-ce pour cela qu'on est mal défendu ? Je dis plutôt " Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour l'APB et l'Ordre ", plutôt que " Qu'est-ce qu'ils peuvent faire pour vous ". Tout le monde doit se débrouiller. Est-ce qu'on ne devrait pas réagir plus, par exemple, en refusant de vendre des masques ? Les pharmaciens ne sont pas assez incisifs, ils sont toujours considérés comme des " distributeurs de boîtes ". -Vous avez aussi développé un service de livraison à domicile...Je considère ce service comme un investissement pour survivre et non comme un coût. Le but n'est pas de démarcher de nouveaux clients. Cela permet par exemple à la personne âgée de rester indépendante. Je suis persuadé que je serai toujours présent dans mon village si j'apporte du service à la population parce que je n'ai pas les prix ni les stocks des grandes parapharmacies, je n'ai pas les parkings des grandes surfaces... Alors pourquoi les gens continueraient-ils à venir chez moi ? -Comment ont évolué les relations avec les patients ?On a toujours énormément de coups de fil. C'est la folie. A présent, les gens appellent pour qu'on prépare leur commande parce qu'ils ont peur de venir à la pharmacie. Mon équipe est beaucoup moins stressée qu'au début où je devais les rassurer. Maintenant, c'est l'inverse, on n'a plus le stress de l'équipe officinale mais celui de la population. C'est vraiment surprenant !