Contexte

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L'alcoolisme représente partout dans le monde un problème majeur aussi bien pour les individus que pour la santé publique. Une consommation d'alcool problématique débouche souvent sur des problèmes de santé, d'invalidité ou de mortalité prématurée, mais génère aussi un important coût économique découlant d'une perte de productivité, d'accidents, de violences et d'un recours accru aux services de santé. Les Alcooliques Anonymes (AA) sont un groupe d'entraide qui s'appuie sur un programme en douze étapes (PDE), et qui propose depuis plusieurs décennies une thérapie bien connue pour les personnes confrontées à un problème d'abus d'alcool. D'autres programmes en douze étapes en reprennent certains principes et techniques, mais sont encadrés par un thérapeute. Ils ont tous en commun de se focaliser sur l'accompagnement et le suivi des participants, et ce aussi bien pendant qu'après le traitement de la consommation d'alcool problématique. Certains programmes sont standardisés, de telle sorte que tous les participants bénéficient du même traitement à des moments et endroits différents. Néanmoins, la question de savoir si les AA et autres programmes en douze étapes sont vraiment efficaces pour le traitement de l'alcoolisme continue à faire débat. Elle vient à présent d'être abordée pour la toute première fois dans une revue Cochrane. Les auteurs de la revue ont inclus des études aussi bien randomisées que non randomisées, qui ont comparé les AA ou un autre PDE à des traitements reposant sur d'autres fondements théoriques (comme la thérapie motivationnelle ou la thérapie cognitivo-comportementale), à des variantes du PDE ou à l'absence de traitement. Les participants suivaient tous le programme de façon volontaire, sans y avoir été forcés par un tribunal, par leur employeur, etc. Les principaux critères d'évaluation étaient l'abstinence, l'intensité de la consommation d'alcool, ses conséquences et la gravité de l'addiction. La revue a inclus 27 études portant sur un total de 10.565 sujets, dont 21 étaient randomisées, 5 non randomisées et une purement économique. L'âge moyen des participants variait d'environ 34 à 51 ans suivant les études. Les auteurs n'ont identifié aucune étude comparant les AA ou un autre PDE à l'absence de traitement ou à des contrôles inscrits sur une liste d'attente. AA/PDE vs traitements reposant sur une autre base théoriqueLa participation au programme des AA ou à un autre PDE accroît les chances d'abstinence continue à 12 mois (autres traitements : 345 pour 1.000 vs. AA/PDE : 418 pour 1.000 (IC 95 %* : 356-490) ; 1.936 participants, 2 études, niveau de certitude élevé). Le même effet se retrouve également à 24 et 36 mois. Il est possible que les AA/PDE permettent d'obtenir le même pourcentage de jours d'abstinence à 12 mois et un pourcentage plus élevé à 24 et 36 mois, mais les preuves qui l'établissent sont fort peu convaincantes (très faible niveau de certitude). Les AA/PDE pourraient avoir un effet limité voire inexistant sur la plus longue période d'abstinence à 6 mois (faible niveau de certitude). En ce qui concerne l'intensité de la consommation d'alcool, les AA/PDE sont probablement aussi efficaces que les autres approches à 12 mois en ce qui concerne le nombre de consommations quotidiennes (niveau de certitude modéré) et le pourcentage de jours de forte consommation (> 6 boissons alcoolisées par jour) (faible niveau de certitude). Les AA/PDE sont probablement aussi efficaces que d'autres traitements en ce qui concerne les conséquences de la consommation d'alcool à 12 mois (niveau de certitude modéré). D'après une seule étude, un programme AA/PDE standardisé permettait d'abaisser la gravité de l'addiction à 12 mois. AA/PDE non standardisés vs traitements reposant sur une autre base théoriqueLes AA/PDE non standardisés sont peut-être aussi efficaces que d'autres interventions en ce qui concerne le pourcentage de sujets cessant complètement toute consommation d'alcool après 3 à 9 mois (autres traitements : 167 pour 1.000 vs. AA/PDE : 285 pour 1.000 (IC 95 % : 117-697) ; 93 participants, 1 étude, faible niveau de certitude). Ils pourraient améliorer légèrement le pourcentage de jours d'abstinence (autres traitements : 70 % vs. AA/PDE : 73 % (IC 95 % : 70,3-75,7) ; 93 participants, 1 étude, faible niveau de certitude). Les AA/PDE sont peut-être aussi efficaces que d'autres traitements en ce qui concerne le pourcentage de jours de forte consommation (faible niveau de certitude) et le nombre de consommations par jour de consommation (très faible niveau de certitude) - pour ce dernier point, les preuves restent très incertaines. Aucune des études concernées n'a rapporté la durée maximale d'abstinence, les conséquences de la consommation d'alcool ou la gravité de l'addiction pour cette comparaison. Études concernant le rapport coût-efficacité. Dans trois études, les AA/PDE ont débouché sur une économie plus importante sur les frais de santé que les autres traitements ambulatoires, la thérapie cognitivo-comportementale et l'absence de traitement de ce type. Une seule étude a néanmoins observé que la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie motivationnelle et les AA/PDE permettaient toutes d'abaisser les frais médicaux globaux, mais que cette économie était potentiellement plus importante avec les AA/PDE qu'avec la thérapie motivationnelle chez les participants porteurs de plus de facteurs de mauvais pronostic (niveau de certitude modéré). Les programmes AA/PDE standardisés sont plus efficaces que d'autres traitements pour obtenir une abstinence, tandis que les programmes AA/PDE non standardisés pourraient l'être autant que d'autres approches. Au niveau des autres critères d'évaluation aussi, les programmes AA/PDE tant standardisés que non standardisés semblent au moins aussi efficaces que d'autres approches et permettent vraisemblablement de réaliser d'importantes économies sur les soins de santé chez les personnes confrontées à une dépendance à l'alcool. Les programmes AA/PDE sont utiles chez les personnes confrontées à une dépendance à l'alcool et sont efficaces sur le long terme (effet étudié jusqu'à 3 ans). Les patients réticents à s'adresser aux AA peuvent faire appel à d'autres organisations comparables basées sur le soutien mutuel.Kelly JF, Humphreys K, Ferri M. Alcoholics Anonymous and other 12-step programs for alcohol use disorder. Cochrane Database of Systematic Reviews 2020, Issue 3. Art. No. : CD012880. Consultez le texte de cette revue Cochrane dans son intégralité via la Cebam Digital Library for Health (www.cebam.be/fr/cdlh). *IC : intervalle de confiance En collaboration avec le Cebam, Cochrane Belgium (http://belgium.cochrane.org) Consultez cette revue Cochrane dans son intégralité sur la Cebam Digital Library for Health (www.cebam.be/fr/cdlh) 1. Cochrane Belgium, Cebam (Centre belge d'Evidence-Based Medicine) 2. CEBaP (Centre d'Evidence-Based Practice) de la Croix-Rouge de Flandre