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Visiter les paludiers sur leur ouvrage, c'est rencontrer un métier millénaire. C'est également enrichir son vocabulaire d'un jargon étonnant. Notre visite commence devant de grands silos où le sel est entassé : " Ici, à Guérande, ce sont entre 13 et 15.000 tonnes qui sortent de mer chaque année. Pour un sur dix, c'est de la fleur de sel ", informe le guide. A nos pieds, un chemin d'argile sillonne entre une vasière et une saline. Ce matin, au pied des étangs, de grands roseaux mouillés courbaient leurs plumeaux sur les massifs de salicornes. D'autres succulentes telle l'Obione faux-pourpier ou l'aster maritime offraient leurs feuilles iodées à nos palais curieux. Ici, les cruciverbistes ont de quoi se régaler. Sur 1.700 hectares et derrière le marais du Mès, un curieux labyrinthe emmène l'eau de mer jusqu'à des " oeillets ". Là, les paludiers troussent le gros sel à l'aide de las vers des cercles d'argile nommés ladures. Le tout est ensuite ramené par brouettes vers des trémets où s'élève le mulon : le tas de sel récolté. Cobiers, fares, adernes et délivres... Autant de termes qui font le métier de 300 travailleurs afin de satisfaire les gastronomes dans plus de 60 pays. Il est surréaliste d'avoir tant de mots pour un produit si petit.Sous le ciel encore chaud de cette première quinzaine de septembre, les salines étaient toujours chargées de sel et de fleur. De grands carrés roses que sondaient des oiseaux blancs à la recherche de coques. La mer s'unissait aux rares nuages par-dessus les salorges de la presqu'île.Les remparts de Guérande ont la forme gourmande d'un gâteau de grand-mère. Aux quatre coins cardinaux, autant de portes distribuent les nombreux visiteurs dans un dédale de rues pavées.L'entrée la plus travaillée est sans nul doute la porte Saint-Michel, située à l'Est.Orientée vers Nantes, la capitale des Ducs de Bretagne, elle se visite via un accès situé intra-muros.Une exposition didactique s'y tient actuellement. Elle permettra de comprendre l'origine des remparts et les enfants s'amuseront à reproduire escaliers, fenêtres et charpentes grâce à des jeux en bois.De là, on repartira vers la collégiale Saint-Aubin dont des architectes contemporains de Viollet-Le-Duc firent s'écrouler le clocher de l'horloge au 19e siècle. Il en résulte une flèche sparadrap d'où subsiste cependant une chaire extérieure digne d'intérêt. Son usage ne semble pas clairement défini et fait de cette exception catholique un but en soi. Tout autour du saint bâtiment, l'amateur d'art rencontrera les oeuvres récentes de Nicolas Fedorenko.Joliment restaurée, la vieille ville propose multitude de commerces où il sera possible de satisfaire à peu près toutes ses envies de bouche. Attention cependant aux prix pratiqués au sein de la halle citadine. Les reflets d'argent sont ici à prendre au sens propre.Depuis toujours, des visiteurs illustres s'arrêtèrent à Guérande. Dans Les coquilles de monsieur Chabre, Zola dépeint la ville de façon méprisante. Dans Béatrix cependant, Balzac est bien plus élogieux en parlant de la cité médiévale telle un " calmant pour le corps ". Il y a même de l'amour dans ce texte-là.Les relais de poste de l'époque ont aujourd'hui cédé la place à des logements chez l'habitant. L'occasion d'en apprendre d'avantage sur la région que chez le réceptionniste de l'Ibis du coin. S'il en existe pléthore en deçà des remparts, nous conseillons également les AirBnb dans les hameaux extérieurs. Particulièrement calme et convivial, le Chat perché à Clis (commune de Guérande) permet un logement parfait et calme pour un prix défiant toute concurrence. La maison se trouve le long d'une piste cyclable reliant Piriac-sur-Mer à Bourgneuf-en-Retz sur 95 km. Tout le long, quelques châteaux bas laissent pressentir l'élégance d'illustres demeures familiales au bout de longs chemins d'accès.