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Depuis janvier, l'AFMPS note une augmentation de 35% des notifications des manques dans les approvisionnements en pharmacie, peut-être en partie imputable à un meilleur signalement par l'ensemble des acteurs. " Mais ", nuance le Pr Jean-Michel Dogné (UNamur), " il y a aussi toutes les indisponibilités de moins de 14 jours, qui ne sont pas répertoriées alors qu'elles sont problématiques. Il y a une aggravation, liée notamment au contingentement auprès des grossistes-répartiteurs. Il est également intéressant d'observer qu'auparavant, les pénuries étaient beaucoup plus longues, maintenant la plupart durent un mois... "Il est donc urgent de trouver des solutions. Lors de son audition, le Pr Dogné a fait dix propositions sans cibler un acteur particulier. Pour lui, l'une des priorités est d'identifier les causes de ces pénuries et d'en tirer des propositions légales et réalistes. " La première serait de s'assurer qu'au niveau national, l'ensemble des médicaments qui pourraient poser problème soient distribués en priorité par les grossistes-répartiteurs et qu'ils ne soient pas exportés. En Commission Santé, le représentant des grossistes a déclaré qu'en aucun cas, des médicaments destinés à la Belgique et pour lesquels il y aurait des pénuries n'étaient exportés. Si c'est le cas, j'en suis ravi : il faudrait une analyse des produits manquants pour bien le démontrer. "" Un texte légal devrait imposer de ne pas pouvoir exporter les médicaments pour lesquels on identifie un risque de pénurie en Belgique. La loi du 7 avril 2019 qui modifiait la loi du 25 mars 1964 pour les grossistes-répartiteurs visant à assurer le service public doit être réaffinée pour que tous les acteurs du terrain soient satisfaits. "Concernant la production dans des pays à faible revenu, le professeur namurois met en garde : " La phobie actuelle consiste à tout imputer à la production de principes actifs en Chine ou en Inde. C'est un faux problème, même s'il peut être présent dans certains cas, ce n'est pas le souci majeur. C'est avant tout un problème de gestion de stock et de production et de choix au niveau national et européen. "Autre proposition : maintenir des spécialités peu rentables sur le marché. " Il faut anticiper les cessations de la commercialisation d'un médicament et, surtout, avoir des surstocks de l'ordre de 20-30% (supplémentaires aux quotas annuels de notre pays) qui permettent d'amortir des carences. "" Si le pharmacien doit commander des produits à l'étranger ou faire une magistrale, en aucun cas, les surcoûts (non remboursement) ne devraient être à charge du patient ou de l'Inami, mais incomber à l'industrie pharmaceutique ou au grossiste - s'il exporte préférentiellement les produits plutôt que les distribuer au niveau national. Il s'agit de refinancer en partie l'Inami via l'ensemble de l'industrie pharmaceutique et des acteurs du terrain par une sorte de budget tampon qui permette de prendre en compte cette pénurie, un peu comme le fonds de garantie pour les voyages. "Le Pr Dogné propose aussi de renforcer le financement et les moyens de l'AFMPS pour mener à bien ses mission et des pénalités financières pour le ou les responsable(s) d'une indisponibilité... en restant proportionnées pour ne pas engendrer le retrait du marché des spécialités en question !D'autres propositions semblent être plus simples à mettre en oeuvre. Par exemple, la notification de l'indisponibilité dès trois jours : " Cela me paraît une évidence : raccourcir à trois jours va entraîner plus de notifications, mais cela permettra surtout de comprendre ce qui empoisonne la vie du pharmacien. La transparence a aussi été mentionnée par tout le monde, parce que les causes d'une pénurie restent parfois nébuleuses. Si on ne les identifie pas, il est difficile de mettre des moyens en place pour les limiter. "Jean-Michel Dogné a été surpris de voir l'implication des associations de patients : " C'est important parce qu'ils doivent aussi connaître les raisons de ces pénuries et voir les processus mis en place pour y pallier. Sinon, il y a un manque de confiance envers les pharmaciens et médecins. "De même, l'information vers le médecin et le pharmacien devrait être mise à jour dès que possible : " Un système va être mis en place à la fin de cette année via la base de données SAMv2 (source authentique des médicaments), compatible avec le programme de prescriptions des médecins. Cela facilitera les choses parce qu'il est ridicule que la prescription électronique ne permette pas au médecin de savoir automatiquement que le produit qu'il prescrit est manquant. "Last but not least, le rôle du pharmacien : " C'est un point majeur ", admet-il, " étendre le droit de substitution, non pas à tous les médicaments, à n'importe quel moment, mais lorsqu'il y a des pénuries identifiées. L'AFMPS détermine via son algorithme décisionnel des possibilités de switch (générique ou non) pour les médicaments les plus importants, le médecin serait en théorie informé via son système informatique, et le pharmacien pourrait faire le switch en accord avec le médecin. "" Il est clair qu'un certain nombre de projets vont arriver sur la table : des députés planchent sur un texte, l'AFMPS également... D'ici la fin de l'année, vu la façon dont les différents acteurs ont été mis devant leurs responsabilités, que ce soit les grossistes-répartiteurs, l'industrie, les médecins ou les pharmaciens, il y aura des changements assez importants. Est-ce que cela permettra d'enrayer complètement le problème ou de le limiter ? Sans connaître les causes réelles pour l'ensemble des médicaments en pénurie, c'est très difficile à dire ", conclut Jean-Michel Dogné.