Contexte

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La démence chez les personnes âgées peut s'accompagner non seulement de troubles cognitifs mais aussi de symptômes comportementaux (agitation, agressivité, apathie...) ou psychologiques (délires, hallucinations, anxiété, dépression...) - les fameux " symptômes comportementaux et psychologiques de la démence " (SCPD). On entend par problèmes comportementaux tous les comportements du patient qui sont ressentis comme difficiles à gérer par lui-même ou par son entourage.Les médecins prescrivent fréquemment des antipsychotiques pour lutter contre ces problèmes de comportement. Idéalement, la prise devrait être limitée dans le temps chez les personnes âgées, car ces produits peuvent provoquer des effets secondaires (p.ex. sédation, risque accru d'AVC, mortalité accrue...) et la plupart des troubles sont de nature transitoire. Malheureusement, de nombreux patients âgés se retrouvent à prendre des antipsychotiques de façon prolongée, alors même que leur efficacité dans ce contexte n'est pas démontrée.Cette revue Cochrane a rassemblé des études investiguant l'impact de l'arrêt d'un traitement antipsychotique prolongé en comparant l'évolution des troubles du comportement après interruption de la prise et dans un groupe contrôle ou celle-ci était poursuivie. Les effets secondaires de l'interruption ou de la poursuite de la prise d'antipsychotiques ont également été examinés. Les participants devaient être âgés d'au moins 65 ans, souffrir de démence, vivre chez eux ou en maison de repos et prendre des antipsychotiques depuis au moins 3 mois.La revue a inclus 10 études portant sur un total de 632 participants. Dans huit d'entre elles, l'âge moyen des sujets dépassait 80 ans. Une étude portait exclusivement sur des séniors vivant encore à la maison, 8 sur des personnes âgées institutionnalisées et une sur les deux types de publics. Les participants prenaient différents types d'antipsychotiques à différents dosages, et l'interruption de la prise était parfois brutale, parfois plus progressive.Les auteurs de la revue jugeaient l'arrêt réussi lorsque les participants terminaient l'étude sans que leur comportement ne se dégrade et sans réintroduction d'un antipsychotique. Aucune étude n'ayant toutefois rapporté ce résultat, ils se sont rabattus sur le nombre de participants dont la participation avait été prématurément interrompue, et ce tant dans le groupe qui arrêtait la prise d'antipsychotiques que dans le groupe qui poursuivait le traitement - un résultat rapporté dans 9 études (575 participants). Les différences d'une étude à l'autre n'ont toutefois pas permis de combiner ces données dans une méta-analyse. Dans 7 travaux, la proportion de participants qui interrompaient prématurément l'étude ne différait pas entre les deux groupes. Dans deux études portant exclusivement sur des patients qui présentaient des problèmes de psychose, d'agitation ou d'agressivité et répondaient bien au traitement, les sujets qui interrompaient la prise présentaient une probabilité accrue de se retirer de l'étude suite à la réapparition des symptômes.Les problèmes de comportement ne différaient pas entre le groupe qui arrêtait les antipsychotiques et celui qui continuait à les prendre (7 études, 519 participants). Aucune étude ne s'est intéressée aux éventuels symptômes de sevrage provoqués par l'interruption du traitement. Les effets secondaires des antipsychotiques (p.ex. risque de chutes) n'étaient pas bien rapportés non plus. Aucune différence n'a toutefois été observée entre les deux groupes en termes d'effets indésirables, de qualité de vie, de fonction cognitive ou de mortalité.Les preuves récoltées dans le cadre de cette revue sont de très faible qualité en ce qui concerne la mortalité et de faible qualité pour tous les autres résultats. La principale cause de cette force probante limitée résidait dans une piètre qualité méthodologique et dans la petite échelle des études.Dans la majorité des cas, la prise d'antipsychotiques pour remédier aux troubles du comportement chez les personnes âgées souffrant de démence pourra être interrompue avec succès. L'arrêt du traitement n'aura probablement pas ou guère d'impact sur le comportement indésirable, la qualité de vie ou la fonction cognitive. Son impact sur la mortalité reste incertain.L'arrêt des antipsychotiques n'influence vraisemblablement pas les comportements problématiques chez les personnes âgées démentes, et on peut donc essayer de réduire voire d'interrompre complètement la prise.