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Premier constat: il y a de plus en plus de maladies chroniques et la consommation de médicaments est en pleine croissance dans le monde. Les chiffres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) montrent qu'entre 2000 et 2015, la consommation d'anticholestérolémiants a augmenté de 359%, celle des antidépresseurs de 196%, celle des antidiabétiques de 193% et celle des antihypertenseurs de 172%. "On estime que 3% à 5% des médicaments prescrits finissent en déchets ménagers. Les quantités peuvent être considérables et il est important de veiller à leur élimination correcte. Dans de nombreux pays, une importante part est encore jetée à la poubelle, dans les toilettes et les éviers", précise Frithjof Laubinger (OCDE). Première solution: agir en amont c'est-à-dire sur la prévention des maladies, la taille des emballages et la médecine de précision ; évaluer les possibilités de remise en vente et de redistribution des médicaments non utilisés et non périmés. "Par exemple, aux Pays-Bas, Pharmawasp est une plateforme d'échange de médicaments inutilisés/non endommagés. Il faut aussi assurer une collecte et un traitement adéquats des déchets inévitables". La collecte séparée permet d'atténuer les risques (abus ou accidents, élimination dans les toilettes et contamination des eaux, fuites via les déchets solides). "Certains pays comme l'Allemagne ne la juge pas nécessaire. Il peut y avoir une récolte volontaire par les pharmacies et l'industrie pharmaceutique comme aux Pays-Bas et en Finlande, elle peut être financée et organisée par les gouvernements comme en Australie ou par les producteurs (EPR, Extended Producer Responsibility) comme en Belgique, France, Suède, Espagne. Portugal. C'est d'ailleurs dans ces derniers pays que les taux de récolte sont les plus élevés. La responsabilité étendue des producteurs (EPR) semble donc être un outil efficace", estime-t-il. Les campagnes d'information sont la clé pour influencer le comportement vis-à-vis de l'élimination appropriée des médicaments. "Ainsi, aux Pays-Bas, 17% des consommateurs ne savent pas qu'on ne peut pas simplement se débarrasser des médicaments liquides dans les toilettes. En Allemagne, 32% y jettent occasionnellement les restes de médicaments liquides, alors que moins de 10% y jettent les médicaments solides non utilisés ou périmés". D'autres mesures peuvent être prises pour influencer le changement de comportement: "Il peut s'agir d'incitants pour ramener ses médicaments à la pharmacie (points de crédits supplémentaires en Suède), d'informations sur le produit (instructions d'élimination obligatoires sur l'emballage, notice d'information pour le patient), produit éco-label (en Suède, liste pour les prescripteurs, basée sur des critères de coût et d'environnement) et de systèmes de classification environnementale (en Suède, accessible en ligne pour les consommateurs et prescripteurs)", note-t-il. La Commission européenne est également engagée dans cette lutte. "En mars 2019, l'Approche stratégique du secteur pharma dans l'environnement a été adoptée. Elle détaille 6 domaines d'action: sensibiliser et promouvoir un usage prudent des médicaments, soutenir le développement de médicaments moins nocifs pour l'environnement et d'une fabrication plus verte, améliorer l'évaluation des risques environnementaux, réduire le gaspillage et améliorer la gestion des déchets, développer la surveillance de l'environnement et améliorer les connaissances sur ce sujet", stipule Hans Stielstra, de la DG Environnement. Toutes les actions ont été mises en marche et certaines sont finalisées. En voici quelques exemples: ? Le Green Deal Call encourage la science réglementaire pour traiter les expositions combinées aux produits chimiques industriels et aux produits pharmaceutiques, une action qui va de la science aux politiques fondées sur les faits. ? Le lancement d'une étude sur les meilleures pratiques en matière de marchés publics de médicaments. ? La révision des lignes directrices sur l'évaluation des risques environnementaux pour les médicaments humains est en cours. ? Été 2022: révision de la liste de surveillance des eaux de surface (médicaments à introduire dans la liste des substances prioritaires comme le diclofenac, ibuprofen, antimicrobiens...). ? Deuxième quadrimestre 2022: révision de la directive relative au traitement des eaux urbaines usées: plus d'eau devra être traitée qu'actuellement et plus intensément dans les zones urbaines. ? La Directive sur les boues sera évaluée en 2022. En parallèle, deux études sont menées sur les contaminants, avec des méthodes pour réduire la présence des médicaments dans les boues. ? La directive sur les émissions industrielles sera révisée pour inclure aussi l'élevage intensif et le secteur laitier. La Stratégie pharmaceutique pour l'Europe poursuit 4 objectifs principaux: l'accès à des médicaments abordables pour les patients, soutenir la compétitivité, l'innovation et la durabilité de l'industrie pharmaceutique européenne et le développement de médicaments de qualité, sûrs, efficaces et plus verts, renforcer les mécanismes de préparation et de réponse aux crises. Elle est complémentaire de l'ambition Zéro pollution, notamment via l'impact des produits pharmaceutiques sur l'environnement. Deux actions phares sont prévues en 2022. L'une pour réviser la législation pharmaceutique afin d'améliorer la transparence et la surveillance de la chaîne d'approvisionnement, d'assurer la durabilité et de renforcer les exigences en matière d'évaluation des risques environnementaux. L'autre pour promouvoir l'utilisation prudente des antibiotiques et communiquer aux professionnels de santé et au public.