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Partant d'une fusillade qui s'est déroulée dans le quartier de Parkland à Miami, Emmanuel Van Der Auwera propose une installation vidéo basée sur les images qu'il a récoltées pendant plus d'un an sur le net, et qui ont pour sujet les réactions et témoignages après la tuerie, images disparues depuis et que le plasticien a archivées.Le résultat est une vision sidérante, non violente, proche de la réalité sans l'être, reconstruction mosaïques de petits bouts de celle-ci : elle pose à partir d'une vision de la brutalité de la société américaine, la question des images, de leurs frontières, de leur persistance ou pas et de leur valeur.Trois écrans géants reconstituent à partir de vues pêchées sur le web, accompagnés d'un souffle de vent (ou est-ce la rumeur du monde ? ) et de la mélopée, le rap presque, d'un habitant, somnambule et gardien de la mémoire de ce " musée " virtuel numérique d'un événement passé dans un lieu qui parait consterné, vide, fascinant et inquiétant.Cette installation évoque les oeuvres de David Claerbout sur la fixation du temps (comme le produit fixateur d'une photographie) : sauf qu'ici, ce songe d'une nuit ou d'un jour qui fut, a des allures de jeu vidéo de Myst ou d'un Call of Duty désarmé, et qui aurait buggé : la caméra balaie, au milieu des décombres, des pans de réalité fragmentée, saisie au smartphone : une impression de fin de monde fantomatique, dont même les zombies se seraient enfuis, entièrement mort et sans vivants. Des morceaux de réels amputés, figés, déliquescents, qui constituent un miroir brisé d'une réalité à la fois virtuelle... et véridique.À noter que dans la galerie du même Botanique, est présenté le travail tout aussi interpellant de Léa Belooussovitch, artiste française vivant à Bruxelles ; laquelle reprend elle aussi des images des médias numériques et autre, pour en donner une version pixelisée ou tendant vers une abstraction colorée, obligeant dès lors le spectateur à se concentrer sur l'image présentée, s'en imprégner, et de ce fait par la durée du regard enfin, d'en faire ressortir peu à peu à les contours et la signification.C'est le cas du triptyque Jodhpur, trois dessins au crayon de couleur sur feutre chatoyant au départ, qui se révèlent être la vision d'un immeuble qui s'est effondré en Inde l'an dernier, et dont on extrait une victime sous les flashes inquisiteurs de la presse.Ailleurs, sur velours marbré, ce sont des tirages photographiques pixelisés intitulés Perp Walk, dont l'intensité est renforcée par le textile, provenant d'internet. Il s'agit de photographies d'accusés se cachant le visage à la sortie ou l'entrée du tribunal ou du commissariat. Qu'ils soient reconnus coupables, condamnés ou pas, n'y changera rien : les médias, la presse et le public les a déjà condamnés.... et pour toujours damnés.