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Dans la même veine que l'oeuvre d'Edgard P. Jacobs avec qui il a collaboré dans les pages du Journal Tintin, le style de Jacques Martin assume aussi les longs textes et les postures un peu rigides et engoncées. Parmi ses créations, outre le célébrissime Alix, Lefranc (un Alix des années 50), et Jhen qui en est la version moyenâgeuse. Lequel n'a pas une attitude de collaboration avec un ennemi quelconque comme son pendant gaulois passé aux Romains, bien qu'il s'acoquine de personnages ambigus comme Gilles de Rais, personnage qui fascinait Martin (lequel Martin fut pétainiste durant sa jeunesse...). D'ailleurs, le vétéran Jean Pleyers, qui dessina sous l'égide de Martin les aventures du maréchal de France, compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, se charge de la dépiction de son procès, l'ami Jhen faisant office de conscience de l'accusé dans une histoire parallèle et quasi anecdotique au cours de laquelle, flanqué de son compagnon Parfait, le "beau bon blond" cherchera à l'aider, mais trop tard. Comme souvent chez Jhen, sorcellerie, alchimie voisinent avec foi religieuse confinant elle-même à la magie noire (on calcine les coupables pour les purifier) et à une cruauté voyeuriste, les accusations étant parfois des plus fantaisistes et basées sur les rumeurs.Au sein des magnifiques décors architecturaux de Pleyers, le scénariste Néjib prend bien soin de ne pas trancher, si l'on peut dire, de son épée invisible : en effet, face aux accusations de dépravation voire de pédophilie envers celui qui devint le modèle de La Barbe Bleue de Perrault, il ne prétend pas qu'elles sont fausses, instiguant seulement une ambiguïté quant à leur ampleur. Il est vrai que le milieux Rose-Croix voire d'extrême-droite tentent encore de réhabiliter la figure de cet autre... maréchal. D'ailleurs, Gilles de Rais apparaît au travers de ce récit précis - quant à ce que l'on sait de son histoire et de son procès en 1440 (les minutes et témoignages nous sont parvenus de manière très parcellaire) - à l'image de la magie qu'il pratiquait : ni complètement blanc, ni complètement noire...