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C'est le cas de Gisèle Van Lange qui travaille dans l'esprit d'un Nicolas de Staël, et est l'une des découvertes de cette exposition dont Serge Goyens de Heusch est, évidemment serait-on tenté d'ajouter, le commissaire. Il plane d'ailleurs une certaine nostalgie sur cette proposition qui, comme dans le cas des oeuvres sculptées voici deux années, met en valeur des artistes et mouvements balayés par la régionalisation du pays, les régions nouvellement créées, la Flandre par exemple, préférant mettre en exergue des artistes qu'elle promeut plutôt que des propositions trop belgicaines à ses yeux.En effet, cet héritage artistique participe de l'union et a conservé sa force : l'abstraction qui est ici accrochée peut être lyrique comme chez Jean Milo et Mig Quinet, parfois très colorée chez Maurice Wyckaert, à voir La terre rouge.L'expo joue parfois des oppositions : un Gaston Bertrand encore hésitant entre figuratif et abstraction, mais tout en lignes de perspective, se trouve placé en face d'une oeuvre organique, toute en courbes et splashante de Serge Vandercam. Lequel précède un Dotremont et son écriture de barres codes ramollis qui jouxte une autre poésie, celle des signes accrochés à des portées de Calonne, lesquels évoquent des oiseaux s'en volant de fils électriques. Si les peintures d'Alechinsky sont assez attendues, les tableaux-objets, moins connus, de Jo Delahaut surprennent, comme l'oeuvre de son presque homonyme Pierre Lahaut qui signe notamment une " Chambre nuptiale " énorme, rappelant Cobra.Chaque artiste a droit à son espace : Milo déjà cité signe une Serres de Laeken en 1978 qui tend vers le figuratif sans renoncer à une abstraction colorée. Berthe Dubail, qui ailleurs propose de l'abstraction en coloris doux, exécute des gouaches mouvementées à gros traits comme Astres, opposées à la délicatesse presque féminine de René Guiette qui s'en tient, en tout cas dans cette technique, à quelques lignes.Chez Jo Dustin c'est un embouteillage de pictogrammes et lettres, tandis qu'Antoine Mortier livre en 1984 parmi des peintures plus puissantes, notamment une Lueur bleue en dégradés, apaisée et fantomatique ; quand son geste se fait plus épais, il voisine avec Bram Bogart qui privilégie aussi cette épaisseur, tout en se montrant plus bigarré.Anne Bonnet, également peu connue, est plus douce dans son abstraction, Zéphir Busine, présent avec une seule peinture mais quelle peinture, signe avec Introspection une toile couleur chair, dont le tourment évoque les meilleurs Bacon.Il ouvre une patrie plus géométrique de l'expo notamment, celle épurée cette fois de Jo Delahaut, rejoint par un Gaston Bertrand dorénavant totalement abstrait. Le peintre des structures architecturales souvent abandonnées Roger Dudant (fondateur du groupe Hainaut 5 avec Busine justement) est confronté aux lignes de Luc Peire, non loin des torsades de Walter Leblanc (deux pièces hélas seulement).Bien sûr, tout ne possède pas la même force : Gilbert Decock et Francine Holley et leur géométrie étirée, presque pop, résistent mal au temps, ceci au contraire de Marthe Wéry et ses monochromes notamment, qui prennent place aux côtés de celui d'Amédée Cortier, de Jef Verheyen, et de ceux croisés de Dan Van Severen.A l'image de la géométrie bigarrée et sans aspérité de Guy Van Den Brande mise en regard de celle plus vibrante d'Élie Borgrave, cette exposition contrastée redonne à l'abstraction belge de l'après-guerre toute sa force... d'attraction.