...

Pourquoi ce titre de Roisin Machine? Roisin Murphy: Parce que depuis Hairless Toys, je suis constamment sur une machine, sur un train de création. Dorénavant, je possède mon propre studio à domicile, ce qui signifie qu'aujourd'hui je n'arrête plus: je sors un album, mais le suivant est déjà quasi prêt. Je suis donc une machine. Et une Roisin Machine parce que personne ne sait comment prononcer mon prénom irlandais. Les violons que l'on peut entendre au début de l'album sur "Simulation", seraient-ils justement une manière pour vous d'évoquer vos racines irlandaises? Vous voulez dire gaéliques? Il s'agit en fait d'une référence aux violons de l'époque disco. C'est plutôt Norman Feels que Riverdance! Depuis Overpowered en 2007, j'avais à l'esprit ce mélange de protohouse et de musique gothique, des groupes comme Cabaret Voltaire, de disco et de house...que je souhaitais ensuite mixer. Y aurait-il quelque chose d'irlandais dans votre musique? Pendant l'enregistrement de son album Knock Knock auquel j'ai pris part en 2018, DJ Koze m'a confié, même si c'était un peu ironique, que j'avais une tristesse irlandaise dans la voix. Cet album parle de sexualité et d'amour à voir les titres comme Narcissus, Something more, Simulation... Elle n'a pas besoin de sexe cette machine, elle est auto-sexualisée: elle est sujette à des simulations et n'a jamais eu le coeur brisé. Le titre Kingdom of ends est une référence à Mark Fisher, un écrivain qui s'est malheureusement suicidé il y a quelques années. Il avait rédigé des comptes-rendus de concerts de Moloko et écrit à mon propos que j'étais sexuelle pour moi-même. Que j'adorais mon interprétation, sans prêter attention au reste, en étant focalisée sur ma personne. Fisher était très branché sur les oeuvres de J.G. Ballard, le glam-rock et a tenté de connecter mon personnage avec cet univers. Cela transparaît dans cet album d'auto-sexualité qui met en scène une minette glamour. J'y interprète une sorte de Ballard Sex Model, La maternité a-t-elle modifié votre musique ou votre attitude vis-à-vis de votre activité musicale? Peut-être m'a-t-elle procurée plus de confiance quant à mes capacités propres, me permettant ne plus douter. En même temps, j'ai réalisé que la vie serait désormais plus courte... C'est un marqueur en tout cas. N'avez-vous jamais rêvé d'être noire? (Silence) Yeaah, surtout pour avoir grandi à Manchester où les filles blacks et métisses étaient tellement cools, possédaient les plus beaux vêtements, se révélaient être les meilleures danseuses. Je les admirais totalement. Personnellement, je ne suis pas une très bonne danseuse, mais je danse avec mes tripes. Chaka Khan vous a-t-elle inspirée au niveau de votre chant? Complètement! Mais récemment j'ai surtout beaucoup écouté Van Morisson, ce qui transparaîtra sur le prochain album. En fait, je n'ai pas vraiment débuté comme chanteuse, plutôt comme concepteur réarrangeur, conseillant Mark Brydon, mon partenaire musical à l'époque de Moloko, de choisir tel type de musique en réaction à un autre: je jouais le rôle de catalyseur. Et j'ai trouvé mon âme, ma "soul music" au travers de l'expérimentation. Ce n'est que graduellement que j'ai appris à chanter. Aujourd'hui, je me situe à un stade où j'écoute Van Morrison, qui est irlandais, en me demandant comme Van parvient à se laisser aller à ce point dans sa voix, comme si son chant devenait une sorte de mantra. Un niveau auquel je ne parviens pas, mais que j'espère un jour atteindre dans mes enregistrements. Je suis également admirative du fait qu'il puisse paraître brutal dans sa manière de chanter. C'est très beau: à la fois spontané et très virtuose. Mais vous êtes spontanée? En tant que personne... mais moins en tant que chanteuse. C'est peu à peu que je me suis ouverte et que j'ai appris à chanter... et je le ferais toute ma vie. Vous évoquez deux fois votre "story untold" en début et fin d'album... Oui, parce que mon histoire galope toujours et n'est pas encore racontée: au niveau de ma vie privée bien sûr, mais aussi de ma carrière et de ce que je projette. Je suis attirée par des éléments contradictoires que j'essaie de conserver d'un point de vue musical et émotionnel au travers d'une sorte de connectivité: il y a en moi une punk, une star du disco, une pop-star, une réalisatrice, une rock-star, et une fashion queen. Sur la vidéo de Sing It Back, j'apparaissais en boule à facettes disco ; mais ce n'est qu'une facette justement de ma personnalité. Plus ça va, plus les différents aspects se mettent en place, et, peu à peu, mon histoire commence à faire sens.Roisin Murphy: Roisin Machine