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Le lien entre les principes actifs pharmaceutiques (PAP) et l'antibiorésistance (AMR, résistance antimicrobienne) est particulièrement délicat et convoque à la fois la mondialisation et la surconsommation : la majorité des ingrédients (environ 200 antibiotiques) sont produits en Chine et en Inde, 30.000 à 70.000 tonnes de déchets ayant une activité antimicrobienne sont générés par cette industrie, dont plus de 95% sous forme liquide (à traiter avant rejet dans l'environnement). " Le souci c'est que les environnements pollués par des déchets non traités peuvent être un réservoir de résistance aux antibiotiques. Dès lors, est-il éthique que le monde occidental 'outsource' le problème de résistance bactérienne vers ces pays ? Sans oublier que les oiseaux migrateurs facilitent l'exportation de ces résistances... " Ainsi, la pollution pharmaceutique est une cause cachée, souvent sous-estimée, d'AMR, estime le spécialiste : " Une concentration active d'un antibiotique dans l'environnement peut exercer une pression de sélection et favoriser les souches de microbes possédant les gènes de résistance pour cet AB spécifique. La plupart des bactéries ne posent pas de problèmes mais, plus il y a de gènes de résistance dans l'environnement, plus il y a de probabilité que des bactéries transfèrent ces gènes à d'autres bactéries ". " A problème global, solution globale : les Nations Unies ont un programme 'environnement' depuis 1972 (UNEP) et ont proposé d'ajouter l'AMR comme indicateur du développement durable. L'OMS a un programme vert pour les soins de santé. En 1996, l'UE a établi des recommandations sur le risque environnemental des produits médicaux pour l'homme (mises à jour en 2012) ", a expliqué Eeva Teräsalmi, vice-présidente FIP (Finlande). Signalons que Stockholm a introduit une classification environnementale des produits pharmaceutiques (www.janusinfo.se, www.fass.se) qui guide les producteurs pour remplacer certaines molécules par d'autres plus 'ecofriendly' et que la base de données viennoise sur les désinfectants (WIDES Database) aide les hôpitaux à évaluer l'efficacité, la sécurité et les facteurs environnementaux de ces substances. (www.wien.gv.at) Ces systèmes de classification permettent d'informer les consommateurs, d'influencer les procédures d'achats et les offres, de créer des logos pour les emballages des médicaments " ecofriendly ", ou de changer les mécanismes de prix. " Ces derniers devraient être basés sur le cycle de vie complet d'un produit or, actuellement, la substitution par un générique ne se fait que sur le facteur prix, par exemple ". La FDA et l'UE n'analysent le risque environnemental que pour les nouvelles molécules, alors que 2000 principes actifs pharmaceutiques déjà sur le marché ne sont pas classés. En 2019, l'UE a établi sa stratégie pour les produits humains et vétérinaires depuis la production jusqu'aux déchets : elle vise à faire connaître le problème et promouvoir l'usage prudent, à améliorer l'évaluation des risques, à collecter des données de surveillance, à développer le " Green design " des molécules, à réduire les émissions lors de la production (or les GMP ne couvrent pas les déchets), à réduire les déchets, à améliorer le traitement des eaux usées et l'AMR (One Health Action)...1. www.fip.org, 6 juillet FIP, Green Pharmacy pratice, 2015-16.