Depuis une dizaine d'années, le statut de " bon " cholestérol du HDL est de plus en plus remis en question... une étude à grande échelle récente vient encore renforcer les doutes quant à ses effets bénéfiques. Le LDL, lui, conserve son statut de " mauvais " cholestérol.
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À la base, la reconnaissance du cholestérol HDL en tant que facteur protecteur indépendant contre les incidents cardiovasculaires reposait sur les données en provenance de la fameuse étude de Framingham, une étude observationnelle en cours depuis plusieurs décennies aux États-Unis qui explore diverses corrélations au sein de la population. En 1977, des chercheurs avaient rapporté dans cette cohorte une relation inverse entre le taux de cholestérol HDL et le risque cardiovasculaire (1), mais des méta-analyses ultérieures ont mis en question la justesse de leurs conclusions. Une étude réalisée en 2012 n'a pas pu confirmer que la présence de gènes codant pour un taux accru de cholestérol HDL s'accompagnait d'une réduction du risque cardiovasculaire (2). La même année, on a décidé d'interrompre le développement du dalcétrapib, une molécule capable d'accroître les taux de cholestérol HDL, mais qui restait sans effet sur le risque cardiovasculaire. Plusieurs produits apparentés ont connu le même sort. L'étude publiée en novembre de l'année dernière dans le Journal of the American College of Cardiology a suivi dix années durant quelque 30.000 sujets sans antécédents cardiovasculaires composant la cohorte REGARDS (3). Son objectif initial était de clarifier les différences de risque cardiovasculaire entre Américains blancs et Afro-Américains car, si un nombre croissant de données donnent à penser que celles-ci sont bien réelles, les chiffres font actuellement défaut pour ajuster les modèles prédictifs en conséquence. La cohorte comportait 42% de sujets noirs et 58% de femmes. L'âge moyen des participants était de 64 ans. Dans les faits, les résultats en disaient toutefois autant si pas plus sur l'impact du cholestérol HDL sur le risque cardiovasculaire que sur les déterminants ethniques des maladies du coeur et des vaisseaux. Au total, 664 incidents cardiovasculaires ont été relevés chez des participants noirs et 951 chez les participants blancs. Un taux élevé de cholestérol HDL (> 60 mg/dl) ne semblait avoir d'effet protecteur contre les incidents cardiovasculaires dans aucun des deux sous-groupes en comparaison avec des valeurs normales (40-60 mg/dl chez les hommes, 50-60 mg/dl chez les femmes). Un faible taux de cholestérol HDL (? 40 mg/dl chez les hommes, ? 50 mg/dl chez les femmes) se soldait par contre par une augmentation du risque cardiovasculaire dans le sous-groupe blanc, mais n'avait aucun effet chez les sujets noirs. Des taux élevés de cholestérol LDL, eux, faisaient grimper le risque de part et d'autre. Lors de l'analyse, les résultats ont été corrigés pour une série de facteurs cliniques et comportementaux. Le constat que les lipoprotéines de haute densité (high density lipoproteins ou HDL) jouent un rôle dans la protection de la paroi vasculaire contre l'excès de cholestérol - un effet qui repose sur leur capacité à extraire ce dernier des macrophages de la paroi vasculaire - n'est pas remis en cause. Par contre, on soupçonne depuis un moment déjà que la mesure du taux de cholestérol HDL n'est pas un paramètre fiable pour quantifier la capacité du HDL à évacuer le cholestérol des macrophages. En 2014, une étude s'est attachée à mesurer directement cette capacité d'efflux (4) en quantifiant la faculté des HDL à extraire du cholestérol pourvu d'un marqueur fluorescent des macrophages dans les échantillons sanguins de personnes sans antécédents cardiovasculaires. Au terme d'un suivi de près de dix ans, il est apparu qu'il existait une relation inverse entre cette capacité d'efflux et le risque d'incidents cardiovasculaires, avec une différence de risque de l'ordre de 67% entre le quartile le plus faible et le plus élevé en termes de capacité d'efflux. Il n'existait par contre aucun lien entre le taux de cholestérol HDL au début de l'étude et le risque d'incidents cardiovasculaires dans le courant du suivi. "Des études ont démontré qu'il y a un plafond à l'effet favorable du cholestérol HDL", a confirmé le Pr Ann Mertens (service d'endocrinologie, UZ Leuven) lors d'un récent congrès organisé par la Ligue Cardiologique Belge (5). "Il se situe autour de 80 mg/dl." Au-delà de cette capacité d'efflux, on attribue encore d'autres effets cardiovasculaires bénéfiques au HLD, dont notamment une action anti-inflammatoire et antiplaquettaire ou encore une capacité à stimuler la synthèse de substances impliquées dans le rétablissement de la paroi vasculaire. À l'heure actuelle, aucun de ces paramètres ne peut toutefois être mesuré en routine. L'étude REGARDS rapporte également une différence entre une population blanche et une population noire. Selon le cardiologue Clyde Yancy (Northwestern University Feinberg School of Medicine, Chicago) il ne faut en tout cas pas aller chercher du côté des gènes (6). Les chercheurs s'accordent aujourd'hui sur le fait que les divers groupes ethniques partagent un génome largement commun. Du point de vue des épidémiologistes, les différentes races et ethnies sont donc une construction sociale plutôt que génétique. En dépit d'une correction poussée pour une série de facteurs de risque cliniques et comportementaux dans l'étude portant sur la cohorte REGARDS, on ne peut pas exclure que des variables confondantes difficiles à circonscrire générées par le contexte social puissent malgré tout avoir influencé les corrélations observées. Le Pr Yancy évoque notamment à cet égard les habitudes alimentaires.