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Avant d'aborder dans le petit port du Frioul, le ferry longe le Château d'If, rendu célèbre par le Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas. " Les touristes asiatiques de passage en France veulent voir deux choses : Paris et le Château d'If ", commente notre guide. " Ce dernier a fait parler de lui dès 1515-16, lorsqu'un maharadja indien a fait cadeau d'un rhinocéros au roi du Portugal Manuel I... qui a finalement décidé d'offrir au Pape cet encombrant animal exotique, popularisé en Europe par les gravures d'Albrecht Dürer. En route de Lisbonne à Rome, le rhinocéros a séjourné un temps dans ce château, où François Ier et de nombreux habitants de Marseille sont venus l'admirer. "Nous contemplons l'île d'If depuis le site de l' Hôpital Caroline, où les marins au long cours devaient autrefois séjourner un temps avant d'être autoriser à mettre pied à terre à Marseille. " À côté de son caractère militaire, le Frioul a surtout servi d'archipel de quarantaine - un passage obligé pour les passagers et membres d'équipage qui voulaient se rendre à Marseille, de peur que les activités vitales du port ne soient mises à mal par l'une ou l'autre épidémie. "Une sorte de version française de l'Ellis Island new yorkaise, en somme ? " Absolument ", confirme Christian Devuyst. " L'Hôpital Caroline remonte aux années 1820, mais des mesures de quarantaine sont attestées depuis le 16e siècle. Les navires jetaient l'ancre dans la baie derrière la Pointe Pomègues, où les matelots étaient soumis à un examen médical avant d'être autorisés à accoster à Marseille. L'histoire raconte que l'épidémie qui a décimé deux tiers de la population marseillaise en 1720 a été provoquée par un contrôle bâclé. " Malheureusement, les bombardements de Marseille occupée par les nazis au cours de la 2e Guerre Mondiale ont largement détruit les vestiges de ces lazarets : hormis l'hôpital, il ne reste plus guère de cette période que le Pavillon Hoche." La construction de l'hôpital a été accélérée par l'épidémie de fièvre jaune qui a sévi dans un certain nombre de ports de la Méditerranée au début du 19e siècle. Le complexe est conçu de manière à séparer soigneusement les malades des convalescents. Ses pavillons séparés permettaient en outre d'utiliser le vent comme ventilateur naturel, ce qui a valu à l'établissement son surnom d'hôpital du vent. Regardez aussi la flore qui nous entoure : comme les marins aéraient régulièrement leurs vêtements (contaminés) sur l'herbe, on a vu s'installer ici toute une série de plantes tropicales. "L'ancien pharmacien originaire de Lessines a toujours porté un grand intérêt aux produits naturels et, tant sur l'île de Ratonneau que sur celle de Pomègues (reliées entre elles par une digue au 19e siècle), il ne cesse d'attirer notre attention sur la richesse de la flore. L'archipel du Frioul abrite plus de 350 espèces végétales. Ses sédums riches en composés alcalins, par exemple, sont à l'origine du fameux savon de Marseille. " J'aimerais bien faire fabriquer du savon à base de plantes du Frioul ", ajoute Christian Devuyst. Le romarin, le fenouil marin (" excellent contre le scorbut ") et le poireau sauvage sont avidement récoltés par la population locale, qui les consomme en salade... et parlant de manger, notre guide nous recommande chaudement le loup bio de la baie de Pomègues. Pas besoin de nous le dire deux fois !Partir en promenade avec ce charmant causeur est non seulement divertissant, mais aussi extrêmement instructif. Vraiment, l'archipel a bien plus à offrir que les eaux turquoises de la plage de Saint-Estève ou les charmantes criques de Pomègues... et l'enthousiasme et la passion de Christian Devuyst pour " son " île sont tellement communicatifs qu'on partage volontiers son leitmotiv : le Frioul vaut bien le détour !