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" L'ophtalmologie se caractérise par une diversité et une spécificité de diagnostics issus d'un faible nombre de signes d'appel. Ceux-ci placent les professionnels de santé non-ophtalmologistes au défi de définir quand la situation fonctionnelle est menacée. Or, ce sont souvent eux qui sont consultés les premiers et c'est donc souvent à eux qu'il revient de reconnaître et définir l'urgence ophtalmologique ", précise l'ophtalmologue Jean-Louis Bourges. (1) Le pharmacien est de fait souvent aux premières loges quand il s'agit de répondre aux plaintes oculaires. Premier réflexe: écarter tout signe de gravité et référer les patients à risque présentant par exemple un trouble s'accompagnant d'une douleur, d'une photophobie et d'une baisse de la vision. " Une impression d'éclairs lumineux ou de voile noir (décollement de la rétine), la présence d'un corps étranger ou un traumatisme nécessitent une prise en charge médicale rapide. De même, si les symptômes sont récurrents ou persistants ". (2) En outre, la prudence s'impose chez les patients diabétiques et ceux souffrant de maladies inflammatoires rhumatismales ou de maladies neurologiques, sans oublier les porteurs de lentilles de contact. Plus généralement, on sera particulièrement attentif aux patients chroniques et à la possibilité d'un effet secondaire ophtalmologique des médicaments qu'ils prennent. (voir page 28) " Chez les patients demandant un avis au pharmacien, l'oeil rouge prédomine et les altérations de vision sont quasi absentes. Deux tiers à trois quarts de la symptomatologie vue par les pharmaciens font l'objet d'une prise en charge pharmacienne simple. (...) Par rapport aux traitements d'automédication où le lavage simple prédomine, l'antiseptique est préféré par le pharmacien. En revanche, les antalgiques, souvent pris en automédication, ne semblent pas proposés par le pharmacien. C'est une attitude prudente. En effet, si l'oeil est réellement douloureux au point de nécessiter une antalgie, un avis médical est requis ", estime le Dr Bourges. Selon une enquête française, le pharmacien est amené à formuler en moyenne 7 avis ophtalmologiques par semaine. (3) Sensation de grain de sable dans les yeux, gêne visuelle, picotements, brûlures oculaires et larmoiement, difficultés à supporter ses lentilles... Le syndrome de l'oeil sec est une pathologie en forte augmentation, constate la pharmacienne Laurence Sergheraert: " Cette maladie, qui fait partie des plus fréquentes en ophtalmologie, a connu une forte progression avec la généralisation du port du masque pendant la pandémie de Covid-19 ". (4) Très fréquemment prise en charge à l'officine, la sécheresse oculaire représente environ 25% des motifs de consultation en ophtalmologie. " On rapporte une prévalence de 15% chez l'adulte de 50 à 95 ans et le risque est supérieur chez les femmes (surtout après la ménopause) et chez les seniors, mais aussi chez les fumeurs ". " L'environnement visuel est également impliqué. L'utilisation massive des écrans d'ordinateur et de smartphone entraînerait une réduction de 30 à 50% de la fréquence et de l'amplitude des clignements par rapport au niveau de base ; ces microtraumatismes répétés sont associés à un risque accru de sécheresse oculaire, notamment chez les plus jeunes. On s'attend ainsi à ce que la prévalence de cette pathologie augmente de plus en plus durant les quarante prochaines années. Le syndrome de l'oeil sec présenterait également un caractère saisonnier puisqu'il serait aggravé par les fortes températures, la sécheresse atmosphérique et la saison pollinique ". Dans le syndrome de l'oeil sec, la recherche d'une maladie sous-jacente ou une cause environnementale ou médicamenteuse est importante, explique le CBIP: " Le traitement des formes légères à modérées est essentiellement symptomatique et consiste à appliquer des agents hydratants et à écarter les facteurs aggravants. Le choix du type de larmes artificielles est souvent empirique, étant donné qu'il n'existe pas d'études de bonne qualité comparant la supériorité relative d'un produit par rapport aux autres ou par rapport à un placebo. Il convient également de tenir compte du prix, souvent élevé, des différentes formulations disponibles et de la dextérité du patient. La place des compléments alimentaires à base d'acides gras n'est pas claire. Il est important de référer le patient lorsque le traitement est inefficace, en cas de symptômes sévères, de rougeur dans l'oeil ou de signes de lésions au niveau de la cornée ". (5) S'il ne semble pas y avoir de différence notable dans leur efficacité, les différences de viscosité des gouttes peuvent jouer: " En cas de symptômes légers à modérés, le National Institute for Care Excellence (NICE) recommande de commencer avec des préparations peu visqueuses (p.ex. à base d'hypromellose). En cas d'inefficacité ou lorsque la fréquence d'application est trop grande, on peut se tourner vers des produits plus visqueux (p.ex. gels à base de carbomères) ou contenant des lipides. Les onguents sont à réserver pour les symptômes sévères ". " L'utilisation de préparations sans conservateurs est conseillée si les gouttes oculaires doivent être appliquées plus de 4 fois par jour ou en cas d'utilisation d'autres gouttes contenant un conservateur, en cas d'aggravation des symptômes avec un produit contenant un conservateur et en cas de portage de lentilles de contact souples ". Enfin, le CBIP déconseille l'administration de gouttes anti-inflammatoires (AINS ou corticostéroïdes) sans l'avis d'un ophtalmologue.