Le 20 mai dernier, le Groupe interuniversitaire d'experts en vaccinologie (GIEV) a organisé son symposium Saint-Valentin autour du thème de la vaccination tout au long de la vie et de l'intérêt d'un registre national de vaccination.
...
Pourquoi se doter d'un registre national vaccinal informatisé (RNVI)? "Parce que le concept de protection vaccinale a évolué au cours des deux dernières décennies. D'une vaccination centrée sur l'enfant, on est passé à une vaccination qui protège tout au long de la vie. De plus, le calendrier vaccinal de l'enfant est passé de 5 à 12 maladies évitables (vaccins pour tous et choix vaccinal élargi (Rota, MenACWY...)). Enfin, la dernière évolution est due aux épidémies", estime Béatrice Swennen (ULB). "Un registre devient aussi important parce qu'il y a la liberté de choix du vaccinateur et une multiplicité des vaccinateurs. Au cours d'une vie, on peut avoir affaire à une dizaine de vaccinateurs différents", constate-t-elle. "L'évolution de la vaccination fait qu'on a un intérêt croissant pour développer des registres nationaux. Mais il faut une transparence importante. On peut se poser des questions quand on voit que Vaccinnet+ a permis d'enregistrer la vaccination de la population contre le Covid-19. Or, le CST en a été un produit dérivé: tant qu'il était une preuve de vaccination, cela ne me posait aucun souci, mais, quand il a commencé à être utilisé de façon à limiter un certain nombre de choses, il aurait fallu pouvoir en informer les gens avant de les obliger à être candidats à la vaccination. Il y a là un problème éthique", met en garde Béatrice Swennen. Le "Registre national de vaccination": une utopie ou une possibilité? Telle était la question posée aux experts réunis autour de la table ronde du matin. Lucie Catteau, pharmacienne et épidémiologiste chez Sciensano, a mis en avant l'intérêt du projet Link-Vacc mis en place pour surveiller la vaccination contre le Covid-19 qui a permis de faire des liens avec d'autres bases de données comme celle des tests Covid. "Il faudrait pouvoir continuer: on a atteint un objectif grâce à la pandémie, on a un outil qui fonctionne et que les prestataires de soins ont pris l'habitude d'utiliser et maintenant, on parle d'un retour en arrière avec une réutilisation des registres régionaux, c'est-à-dire trois outils différents..." Charlotte Martin, chef du service des Maladies infectieuses et de la Travel Clinic du CHU Saint-Pierre (Bruxelles), a fait observer que, d'un point de vue pratique, l'absence d'un registre national de vaccination est un enfer au quotidien: "Les gens sont étonnés qu'on ait pas de trace de leurs vaccinations. On doit donc revacciner certains patients, ce qui coûte cher à tout le monde. Au delà de ça, on est dans une période où l'hésitation vaccinale augmente. Avoir un registre national c'est un gage de transparence par rapport à la population, ça montrerait que nous ne sommes pas des amateurs. Cela permettrait, entre autres, d'augmenter la confiance et de contrer l'hésitation vaccinale". Michel Candeur, informaticien et responsable de la plateforme e-Vax pour le Programme de vaccination Fédération Wallonie-Bruxelles, a regretté qu'e-Vax soit passé sous la tutelle de l'ONE alors que la mission de cette dernière n'est pas de surveiller la vaccination des adultes. "Il faut avoir une vision large, de la naissance à la fin de la vie: c'est un problème de volonté et de politique. Actuellement, il y a une volonté de créer un Hub qui va au-delà de la petite enfance. On est en phase test pour les MG et pédiatres". Marc Vanmeerbeek, médecin généraliste, a souligné qu'il est important d'assurer une surveillance tout au long de la vie, surtout pour les personnes vieillissantes, et que la vaccination est un de ces éléments: "Je rêve de l'intégration complète du registre vaccinal dans mon logiciel, dans la fiche de chaque patient. Je suis pour une refédéralisation des registres de vaccination". Enfin, Nicolas Echement, secrétaire général de l'APB, a insisté sur le rôle que peuvent jouer les pharmaciens dans la sensibilisation de la population, comme ils le font déjà dans le cadre de la grippe et comme ils l'ont fait pour la vaccination contre le Covid-19. "Toutes les personnes qui ne fréquentent pas un MG ont droit à avoir un schéma de vaccination correct. Pour nous, il paraît essentiel d'avoir cette information et donc d'avoir accès au registre de vaccination (national ou fédéré). En toute logique, il serait plus intelligent d'avoir un registre national". Charlotte Martin plaide aussi pour un registre de vaccination le plus global possible: "Il n'y aurait que des bénéfices en terme de communication au public. Avant la pandémie, la vaccination ne parlait pas beaucoup aux adultes, il y a un manque de communication vers le grand public. Donc, s'il y avait un registre auquel tous les professionnels de soins, généralistes, pharmaciens, pédiatres... auraient accès, cela accroîtrait le processus de visibilité de la vaccination dans la population adulte. Cela devrait être complété par une communication par les grands médias et les réseaux sociaux. On avait l'espoir que la vaccination Covid allait revaloriser l'image de la vaccination aux yeux de la population, ça n'a pas été le cas! Il faut donc surfer sur les bénéfices que cette crise nous a amenés, il faut rééduquer le grand public sur la question de la vaccination. Un registre aiderait tous les prestataires de soins. Et pourquoi ne pourrait-on pas voir les vaccinations dans l'app Masanté, à côté des ordonnances?" Encore faut-il garantir la sécurité d'un tel registre. Tous les experts se sont accordés sur cette nécessité. "Et obtenir l'adhésion de la population parce qu'on a beaucoup parlé de Big Pharma et de Big Brother pendant la pandémie...", a encore mis en garde le Dr Vanmeerbeek.